La piétaille a besoin de s’élever.
Elle ne s’enfonce jamais par plaisir.
Quand on naît
au rez-de-chaussée,
l’escalier
prend toute la place.
Moi je suis né dans un grenier.
C’est le toit
qui prend toute la place.
Et tous les jours je pense
à la différence
entre l’escalier
et le toit.
On me prend pour un fou !
Je monte l’escalier
qui ne m’a jamais obsédé
et je le descends
pour aller dans la rue
que je connais comme ma poche.
Raison et moi
on a grandi ensemble,
lui au rez-de-chaussée
et moi au grenier.
On a partagé la même rue
et salué ceux des étages
sans jamais manquer
à cette politesse.
Mais Raison veut monter
alors qu’il ne peut pas.
C’est plus fort que lui,
il ne montera jamais.
Moi je descends
et je monte
et les gens,
tous les gens,
pensent que je suis fou
d’habiter dans un grenier
avec seulement un toit
au-dessus de moi-même.
Et pendant que Raison
rêve de monter dans les étages,
moi je pense à me promener
sur le toit.
C’est toute la différence
entre lui et moi.
Nous n’avons pas le même rêve.
Peut-être que Raison,
avec un peu de chance,
ou autre chose,
parviendra-t-il à monter.
Je le lui souhaite.
Mais me souhaite-t-il
d’arriver à monter sur le toit
qui est si près de moi ?
J’en doute.
Et je doute toute la journée.
Je passe beaucoup de temps à douter.
Car la question n’est pas
(vous vous en doutez)
de trouver le moyen
de monter sur le toit,
mais de savoir
ce qui j’y ferai.
Raison sait ce qu’il fera
au premier,
au deuxième
et qui sait au troisième,
mais moi,
pauvre fou,
qui me dira
ce qui se fait
là-haut,
si haut,
tellement haut que j’y suis presque !