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Génèse des séries
Horizons verticaux - Chantier 2
![]() oOo Il fallait tout reprendre de zéro. Les choses que j’avais écrites quand j’étais au lycée, j’en avais liquidé une partie, l’autre restait en déshérence. Le sens des réalités, j’en reprenais des bris. Il n’y avait plus que des débris là-dedans. Bizarrement, Pyramides urbaines et cinémas antiques était resté intact et, dans l’ombre, le récit intitulé Au-dehors de toute lumière dont le titre était démarqué d’un roman de la collection « Gore » que je n’avais pas encore lu. Il fallait réapprendre à écrire. Ou commencer à apprendre peut-être même. Pour cela, dans les faits, je n’avais guère d’outil. Je me nourrissais principalement de musique à cette époque. J’écoutais beaucoup John Coltrane. Je n’écoutais plus beaucoup les Doors. Et puis il y a eu les étagères de la section musicologie de l’ancienne bibliothèque de l’université de Saint-Denis. On s’y installait à même le sol. Le sérialisme devait y être bien représenté. Je n’ai malheureusement pas retenu le titre de cet ouvrage qui démontrait, à l’aide d’études statistiques, que les musiciens d’orchestre jouant de la musique contemporaine étaient sensiblement plus sujets à la migraine que les autres. Tant pis. Ce n’était pas si important. Mais ça marquait un point d’impact, une sorte de traumatisme. Comme l’annotation au crayon de cet exemplaire des Relevés d’apprenti de Pierre Boulez d’un étudiant qui avait tenu à graver en toutes lettres « Connard ! » à la marge d’une fameuse injonction du compositeur. L’évidence du sérialisme, c’était Le marteau sans maître. Elle s’inscrivait jusque dans le fil de mes rêves. Une de mes toutes premières notations de rêve se déroule précisément dans le métro avec, en plan sonore distinct, les arpèges en spirale du disque que j’écoutais répétitivement alors.
Dans le métro, avec quelqu’un. On entend Le marteau sans maître. Ce quelqu’un me parle de nœuds coulants. Ces nœuds, réputés incassables car ils préservent la corde de la charge qu’elle doit supporter.
Dans le rêve, j’échangeais avec une personne non identifiée à propos des différentes techniques de nœuds coulants. Est-ce que j’essayais de montrer une connaissance que je n’avais pas ? On voyait, comme une page d’encyclopédie, une planche illustrée présentant différentes sortes de nœuds. Et la musique se jouait, très nette. Les bulles de rêves ne m’obsédaient pas vraiment mais elles semblaient posséder des propriétés narratives précieuses et mal cernées. Je rejetais principalement alors d’enfermer le récit dans une structure narrative close, induisant même un ordre moral ou une « morale de l’histoire ». Il y a donc eu l’histoire de Mehart, l’homme sans lèvres avec, en contrepoint, l’évocation de John Lexan dont on ne sait pas grand-chose. Cette narration a finalement donné lieu à une sorte de nouvelle, marquée par l’expérience du train et le Tolstoi de la Sonate à Kreutzer, qui s’est accompagnée de tentatives plus ou moins abouties, dont une série de notes préparatoires intitulées « Molécules affaiblies » où j’imagine un développement de la nouvelle « Crissez rails et roues » (ou « Au rythme des roues qui crissent sur les rails ») à travers la sérialisation des personnes et des wagons du train. La procédure n’a jamais été appliquée au final. Il faut dire que, dans les jours qui ont suivi, la narration a été emportée par le flux du poème qui a imposé son rythme à mon écriture jusqu’à l’engendrement de la grosse chose incompressible, Avec l’arc noir. |
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