Dans les sociétés occidentales, pendant longtemps, existaient des rites de passage de l’adolescence à l’âge adulte, voire de l’enfance à l’âge adulte si l’on remonte à Rome.
L’on s’accordait ou se disputait sur la primauté de ces rites, mais ils demeuraient l’enjeu de vifs débats.
Lisant récemment l’article d’un grand quotidien national sur l’évolution du baccalauréat - sa décomposition accouchera-t-elle d’une nouvelle unité post-napoléonienne ? - , je songeai aux différentes intersections entre ces deux âges qui théoriquement font prendre conscience du passage ad vitam aeternam d’un temps à l’autre, et fis le constat suivant, un constat français : le service militaire ayant été supprimé, le vote étant vide de sens et le baccalauréat connaissant un nivellement qui tend à sa propre invalidation, que demeure-t-il comme axe de transition sinon la sexualité ?
Oui, la sexualité, à l’heure actuelle, est devenu le seul rite de passage à l’âge adulte.
Et de penser, conjointement, à la remarque de Michael Herr à propos de Eyes Wide Shut ( " C’était Kubrick ", Séguier, 2021 ), et à l’oeuvre de Richard Millet.
Le cinéma d’abord, avec l’interprétation du dernier film de Stanley Kubrick, centrée sur le mariage et le caractère éminemment déstabilisant de la sexualité. En effet, l’état de confusion dans lequel nous plonge la sexualité peut être abyssal, et c’est sans doute ce qui fait que nous devenons adulte sans initialement le savoir. Car nous devons faire l’expérience de cette transition en toute innocence. Pour précisément la perdre, comme le souligne fort bien Richard Millet - littérature ensuite - dans plusieurs de ses livres. Oui, la perte de la virginité est synonyme de perte d’innocence. Nous faisons dériver de manière définitive les continents de l’enfance et de l’adolescence pour entrer de manière fracassante dans le continent des grands.
Encore faut-il apprendre à connaître ses propres stimulations et savoir les découvrir chez l’autre, en d’autres termes transformer ce rite de passage en odyssée expérimentale bientôt miroir de la connaissance de soi-même. Car la sexualité demeure toujours l’arène de la crainte et de l’audace, des inhibitions et des libertés...