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![]() oOo Rare que je parte d’un titre : formule-choc si ramassée qu’elle appelle un développement inconnu de moi. Un titre, après coup, rassemble, condense et oriente le sens, à la fois ouverture, fenêtre sur le texte, rapide aperçu et recueil du sens. Une formule pose une énigme, lance un défi, contraint la parole à se trouver. Je la retiens immédiatement si elle m’interpelle, à moi, alors, de lui parler pour savoir ce qu’elle a à me dire. Telle celle-ci : cominus et eminus, devise de Louis XII. Aussitôt, j’imagine une éminence grise, je ne puis m’empêcher non plus de songer à Philippe de Comines, Comines, une bourgade dans le Nord que j’ai connue, ni plus ni moins remarquable qu’une autre. Une fois passées ces références historiques et biographiques, reste la sonorité sympathique de cette formule latine au charme condensé. Mais foin du passé ! Un excès de bonheur, parfois, rend mutique. Un excès de malheur non moins. Ce à quoi m’incline cette formule peu bavarde, c’est à en dire le sens lointain qu’elle prend pour moi en l’état actuel des choses. Choses qui relèvent de l’intime, ni secret ni exhibé, flottant plutôt entre moi et les autres à la manière d’un fil d’araignée invisible. Est-ce à dire que je songe à tisser ma toile, à créer mon réseau arachnéen dans l’intention de piéger puis de dévorer quelque proie humaine ? Non, à la réflexion, je ne crois pas. Je ne crois pas, parce que je n’y crois pas. Un fil si ténu au point d’être nettement perçu comme invisible mais bien présent, et actif et incassable, doit bien vouloir dire autre chose. Le visage d’une femme sourit derrière un voile de gaze si fin, si transparent que j’y vois l’éclat de ses yeux et le fin sourire qu’elle affiche en toute innocence, bien qu’elle sache pertinemment que je la regarde intensément. Son sourire me dit : je t’autorise à me regarder pour un temps, le temps que je me fasse à l’idée que je puis te plaire durablement, et qu’en retour, toi qui me plais, puisses me donner l’envie irrépressible et décisive de me donner à toi. C’est ainsi qu’elle est au plus loin, mais bien réelle et charnelle. Prête à se rapprocher en déchirant le voile qui la sépare de moi. Pour être au plus près, et si proche même, soudainement, que nous pourrions sentir notre haleine et la chaleur de nos joues peut-être devenues rouges d’émotions. A la pâleur translucide du voile se substituerait alors ses lèvres roses posées sur les miennes en un baiser effleuré d’abord puis appuyé et gourmand. Ainsi va la rêverie douce du proche et du lointain. Une dialectique opportune qui vient me rappeler à mon devoir de réserve sans retenue, m’enjoignant d’être au plus proche par nécessité. Une nécessité vitale qui m’enjoint de m’approcher au plus près de mon désir, afin de savoir s’il la touche, dans le but aussi, au même instant, de sentir un flux qui passe d’elle à moi et de moi à elle, une énergie sexuelle commune, un même désir de plonger dans les délices de la chair. En un peau à peau qui, loin d’abolir nos frontières charnelles, signe un acte de communication délicat, fragile mais intense au point d’être transis l’un l’autre l’un par l’autre, joyeux jeu de balle où il devient impossible de dire qui lance et qui relance la balle rouge. Au point que la question de savoir qui ne se pose même plus. Eminemment proches alors, nos deux corps acceptent la distance et la solitude d’autres instants pour mieux se rapprocher encore et encore.
Jean-Michel Guyot 24 janvier 2019 |
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