Un musicien des rues, un Tsigane, disait-on (on le dirait bien, il semble sortir d’un film) joue sa musique, elle est étrange et nous pénètre étrangement. Elle émet un message chiffré, un code fait de signes incompréhensibles, à travers cette musique étrange, qui ne semble pas composée par le temps. Il doit influencer nos vies à travers elle. Ensuite nous prendrons des décisions absurdes, nous nous tromperons de manière inconcevable, mais tout en fonction des desseins que cette musique nous a imposés. Ce Tsigane joue sur la Rambla Cataluña, c’est un parent du Diable, un petit serviteur, un de ses hommes de peine. Il se sert de lui et lui fait son travail. Il est dangereux d’écouter de la musique sur la Rambla Cataluña. Il se peut que le musicien soit un domestique du diable. Mais cette musique n’est pas si puissante ni si méchante. Le Diable envoie cet esclave avec son petit instrument parce que, comme Dieu, il ne peut pas faire plus. Le Diable est aussi un pauvre diable. Et l’homme oubliera petit à petit cette musique comme celle de la pluie qu’il a un jour entendue et qui n’est plus qu’un mince souvenir aujourd’hui. La musique du Diable sera dévorée par la vie et il n’en restera rien. L’homme l’oubliera elle aussi. Le Tsigane le sait et il fait ce qu’il peut, il joue le mieux possible pour qu’elle dure le plus longtemps possible et le Diable est content, il ne le renvoie pas et même le laisse quelquefois monter là-haut, sur la Rambla Cataluña, pour jouer cette étrange musique.