Les titres ne rassasient jamais.
Le premier est absorbé par le deuxième, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le temps impose le dernier rempart, à moins que l’individu ne se pose lui-même ses limites.
Le coup de volant, le toucher de balle, le style du swing … un dépassement conjointement audacieux et précis, un lob offensif croisé déterminant, une traversée de balle puissante et droite … et les pneumatiques, sans trop s’user, laissent un peu de leur gomme, et l’attaqué devient attaquant, et le premier coup place déjà remarquablement la balle … au bon endroit, à chaque fois …
Le talent à l’instant T donne toute sa quintessence à la décision. Et c’est à chaque fois la suprématie qui s’exprime, qui s’étale, qui s’installe. En toute lucidité, en toute décontraction.
Le pilote emprunte la portion la moins poussiéreuse au sortir du virage, le joueur de terre battue attend le dernier moment pour choisir de décocher ou délivrer un coup droit le long de la ligne, le roi du green scrute la petite balle blanche en plein essor dans les cieux tandis que le club glisse entre ses mains …
La stratégie est la canalisation juste du talent.
Drapeau à damier, coupes …
Trophées ...
Rang, classement, puis … durée.
C’est la suprématie du titan qui s’affirme, au silence, loin, en définitive, de toute récupération adjectivale. Tout comme celui qui l’incarne, tout comme cet homme en train d’oeuvrer au sein d’un temps littéraire en permanent conflit avec le temps commun. Une fiction achevée annonce une fiction naissante, tout est daté, déjà, alors que dans le même temps, la projection narrative poursuit son cours …
Le corps s’extrait du baquet et l’homme casqué retire d’abord ses gants, avant d’effectuer quelques pas sur l’asphalte … Le vainqueur enlève les bandeaux anti-sudation et se dirige vers le filet pour saluer son adversaire … Plusieurs coups d’avance, oui, mais l’envie, sur ce par trois, d’en réaliser deux, avec cette ultime approche savamment dosée qui permet inexorablement d’insérer la balle dans le trou.
Les romans, les nouvelles, les pièces de théâtre s’accumulent, ainsi que les essais, oui, des essais libres ou imposés, et le regard du compétiteur ou du narrateur s’exile au loin, dans cette perspective sans fin, loin de l’acclamation, du plébiscite ou de l’invective. Mais à l’intérieur, pleinement à l’intérieur de cette esthétique du calme et du détachement qui permet seule de ne jamais se lasser de la victoire.