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Une inflorescence
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 Article publié le 18 juin 2023.

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Ah c’est flou !

Les petites lettres tout en bas de l’abécédaire de l’ophtalmologue ne se détachent pas assez nettement sur ma rétine.

C’est pareil avec les idées si je ne m’empresse pas d’en fixer le flux par une formule inaugurale qui leur permettra de prendre leur envol dont je ne sais rien à l’avance, excepté qu’elles prendront leur envol.

Une phrase, courte le plus souvent, me traverse l’esprit ; elle me trotte dans la tête pour peu que je fixe mon attention sur elle, mais gare à moi : si je détourne mon attention ne serait-ce qu’un instant, pensant la retrouver l’instant d’après, tout est perdu, elle s’est dissoute dans la mer de mots en train de s’esquisser. Je perds le dynamisme de flèche de l’idée qui fuse et l’ambiance verbale qui en constituait pour ainsi dire le milieu d’origine, l’espace d’incubation, si je puis dire, à cette nuance près que l’idée, pour peu qu’elle soit vigoureuse et déjà fermement dessinée, n’a rien d’un fœtus endormi dans sa matrice douillette ni d’un être chétif à peine formé mais se comporte d’emblée avec une grande autorité, réclamant attention et respect.

Laisser filer une idée, c’est laisser passer une chance de dire d’une certaine façon ce qu’il en est d’un esprit ballotté entre diverses émotions et sensations qui en constituent le fond humain, à la fois personnel et impersonnel voire mondain, esprit d’où jaillit l’idée appelée à se développer qui sera, quant à elle, comme la mise en abyme de ce fond humain au moment d’écrire.

Une fois l’écrit achevé, ce dernier sera le seul témoin d’une atmosphère comparable à une nébuleuse gazeuse au sein de laquelle des étoiles ont apparu, créant des mondes nouveaux, des systèmes solaires et planétaires d’une extraordinaire variété, tous témoignant en quelque sorte d’un état antérieur de l’univers-esprit qui est à l’origine de leur existence, à ceci près qu’une question plane constamment sur l’écrit achevé : devait-il rendre compte d’un inframonde ou bien s’attacher à être dans toutes ses dimensions possibles ce monde nouveau d’où il a émergé ? S’agissait-il de rendre justice à cet élan idéel plein de promesses pour donner à sentir ces composantes sensorielles et émotionnelles, factuelles et événementielles ou bien convenait-il de les rendre inaudibles, imperceptibles afin de privilégier ce qui en a émergé ?

Entre la matrice verbale et l’enfant tout neuf qui en est sorti, mon cœur balance.

Mieux, peut-être, qu’un univers avec ses lois et ses étants, ses transgressions et ses fixités, ses aléas et ses nécessités, la pensée pourrait être comparée à une inflorescence.

Spadice ou corymbe, épi ou ombelle, grappe ou capitule, cyme scorpide ou bipare, quelle que soit la forme qu’elle prend, c’est une fractale. Un principe d’organisation est à l’œuvre, génétique chez les plantes, auto-organisationnel pour ce qui est d’une pensée en devenir.

Ces fines feuilles d’or que nous recherchons tous et toutes en orfèvre consommé des mots que nous sommes ne masque ni ne révèle ce qu’il en est de l’écrit dans toute son ampleur signifiante. Cette inflorescence, qui s’organise en bractées ou bractéoles, cyathes ou involucres, implique une grande variété d’éléments constitutifs qui aboutit à cette perception amplifiée que nous recherchons tous et toutes pour nous délivrer du pur donné, le tout ainsi obtenu étant plus signifiant que la somme de ses parties constitutives en relation les unes avec les autres comme le sont les plus petites unités distinctives du langage que seule une analyse fine et patiente peut mettre au jour, le tout étant qu’il faut en quelque sorte passer outre le moment de l’analyse pour s’adonner au flux de suggestions que cet ensemble automobile en perpétuelle mouvement charrie.

 

Jean-Michel Guyot

23 janvier 2021

 

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