Être même disparu déjà... tiens vous êtes encore là ?... (l’air glacial et neutre avec lequel on vous dit cela... comme on terminerait d’épousseter une étagère encore un peu salie. Comme on verrait une tâche encore fixée dans le décor).
Il est temps pour eux de se changer en courant d’air. Absolument dissous dans l’azur. Et surtout n’y plus revenir... dans ce refuge où nous n’avons plus rien à faire...
(mais la difficulté est d’oublier ces scènes où l’on s’est commis... on les revit ces scènes. Toutes sans exception. Et sans en omettre une seule. Malgré tout... on en porte en soi les images... les frises similaires à celles du Parthénon... en revoyant ces personnages. Au complet : Les tontons les cousins les chats les chiens. On les revoit s’avancer. Avec cet air complice et qui ne durera pas... Mais dans la mémoire ils sont de fait moins des personnes que des statues... des choses mortes mais dont la gravité nous touche encore par le souvenir... Puisqu’ils tiennent encore à des époques précises où l’on s’est commis...)
...comète dissipée du ciel noir... allez, et sans faire plus d’histoire ni d’embarras... nous avons d’autres rendez-vous, voyons... surtout il faut que vous nous libériez sans plus faire de façons... voyez notre agenda, il est surchargé de rendez-vous sérieux, et votre présence est à présent une lourde entrave à tout ce sérieux... ainsi disparaissez !
Oui... (et là, en écoutant ces consciences discourir doucement... je me laisse aller à écouter leurs aléas... ne suis-je pas une forme de veilleur de leur conscience... couché sur ma paillasse. A fond de cale et d’abandon... je revêt toute cette ombre.
Je suis la page blanche où ils sont libres de s’en venir esquisser toute leur haine envers moi.
Paria banni. C’est là un refrain habituel. À entendre s’élever ces flammèches. Ces flammes discoureuses et nombreuses...)
On comprend certes que certains reviennent avec un flingue dans l’intention de finir toute la famille. Les visions de carnages. La gueule en sang dans les profiteroles !... pour parfaire un joli massacre...
Trouver une conséquence à toute sa ruine. Inconséquence que tout cela...
Mais cette violence doit s’opérer avec douceur. Comme selon une harmonie des gestes tous atténués pour nos sens. Comme d’un pas qui nous ferait gravir des marches de marbre sans fin, jusqu’au ciel et ses anges nous tendant leurs bras de nacre...
Toutes ces victimes... Leurs fesses à l’air dans des contorsions grotesques... des victimes si belles à voir périr... avec ensemble et douceur... comme pour un souvenir que l’on pourrait contempler au présent où il survient.
Comme on massacre un rosier... des fleurs à foison trempées de sang... leurs visages chus sur le fumier. Bientôt noyées dans l’humus ces mignonnes.
Mais tout cela pour moi n’est plus qu’un mirage... à peine même une impulsion... c’est certes un rêve jouissif sur le coup... une très belle décharge de haine où je verrais leurs corps verser dans un bûcher. Et puis il fondrait dans la lenteur d’un beau supplice... par mes rancunes...
Mais ce serait un supplice dont les conséquences judiciaires sont en somme assez ennuyeuses... ou bien trop lourdes de conséquences... sans vouloir sérieusement s’y commettre.
Car la justice. Car les médias. Car la rumeur...
Et puis devoir exposer sa gueule mal rasée d’assassin sur les couvrantes des gazettes... cela est en fin de compte bien terne et bien mauvais goût... puis, une fois qu’on a purgé sa peine, se voir ensuite signer des autographes à des personnes plus louches encore que vous. Une meute de maniaques déviants... toute une engeance qu’on ne soupçonnait pas. Ce serait en somme faire remonter au jour toute une faune des abysses.
Se faire aduler par l’ordure. Exécré par les saints... ce sort de fait exige une minute au moins de calme et de mise au point.