Blanche écume
Tu aveugles qui ne plonge pas en toi
Dans le sillage aveuglant, j’ai vu ton visage souriant
Singulière invite à sortir de moi
Vigueur nouvelle !
Je ne le sus qu’après coup,
Dans le plus tard de la plage désertée,
L’air était chaud, le sable brûlant,
Tes yeux de mer roulaient dans mes vagues,
Les nombreuses
Ecume contre écume, dans la rage de vivre
Le présent de l’instant
Qui nous vit enlacés dans le rouleau
L’étrave allait son train
Nulle entrave
Non que la fleur des eaux s’ouvrît sur notre passage,
L’inquiétude était grande que ne s’envolât la nef ainsi esquissée
Par nos deux corps irradiés de mer bouffonne
Rire aux larmes, larmes de sel,
Voilà
Que pas un instant ne fige
En statue d’albâtre
*
Pomone oubliée serre doucement contre son sein
La corbeille de fruits mûrs
Cela se voyait dans le grand jardin
Les hauts murs frissonnent, amoureux du lierre
Sombre verdure
M’emmène loin au plus près de la lisière des forêts de sapins
De mon enfance
S’y aventurer encore et encore,
Entendre ainsi craquer les aiguilles sous nos pas lestes pourtant,
Et ménager, le temps d’une source, un espace
Propice aux murmures
Que la déesse effleure
*
Le ciel t’embrasse sur la bouche
Dans la clairière humide
Dévêtue enfin, tu me regardes te regarder ainsi
L’immense convoitise brille dans tes yeux
C’est ma semence que tu veux,
Et l’ahan singulier
Aux rythmes non pareils
*
Dans le cru, dans le cuit,
Une demeure de glace ou de feu
Les sèves y circulent
La mégère s’étrangle,
Un os de lapin en travers de la gorge
Il en faut plus au destin pour arrêter sa course mortelle
C’est qu’il meurt en nous à mesure qu’une vie nouvelle se dessine
Ainsi va le temps espiègle
Le temps d’une prière exaucée
Mais qu’est-ce donc qui chemine à travers moi
Au-devant de moi,
Ainsi prend mille formes secondes
Dans la fraîcheur du matin ?
Eihwaz vibre dans la main offerte
Ouverte sur un avenir indicible
Qui n’en peut mais consent
Quoi qu’il advienne
Bâtit ainsi sa propre fatalité
Au travers des aléas de l’histoire
Il faut se résoudre à combattre cela
Pied à pied
Dire oui, dire non, selon
Terre de feu et de glace,
Islande de mon pays
Les Elfes égarent parfois,
Se perdent dans les mots
Aller à leur destin, contre toute fatalité,
Se faisant écrire à l’avenir,
Et le dessiner à même les roches noires
Encore fumantes
Nulle part ailleurs qu’ici le merveilleux affleure
Mais c’est aux forêts de mon enfance que je songe
Il me faut les revoir
Y retourner impose silence
Contre toute attente
Métempsychose des formes
Dans la matière protéiforme
Ici agit sans s’agiter
Le secret nouveau qu’une ferveur nouvelle embrasse
Jean-Michel Guyot
13 février 2016