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 Article publié le 16 juillet 2023.

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Une motion naturelle est celle qu’un être exerce sur un autre en vertu d’une nécessité interne de sa nature même ; il lui suffit donc d’être pour l’exercer et, dès lors qu’il est, il ne peut pas ne pas l’exercer. Une motion volontaire est celle qu’un être exerce par une décision libre, et qu’il ne dépend par conséquent que de lui d’exercer ou de ne pas exercer.

Gilson, Espr. philos. médiév., 1932, p.48

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Une motion naturelle est, en somme, une motion involontaire, comparable en cela à l’attraction terrestre, tandis qu’une motion dite volontaire s’exerce en toute connaissance de cause, seules ses conséquences échappant complètement à qui se livre à un jeu de séduction : l’attirance sexuelle, motion naturelle ou volontaire ?

D’une motion naturelle faire une motion volontaire : se découvrir séduisant et se faire séducteur…

Attraction et attirance sont parfois confondues par des esprits faibles qui maîtrisent mal leur langue maternelle. On leur trouvera bien entendu toutes les excuses du monde, le délit de langue n’existant pas, déroger au bon usage n’étant, aux yeux du grand nombre, qu’une broutille. Pour d’aucuns, en toute inconscience, il n’y a pas de bon usage qui tienne ; toutes les licences sont permises au nom d’une conception de la liberté d’expression dévoyée.

Il y a là un caprice qui prend tournure, une facilité réellement déconcertante pour qui a épousé sa langue maternelle et met un soin jaloux à la cultiver, culture livresque certes mais culture qui enjoint, au fil des lectures nombreuses, à prendre en considération les écarts de langue - lexicaux et syntaxiques - auxquels donnent lieu toute pratique littéraire qui se respecte…

Divers champs de réflexion, depuis plus de deux millénaires, s’efforcent de distinguer tel ou tel aspect de l’expérience humaine en poussant très loin le raffinement des analyses ; les distinctions qui en résultent appartiennent toutes à l’histoire de la pensée, mais qui peut se targuer d’en maîtriser tous les tenants et aboutissants ?

L’usage de concepts vulgarisés est peut-être plus affaire de mode que de monde, un certain mode de pensée étant en vogue pour des raisons historiques assez faciles à identifier. Mais reste le monde et l’expérience humaine qui s’y diffracte, monde et expérience agissant l’un sur l’autre à la manière d’un double prisme, l’un étant en apparence achevé, c’est le prisme du monde et l’autre apparaissant comme inachevé, c’est celui de l’expérience humaine, s’il est vrai que les invariants supposés de cette expérience ne sont que des variations locales, régionales, nationales ou civilisationnelles d’une seule et même expérience qui tend à se répéter au cours de l’histoire.

Le jeu du temps, tout est là, qui détermine l’histoire mais aussi la géographie, si par géographie nous entendons, stricto sensu, l’appropriation des terres disponibles par diverses ethnies au cours des siècles. Le monde, ainsi, apparaît comme stable-instable : stable dans son organisation géologique à l’échelle humaine, en dépit de quelques notables bouleversements (volcanisme, tremblements de terre, raz de marée) et instable, si l’on s’avise de dresser l’historique de l’habitation humaine des lieux donnés : conflits armées, invasions, les divers impérialismes.

Stable-instable, le monde, et sujets à d’infinies variations les supposés invariants de l’expérience humaine qui se déclinent en d’innombrables religions et sagesses, sciences et techniques venant perturber la donne initiale implantée par les sagesses et les religions présentes dans le monde entier à divers stades de leur évolution, toute conjecture quant à leurs chances de survie à long terme étant impossible.

L’aléa n’existe peut-être pas pour un hypothétique esprit supérieur, chaque cause produisant ses effets, hystérèse comprise, et en tenant compte des mutations que subissent toutes les doctrines au cours du temps. La maîtrise de l’aléa n’est pas à notre portée, tant s’en faut ; cette absence de maîtrise fait même partie intégrante de l’expérience humaine. Elle pourrait même en être le tronc commun par-delà toutes les inventions humaines destinées à contrebalancer l’inévitable mort de tout un chacun, c’est-à-dire ce qu’on appelle communément le cultuel et le culturel. Les traditionnalistes tendent à rabattre le culturel sur le cultuel, quitte à réprimer, censurer, détruire ce qui contredit le dogme et les usages cultuels, tandis que celles et ceux qui se sont défait des traditions (ne les appelons pas progressistes !) inclinent à valoriser le culturel au détriment du cultuel vu et vécu comme un ensemble de pratiques figées, mortes voire mortifères, en somme un ensemble sédimentaire stratifié auquel il est loisible de se référer pour planter un décor et des personnages crédibles.

Stagnation ou progrès/délitement ou réaction à ce délitement, peu importe le point de vue choisi en fonction d’intérêts bien précis (d’ordre économique et spirituel : on s’accroche ou non à un état des choses donné, à un ordre socio-économique et à une certaine éthique d’inspiration religieuse parce qu’on estime être ainsi à la fois dans le vrai, ce qui garantit le confort intellectuel) : dans tous les cas, il y a procès dans le temps, chaque processus évoluant selon une dynamique complexe mettant en jeu tous les aspects de l’expérience humaine.

L’humain demeure la grande inconnue qui suffit à justifier à elle seule la Littérature.

 

Jean-Michel Guyot

13 juillet 2023

 

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