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Inventaire des pertes (feuilleton)
Au-dehors de toute lumière [suite ?]

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 Article publié le 14 avril 2024.

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N 1988-03

Au-dehors de toute lumière [suite ?]

Type : environ 100 feuilles A4 recto tapuscrites ; Dates : juin-juillet 1988 (?) ; Matières : narration ; Textes : Au-dehors de toute lumière ; Dessins : Calligrammes dans le texte existant

 

J’ai rédigé le récit de Bruce Heatless au printemps 1988, en avril ou en mai. C’est un récit que j’ai longtemps laissé de côté, peut-être à cause de sa dimension introspective, peut-être à cause de la naïveté de la narration qui décrivait l’enfermement volontaire d’un chanteur de hard rock. Ou encore parce que ce scénario me paraissait trop démarqué de Pink Floyd The Wall.

 

Mon nom serait Bruce Heatless. En d’autres circonstances, vous n’en auriez rien à branler. Pas en celle-ci. J’ai avec moi des milliers d’amis que je ne connais pas - qu’importe ! Eux me connaissent. Je suis une star. Je fais de la musique. Eh bien ! ça pourrait être le pied de conduire des millions de connards et de branleurs vers la terre promise. Ca ne l’est pas. Je m’en fous. Je suis sous acide depuis trois jours. Un paradis ? Non. Un enfer ? Non plus. Il ne faut pas me prendre pour un gosse. Je ne crois plus au paradis ni à l’enfer depuis des années. Années de merde. Comme je vous l’ai dit je joue de la musique et mon unique fierté reste que cette musique est la mienne et uniquement la mienne. D’ailleurs, qu’importe ? Les gens qui m’entourent comme ceux qui sont chaque jour à mes pieds veulent juste des ondes sonores (monte le son, Max !), alors ils en ont et ils se foutent de savoir que ce vampirisme tue.

 

Ce récit imprime pourtant un motif qui s’est ancré profondément dans mon existence scripturale, celui d’un enfermement volontaire, affirmé comme une révolte contre le monde (dans sa globalité), une forme de résistance passive en somme, opposée au diktat de la réalité. Une curiosité de cet essai narratif tient dans la multiplication des calligrammes dont je ne saurais dire quelle a pu être la source d’inspiration effective, même s’il est probable que j’aie eu l’occasion de voir quelques-uns des poèmes graphiques d’Apollinaire (que je ne lisais pas autrement).

 

La question que je n’ai jamais tranchée est celle de l’existence d’une suite aux cinquante pages conservées. Y a-t-il eu une suite ? Il ne m’est pas possible de le garantir. Le texte paraît complet. Pourtant, l’impression persiste d’un prolongement que j’aurais par la suite détruit car il devait aggraver sensiblement la dérive mystique qui se dessinait dans le texte existant. C’est peut-être la persistance de ce souvenir même qui me fait douter de sa réalité. La part de mysticisme dans le récit existant est loin d’être nulle en effet.

 

Mais pourquoi sortirais-je d’ici ? J’aime cette pièce et le rien qu’elle contient. J’aime brasser son air de liberté et même si cet air est devenu irrespirable, je pourrais le respirer encore pendant des millions d’années : cette pièce est la pièce de mon immortalité. Je vis en elle, en son sein, je suis son enfant fœtus, son gosse avide de liberté. Je suis et je serai, je ne connais pas ma destinée, je sais que vue de l’Extérieur elle sera lamentable, mais en moi je la sentirai glorieuse, grandiose, le destin de Jésus Christ au moins. Et je me sentirai prêt l’heure de ma Mort venue car j’aurai accompli ce que j’avais à accomplir : j’aurai hurlé au-dehors de toute lumière. Et cela avant moi peu de monde l’aura fait, car le monde s’est terré en lui-même et s’est réfugié en une autosatisfaction morbide, et fait et fera tout pour se faire croire qu’il est parfait et infini. Oh mon Dieu, pourquoi devoir les laisser s’enliser dans une si lamentable erreur, pourquoi refuser de leur faire comprendre ? Ce sont tes enfants, même si ce sont des enfants bâtards, une engeance maudite de sa bénédiction, leur perversité n’est due qu’à leur cécité et ils sont Ton Œuvre, Ta Chair, tu les as faits. Nous sommes Tien comme Tu es Nôtre.

Le péché est notre besoin, notre dû peut-être aussi. Je ne me ferai pas l’apôtre du péché, je ne viendrai pas à tes pieds juste pour te demander de leur pardonner mais est-ce notre faute si le cordon ombilical fut trop vite coupé ? Devons-nous nous résigner ?

 

Je cherche et je cherche durant des heures et des années une réponse au Paradis et je me sens alors glisser vers l’Enfer. Je sens en moi naître sa froide chaleur, les effluves cosmiques semblent s’éteindre et je pleure. Dehors va s’introduire en moi. Je hurle.

 

Mon souvenir a-t-il dilaté le souvenir de la rédaction de ces pages ou ai-je poursuivi cette divagation jusqu’à la réalisation d’un livre prophétique complet, dont la teneur m’aura effrayé par la suite au point que j’aurais détruit ces pages avec un sentiment de honte à les avoir écrites ? C’est peut-être une illusion rétrospective. Mais comment le saurais-je aujourd’hui ?

 

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