Le temps ne ménage pas sa peine à travers le labeur des hommes.
Entends-tu le minuscule grésillement du sable fin qui tombe dans le sablier à l’instant renversé ?
Un désert miniature tient dans la main. Je renverse le désert plusieurs fois par jour, comme si le temps devenait réversible.
Le sablier magique remonte la pente douce du temps glissant.
Chaque grain de sable figure un événement, un visage, une rencontre, un silence, un cri, une chute, un accident, une joie, une stupeur.
Sable de couleur, mélange de blondeur, de rose et de bleu, de blanc cristallin.
Ta vie toute entière s’étale sous la patience du soleil, à l’image d’une peinture éphémère.
Une fois l’œuvre de grâce achevée, tu t’empresses d’emmêler les pigments, tu effaces la belle ordonnance qui retourne au chaos du sablier multicolore.
Ainsi tu mènes deux vies catallèles qui se relaient à plaisir.
Tantôt c’est le sablier et son chaos qui prennent le dessus, chaos filtré qui en passe par le goulot d’étranglement de ta mémoire agile, tantôt tu ordonnes une fois encore les pigments pour ensuite, doucement, les rendre à leur chaos.
D’un regard, tu sépares les bons grains de l’ivresse.
Dociles, les grains de sable se laissent faire sous ton regard magnétique.
L’ivresse bue, entrevue, tu la laisses à qui a besoin de se griser de grands mots, de grandes phrases dans la geste futile de ses actes passés, présent et à venir.
Jean-Michel Guyot
24 septembre 2014