Pincée de sel sur tes seins
Envol
La bouche gourmande se repaît
Il faut dire sa délicatesse insigne
La ferveur des mots obscurs qui s’en échappent
Quand, dans le feu de l’inaction, prise de panique,
Elle prend la parole
Onomatopée de l’indicible, le langage
En son entier ?
La poésie, alors, serait le chemin minéral,
Le miroir intérieur
Reflets de feu d’un réel éprouvé
Règles et contraintes pour les uns,
Et garde-fou dans le fouillis sonore
Onomatopées pour d’autres, rythmes pointés
Par où tarde à venir la parole qui délivre
Eclats et embruns pour moi,
Qui défriche-déchiffre les brumes
Je sais l’étrave et la proue et le pont
Chante alors la voix neuve
Aux vents porteurs vouée
Au large de l’espoir
Vita nuova et gai savoir
Prouesse du vent, l’unique
L’éclat ?
Qui n’a senti sa rondeur acidulée de pomme sure
Dans la poussière des bibliothèques ?
Polymnie fait l’amour à Pomone qui se pâme
Sous le regard inquiet des Muses,
Uranie s’assoupit
Du vent l’exil, de la terre l’abri, des mers le voyage odorant,
Tout cela, et plus encore à fond de cale, sur le pont, à la proue,
Et craquent mâture et bastingage,
Et claque la voilure
Retour en des terres natales si nombreuses
Et qui, de la roche grise ou de la fleur qui y prospère,
Est la plus émouvante ?
Dans les terres, matière d’exil,
Croît la force du jour
Les mots te font l’amitié de m’accompagner
Dans l’amour que je voue à tes mots
Comme si, dans la plus légère des ferveurs,
La mémoire des livres,
Ne se refusait plus à mon égard la pensée claire et distincte
Qui accueille
Les chants nombreux
Cascades de mots torrentueux et vasque calmes
Aux eaux claires,
Miroirs du ciel
Jetés là dans le chaos des schistes
J’aime tes petits yeux de micas,
Les roses et les gris bleutés de tes roches plusieurs fois millénaires,
Et ces odeurs animales qui rôdentdans tes parages,
Minérale et céleste demeure,
Torrent de mon enfance
Ivre de lumière
La main cherche l’appui, n’arrache pas, se cramponne,
Accompagne le corps tout entier dans sa marche
Animale
En une recherche qui ploie sous les plis
Pour mieux se lover amoureusement contre les embruns,
La proue plonge
Terre des mers, amour translucide
Eclaire les mots
Fanal égaré
Le sel de tes seins
Sel de la terre aux mers accordé
Qui voit l’Aphrodite chtonienne fouler le rivage
De tes premiers pas sur la terre ferme,
Je retiens l’humide langueur
Bouche que le sel brûle,
Gorgée de sel, salure
Voici que le regard s’attarde sur les ruisseaux côtiers
L’estran attend dans les plis de ses flaques
Doux clapotis de tes pas dans les flots apaisés
Qui, des terres, des mers, aura le dernier
Mot ?
Question vaine que la brise emporte
Dans les lointains
Ta robe de lin fouette au vent côtier
Tes yeux basculent dans le bleu
Tes bras remuent ciel et terre
Andains dans les cieux,
Les nuages
Et coup de faux puissant qui rassemble
Il faut à ta présence une belle et forte conclusion
Ouverte sur elle-même
A même le sol pierreux
Sourd la lente montée des sagas et des légendes
Elles respirent comme au premier jour de leur épiphanie
L’épierrage sera long, les murets lentement
Sillonnent les terres arables
Puissance des hommes,
Muets murets dans le secret des murmures
Bientôt recouverts des lichens et des mousses,
Patine des temps que le présent rabat sur la présence
D’un dicible longtemps attendu, si longtemps préservé
Dans les replis des roches
En grand nombre, tu y traces les signes visibles
Algiz est le chemin nombreux
Qui ne serpente pas
Un parmi tant d’autres que tu aimes,
Mais le tien dans ton cœur
D’ici et de maintenant
Et de si lointaine provenance dans le même temps
Qu’entre toi et les temps nulle indifférence
D’où vient alors que du temps pérenne
Résonne encore l’appel à venir ?
Futur et avenir s’encanaillent avec l’ombre portée
D’un passé mémorial
Temps de dénuement
Nudité des traces, flamboyances des signes,
C’est tout un
Compte seule,
De main en main passant,
La gracile présence
Et si légère
Que, de toi et moi, dans cet incessant maelstrom
Une force obscure s’imagine être à la pointe de qui nous sommes
Par le truchement de ce que jamais, au grand jamais nous ne serons
Mais ferons si le marteau de notre action se débat dans nos mots
Pour combattre nos maux
L’altérité enfin, sel d’espérances, vieux ressort
De la métaphore
Mordante métaphore montre les dents
Pommes, noix ou citrons, fuyez !
Fable rase une fois faite au faîte de sa puissance,
Et défaite par là même des puissances occultes,
Des empires et des polices aussi bien,
Demeurent dans le saint des saints
A table d’hôtes
Les dieux inquiets
Qu’ils festoient entre nous
Est chose bonne et tant de fois si légère
Fête de paix de par le monde endeuillé
Ta tente claque aux vents, amie,
Et salue les peuples mobiles
A la force du poignet, l’aube axiale
Jean-Michel Guyot
26 mars 2016