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Une reine déchue
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 Article publié le 29 octobre 2023.

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J’exige d’être honorée comme une reine demain.

Telles furent ses dernières paroles avant de sombrer dans le ridicule.

Faute de chevaliers servants, le couronnement de sa carrière de bonne petite baiseuse n’eut jamais lieu.

Initialement couronnée dans une petite église de campagne, au milieu d’une maigre foule de proches et d’amis, elle s’était prise à rêver d’une fête orgiaque grandiose ; ce rêve bien ancré mais sans cesse différé s’était mis à germer en elle quelque temps, après que son prince consort l’eut abandonné pour d’autres amours.

Restés en bon terme - jamais, peut-être, divorce à l’amiable ne s’était mieux passé dans les villages à la ronde - elle et lui, contrairement à la pauvre Gorges Sans privé de son petit Musset, coulaient des jours heureux loin l’un de l’autre. Ils se donnaient des nouvelles comme d’autres échangent un clin d’œil de connivence.

Le petit prince consort avait fondé une nouvelle famille, s’en portait très bien, n’en demandant pas plus, alors qu’elle désirait quelque chose de plus aventureux, de plus fastueux, quelque chose qui fût à la hauteur de ses désirs les plus intimes qu’elle désirait voir grandir encore et encore, afin d’en éclabousser le monde. Des flots de sperme et de mouille devraient inonder la planète.

Ce devait être solaire ou rien.

Mais qu’arrive-t-il à un soleil ardent, lorsqu’il reste confiné dans l’espace mental d’une jolie femme frustrée en passe de devenir vieille fille ? Eh bien, il se liquéfie tel un œuf qui ne peut éclore.

Pour le savoir, il faut avoir vécu cette situation en d’autres circonstances, avec de nombreux autres soleils plus flamboyants encore, beaucoup plus extravertis, bien plus déterminés à briller au grand jour, et qui, eux, n’hésitèrent pas à faire de leurs orgies une raison de vivre ici et maintenant. Tous les soleils se liquéfient, qu’ils brillent de mille feux ou qu’ils se contentent de clignoter dans un espace mental exigu, comme ce fut le cas de notre reine, mais au moins certains d’entre eux se seront consumés en vain, ce qui n’est pas rien, avouez !

Inapte à la consumation, notre reine alla d’échec en succès et de succès en échec, comme tout un chacun. Personne ne s’explique cette étrange contradiction paralysante qui la fit ne jamais sortir vraiment de sa coquille. Il est vrai qu’en bonne mère-poule elle n’avait guère l’occasion de mettre en pratique sa longue liste de fantasmes.

Ses ambitions grandioses, si modestes dans leurs réalisations concrètes, firent d’elle une reine qui ne faisait plus rêver.

Fin de l’histoire.

 

 

Jean-Michel Guyot

26 septembre 2023

 

 

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