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Tradition et modernité - continuité et discontinuité
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 Article publié le 11 mars 2013.

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En littérature, la distinction entre tradition et modernité date du XVIIe siècle, avec la fameuse querelle des Anciens et des Modernes. A l'époque, la naissance du classicisme érige un style basé sur l'ordre et la clarté dont Racine et Boileau sont les représentants. Il faut avoir à l'esprit que lesdits classiques reprennent l'héritage antique et le régénèrent. En effet, les grands auteurs gréco-romains ( Sophocle, Euripide, Virgile, Ovide, Cicéron ) sont à nouveau considérés, à la sortie d'un Moyen-Agen bien obscur. Dans le même temps, lesdits modernes – Charles Perrault en tête – sont tantôt précieux, tantôt burlesques, tantôt baroques, voulant s'affranchir des règles dominantes.

 Si l'on en vient maintenant à la tradition française, ce qui apparaît c'est un vaste panoramique. D'abord, le fond : de La Fontaine à Céline, en passant par Laclos, Flaubert ou encore Maupassant, c'est la société française – et parfois même au-delà, jusqu'à un certain universalisme – qui est passée en revue, auscultée … avant que le diagnostic narratif annonce un verdict sans appel. Et sans concession. Nobles, paysans, bourgeois ... fonctionnaires, commerçants,, médecins … classes et corporations sont vilipendées, rien de leurs travers n'échappe au regard de l'écrivain. Ensuite, la forme : généralement, on évoque un style travaillé, puissant, reconnaissable rapidement. Et la sophistication n'est pas antinomique avec la simplicité, bien au contraire, d'autant que la langue française et son immense plasticité s'y prêtent fort bien. La tradition, donc, apparaît comme un socle sur lequel on peut s'appuyer, la tradition est une source. La subtilité – et la grande force – de la tradition, c'est ce que j'appellerai sa mise en abîme. Laquelle ? Le surgissement, de manière cyclique, d'un talent novateur qui sape les fondements de la tradition. Ce mouvement historique, incarné par l'affirmation d'une plume singulière, c'est aussi la tradition. En revanche, lorsqu'elle demeure exclusivement elle-même, elle est synonyme d'archaïsme ou d'académisme. Un exemple ? L'équation « littérature = roman » . Comme si les autres genres étaient secondaires, ou pire, inexistants. Lorsque l'équation « littérature = narration » sera atteinte - c'est-à-dire dans les esprits - , un changement important sera intervenu … C'est essentiellement lorsque la tradition est archaïque qu'elle favorise l'émergence de la modernité.

Celle-ci est une double rupture : elle s'inspire d'abord de la tradition en tant que socle – on ne fait jamais table rase du passé - pour se confondre avec l'innovation, elle incarne ensuite ce que l'on appelle la contemporanéité. Les œuvres modernes ou de rupture ne manquent pas : « Les liaisons dangereuses  » ( 1782 ) , vendu sous le manteau à Paris tandis que son auteur se fait très discret, « Emma Bovary » ( 1857 ) qui vaut une triple charge d'accusation à son géniteur, « Voyage au bout de la nuit  » ( 1932 ) dont le style provoque un séisme dans le paysage littéraire français …

L'essence de la modernité, c'est la projection ou le mouvement prométhéen. Grâce à l'individualisme, fantastique invention occidentale, le créateur part de lui-même pour exprimer son rapport au monde. L'histoire du « je » est longue, mais on peut la faire débuter avec René Descartes et son cogito. Ecrire ou penser à la première personne ne signifie pas une implication directe mais une mise à distance clairement formulée par Arthur Rimbaud ( « « je » est un autre » ) .L'aventure du « je » qui prend racine avec René Descartes pour s'hyper-amplifier avec Alain Robbe-Grillet, c'est l'aventure de la subjectivité, c'est l'aventure de la littérature ou de la pensée en train de se faire. On retrouve la notion de rupture, également, dans la peinture, avec l'apparition de l'abstraction : Kandinsky, Malevitch, Mondrian et Kupka orientent différemment la discipline. A tel point qu'aujourd'hui encore leurs tableaux déconcertent beaucoup de gens. Pourtant, ces artistes ne surgissent pas de nulle part, puisqu'ils sont en partie les héritiers des impressionnistes. Alors ? Alors, c'est l'évolution. La modernité, c'est l'évolution. Et dans le même temps, une partie de la tradition se perpétue. Exemple : le chair-obscur chez Van Rijn Rembrandt et Edward Hopper. D'un côté les Pays-Bas du XVIIe, de l'autre l'architecture américaine du XXe.

Enfin, parfois la figure du géant prend de telles proportions – je pense à Jean-Sébastien Bach dont les innovations techniques engendrent de nouvelles émotions - qu'elle demeure unique longtemps après, et que les futurs violonistes et pianistes ne cessent de puiser à la source. Pour peut-être trouver leur propre modernité ... 

 

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