LE CLODOCHE
O
campanelles sottes cloches
Aigres
grelots sournois bourdons
De longs
glas glacés s’effilochent
Dans
le vent noir sans un fredon
Volez
volez jusques à Rome
Faites
vos Pâques nom de Dieu
Tantôt
je serai ce pauvre homme
Plus
de raison plus d’ouïe plus d’yeux
Volez
volez cloches volages
Volez
Je n’ai pas entendu
Que
les cloches de mon village
Les
cloches d’un pays perdu
Tintez
tintez mes tintenelles
Pour
mes retours pour mes départs
Trompez
l’ennui des sentinelles
De
pierre grise des remparts
Dormez dormez cloches têtues
Qui
fera de vous des canons
Des
poings des gueuses des statues
Des
boulets et des alganons
Brisez
brisez la fonte verte
Inébranlables
jaquemarts
Je
laisse ma baraque ouverte
Brisez
brisez mes cauchemars
Sonnez
sonnez cloches de verre
A
l’heure exquise des repas
La
troupe a chassé les trouvères
Et
les loups ne reviendront pas
Chantez
chantez sur la Misère
Des
champs des rues cloches de bois
J’ai
ma besace et mon rosaire
Je
passe la chiennaille aboit
Sonnez
sonnez vieux campaniles
Sonnez
tours beffrois donjons
Sonnez
sonnez cloches séniles
Dans
des envolées de pigeans
Sonnez
cloches de Corneville
Sonnez
cloches de Clochemer-
le
Sonnez ô cloches serviles
Sonnez
cloches du fond des mers
Sonnez
ô cloches englouties
Sonnez
ô cloches de jadis
Cloches
de Colombel d’Ostie
D’Herbauge
de Montoise d’Ys
Courez
courez fines clochettes
Faites
sortir les garnements
De
leurs caches de leurs cachettes
De
leurs derniers retranchements
Battez
cloches des Notre-Dame
Sur
les cadavres encensés
Je
rêve d’être un passeur d’âmes
Un
clocheteur de trépassés
Sonnez
ô fidèles campanes
Sonnez
à grands coups de maillet
Sonnez
pour les gens dans la panne
Sonnez
l’Angélus de Millet
Sonnez
ô cloches argentines
De
Frère Jacques sonnez donc
Sonnez
les vêpres les matines
Sonnez
Ding ding dong Ding ding dong
Sonnez
cloches de mon enfance
De
la caserne des pompiers
De
l’école de ma Provence
Que
je traverse à cloche-pied
Sonne
en branle à toute volée
A
double à triple carillon
Dans
ma coloquinte fêlée
Cloche
inconnue des bataillons
Retentissez
graves paroisses
Sur
nos siècles bardés d’airain
Les
herbes de la Saint-Jean croissent
Entre
nos joies et nos chagrins
Sonnez
sonnez cloches divines
Dorées
à trente-six carats
Je
marche au bord d’une ravine
Mais
la Mort me donne le bras
Que
dansez-vous claires sonnailles
Dans
l’alpage et le pré salé
Grelots
cousus à mes penailles
Que
dansez-vous sons endiablés