Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
Oser le silence pour rester humain (3)
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 11 septembre 2011.

oOo

Face au poète le désert serait un silence sur quoi s'imprime un oasis germé du plus profond de lui alors qu'il se sent atteint d'une sécheresse impitoyable. Le verbe coulerait à flot lui procurant une sensation récalcitrante de soif intarissable, de langue rôtie. Le poète prend racine dans le torride. Un environnement brûlant le conduit vers un état d'incandescence tel que pourrait sur le sable en connaître un nomade, pieds nus, sous le soleil.

Il se retrouve face à lui comme devant un tonneau fendu. Sa soif ne peut être assouvie car il perd au fur et à mesure le verbe qu'il secrète. Ainsi est-il maintenu en relation permanente avec le silence.

Par cette expérience involontaire qu'il en fait à force d'écrire, le poète se voit comme engagé dans un mystère sans l'avoir prévu ou désiré consciemment. Il en ferait le constat.

Aux côtés du mystère il se questionne : son cœur serait-il percé ? Flash aussi étonnant que la représentation de certain saint ou martyr dont une goutte de sang semble à tout jamais perler de ses entrailles plantées de flèches.

Le poète cesse de vouloir expliquer pour se mettre à contempler cette larme de rubis toujours en train de sortir d'un cœur de diamant. Contemplant il se tait, se taisant il comprend que le silence est la cause de cela qu'il voit.

Le silence en lui participe de ce qu'il exprimera de plus inaccessible, en rapport avec une expérience qui semble relever d'une ascension intérieure, escalade d'une paroi imaginaire dont une échelle de glace au flanc invite à la gravir.

Le silence est la part muette dont se réclame l'homme en tant qu'être humain fragile, remis en cause, incertain, se posant des questions, se hasardant. Il lui évite d'être tout puissant, doctrinaire, idéologue.

Au sein de la communauté il renvoie l'individu à ce qu'il est dans le profond miroir qui ne parle pas mais le débusque trait pour trait dans sa nudité.

Par le silence l'homme passe à travers le miroir de sa personne grégaire. Il se dédouble, se découvre, s'impose à lui-même en tant que autre.

 Cet autre abrite un homme qui réfléchit, se détache d'un modèle. Son imagination désenchaînée possède en elle les moyens d'échapper au carcan du portrait robot que la société tend à emboiter sur lui.

Le poète s'apparaît, épiphanie, homme nouveau qu'il extrait d'un uniforme en conformité avec ce que le groupe attend de lui.

Le silence le désincarcère de sa vieille peau d'homme formaté. Dans la matière du silence l'homme se découpe pour s'offrir, individu auquel le groupe s'intéresse en sa qualité de frère fascinant et terrifiant à la fois car distinct de son prochain normalisé :

Il fait scandale.

Il fait scandale parce qu'il apparaît Homme. Homme nu, déshabillé par le temps, l'usure, l'échec de toutes ses velléités de puissance. De riche il est pauvre, de beau il devient laid, de sage il se retourne en fou.

Non standard, enfin à sa juste mesure, abandonnant tout critère de mesure, il découvre la sienne proprement humaine : Le voilà catégorisé dans le hors norme parce qu'il est devenu tout bonnement normal c'est-à-dire seulement lui-même, un homme, homme dépourvu des prothèses du savoir, homme dépouillé.

Descendu des hautes échasses de la connaissance, il marche sur la plante des pieds, humble bipède face à l'homme. Il se contemple recadré dans ses proportions naturelles.

Le silence le somme de ne plus se projeter dans du virtuel mais dans ce qu'il est, que le silence lui redéfinit afin qu'il n'oublie pas en lui son double : le plantigrade, cet homme d'instinct capable de voir en son sein toutes ses faces en même temps pour stimuler les meilleures et contraindre les pires, redevenu au-dedans de lui le guérisseur de son âme si elle est malade.

 A l'intérieur il se resitue d'autant plus nécessairement qu'il sait que l'autre en lui, l'homo technicus, est en marche sur une route où aucune force ne lui fera rebrousser chemin.

Alors le primate se rappelle à son bon souvenir pour lui dire : retourne aux grands livres des philosophes et médite sur ta condition.

Ainsi tempéré par cet enseignement que lui livre le silence l'homme peut de nouveau affronter l'avenir prometteur d'imprévisibles transformations afin que toujours il progresse.

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -