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Pascal Leray - Catalogue du sériographe
Pascal Leray - Dodécaphonie... Récit ruisselant... à suivre, par P. Cintas

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 Article publié le 18 juin 2023.

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J’ai un roman à écrire contre l’hallucination.
- Le récit ruisselant [1], Liturgie lysergique.

C’est un fait : la RALM publie essentiellement des « œuvres », et non pas seulement des échantillons choisis ni des passages furtifs. En voici une, d’œuvre, que vous m’en direz des nouvelles, le regard tourné jalousement vers le futur. Ne confonds pas, « hypocrite lecteur », égoïsme, égocentrisme et cette belle et rare qualité de l’homme qui n’en a pas d’autres : l’égotisme, avec ce que cela suppose de soi, sans complaisance ni simulacre, de raffinement jouissif et d’excès autofictionnel. Pascal Leray ne nous propose pas du pain en tranche ni le sauciflard qui va avec : l’ensemble PL (appelons-le comme ça) est une extension telle que sa compréhension en est encore au stade de la formation et s’achèvera sans doute par un splaoutch qui en éclaboussera maints et pour longtemps.

En attendant, recevez ces gouttes de pluie que la RALM est heureuse et fière de signaler à votre curiosité littéraire et plus amplement artistique.

En attendant, mon travail se précise vaguement. Une prose, je l’espère abondante, verra certainement le jour, qui sera synthétique. Il s’y agit d’introspection, d’introrévolution, d’un voyage intérieur jusqu’en enfer puisque l’enfer, ce ne sont pas les autres. Tout ce qui m’est aujourd’hui donné d’écrire n’est que la nécessaire préparation à ce roman qui n’en sera pas un.
- Le récit ruisselant, La chair spectaculaire, Notes de printemps.

 …travail …précise/vaguement …prose …synthétique …intromoi/enfer …travail préparatoire. Condensare [2], écrit Ezra Pound pour répondre à la question de savoir ce qu’est la poésie. On est ici gâté par l’intensité du paragraphe.

Ainsi, ce qu’on lit aujourd’hui, essentiellement dans la RALM, de cet auteur à la fois prolifique et méticuleux, ce n’est pas un in progress, mais un chemin [3], à la manière peut-être d’un Gracián qui fut cultiste et humoriste parallèlement à Quevedo et souvent (pas toujours) en contradiction avec Góngora dont la poésie relève, selon l’auteur du Buscón, du « pet de sirène. »

J’en appelle ici au baroque car, ici ou là, Pascal Leray vacille d’un pied cultiste à l’autre conceptiste, en passant par les Lumières les moins standard — entre autre Antoine François Prévost d’Exiles, dit l’abbé Prévost, qui construisit une œuvre taxée de graphomanie, mais qui s’est construite en réalité sur la nécessité de prendre le temps, de s’arrêter en chemin, de réfléchir avec le lecteur, —voir L’homme de Qualité, Cleveland, etc. Et à l’autre bout de cette science de la lecture, voici Émile Zola, sa théorie de la réalité, ses techniques de narration autrement judicieuses que celles que Dostoïevski emprunta à de Kock, sa maîtrise de la poésie… qui fut suivi par de non moins cadors du roman : Dreiser, Galdos…

Mais il y a une différence évidente de conception de l’œuvre entre ces maîtres et Pascal Leray : tandis que, par exemple, Zola s’efforce, et s’échine, à composer un ensemble d’ouvrages parfaitement autonomes selon une préconception de l’ensemble, Pascal Leray ne traverse les territoires de la littérature que pour nourrir son animal domestique : un Livre (Odradek ?) —ce qui n’est pas sans rappeler l’ambition cosmique de Mallarmé et aussi bien, ne l’oublions pas au passage, le projet de Rimbaud en histoire de jeune homme. —Mallarmé qui corrigea l’erreur fondamentale des trouvères (ô France) et rétablit la tradition des troubadours en imposant l’obscurité. Passons.

Pascal Leray navigue en une mer d’échecs historiques dont il connaît parfaitement le spectacle. Mais son travail consiste-t-il à prendre exemple sur le passage de Jean Santeuil à la Recherche afin d’éviter l’écueil du temps perdu ?

Pourquoi ne se contente-t-il pas, comme maints graphomanes de réputation, de ce qu’on sait déjà de telle ou telle manière de texte : poème, roman, nouvelle, aphorisme, graphisme… ? Pourquoi s’aventurer en mer alors que les Rugissants ne rugissent plus depuis longtemps ? Le dernier rugissement national qui a secoué l’air du temps sourdit en cage éditoriale sous appellation Robbe-Grillet, Sarraute, Ricardou, etc.

C’est que, comme cela apparaît clairement dans la citation plus haut, l’enfer n’est pas les autres, mais soi-même. De telle façon que le chemin n’est pas celui de l’édition, du moins telle que la conçoivent encore aujourd’hui les lampistes aux motivations purement sentimentales (« j’aime, j’aime pas »), lesquels continuent de parasiter l’espace littéraire au prix de recours pour le moins douteux (drôle de conception du procès). En voilà des pantouflards qui n’empruntent aucun chemin et tentent, pour le moins, de stabiliser leur désuète embarcation dans les auberges à l’enseigne adoubée à force de subventions et d’alcôve !

Or, celui qui va son chemin s’y aventure. Et s’il s’agit bien d’une aventure, alors rien ne dit d’avance comment ça va se terminer, quoiqu’à un certain moment, on se trouve si près de soi que, dantesquement vôtre, on hésite entre la Comédie et la Tragédie. N’approchez pas Pascal Leray si vous n’avez pas honnêtement plongé vos regards dans ces époques… pas si lointaines que ça.

Certes, comme le cormoran de l’Automne à Pékin qui, s’essayant au vol sur le dos, est déstabilisé par un enfant qui marche sur les mains, il se peut que vous vous retrouviez avec les fers en l’air et sur le pont du Bonavir en compagnie de son redoutable Achab.

Pascal Leray connaît donc un problème éditorial : il le résout en partie en publiant dans la RALM. Mais l’architecture de l’outil informatique est trop structurée en mémoire et pas assez en langage —ce qui est à l’image de beaucoup d’entre nous, d’ailleurs [4]. La publication numérique, telle que la conçoit ici Pascal Leray, est un pis-aller idéal. Mais faute de grives… Comme s’il confrontait son propre langage avec la binarité des solutions solubles.

L’autre pan de problème qui affecte l’esprit de Pascal Leray, c’est le chemin lui-même ! Comment diable cet abbé de Prévost a-t-il réussi à conduire le lecteur épuisé de L’homme de Qualité dans ce texte parfait et donc reposant qu’est Manon Lescaut… ? Un thème affleurant bon, ce repos, dans l’œuvre en route de Pascal Leray… Qui n’a pas, en balade, trouvé l’endroit exact où il a désormais le désir de s’y retrouver ? En ville, à la cambrouse ou en hallucination.

J’en passe… Je vais me contenter, avec cette note de lecture, de survoler sur le dos, comme notre « épervuche » …en attendant de plus amples commentaires ; mais il me semble que le Récit ruisselant est en train de devenir « rivièrant » (un terme joycien) en attendant le fleuve inévitable et l’océan probable. Ainsi se propose, à mon avis, Ma Dodécaphonie [5].

Et s’il s’agissait, au fond, de retrouver la belle naïveté de nos vieux prédécesseurs ? Je me demande…

Patrick Cintas


2. ABC de la lecture – traduction de Denis Roche.

3. Caminante, no hay camino… A. Machado… ¡Ay !

4. Ce rapport mémoire/intelligence qui est au cœur de la transmission des savoirs en milieu éducatif…

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Commentaires :

  Pis-aller par Pascal Leray

Merci Patrick pour ces mots !

Pour que la Ral,m soit un pis-aller, cependant, il faudrait qu’existent des propositions "mieux-disantes". Or, à part la reconnaissance d’un public qui ne lit pas, d’une critique qui lit encore moins, voire de jurys qui lisent essentiellement le nom de l’éditeur et les renvois d’ascenseur qu’il implique, il n’y a pas de mieux-disant, aussi bien sur le plan professionnel (nous sommes les seuls à produire du cloud), littéraire (no comment) qu’humain.


  Pis-aller (2) par pascal leray

J’aurais donc tendance à penser que ce n’est pas moi qui ai un "problème éditorial" (j’en ai d’autres, plus techniques) mais que c’est l’inverse. Précisément, moi, je jouis d’une liberté productive inédite. Qu’elle ait peu de spectateurs attentifs est plutôt une bénédiction qu’autre chose. Je me rappelle assez précisément quand, adolescent, j’ai découvert Jim Morrison. J’avais d’abord été happé par ses textes. J’avais eu dans les mains "An American Prayer". La musique m’avait d’abord rebuté. J’écoutais principalement du heavy metal à ce moment, Black Sabbath, Witchfinder Genral, Blue Oyster Cult et Candlemass. Mais cette façon de jeter dix mots sur une page, dix mots définitifs et qui dessinaient le pourtour de quelque chose de bouillonnant et pourtant invisible, me perturbait profondément. Et quelques mois plus tard, conquis désormais par le rythme épais et les tournures baroques de la musique des Doors, j’ai eu le sentiment que le poète avait été tué par la rock-star. Il était prisonnier de ce public qui lui rendait une image figée, iconique comme on dit, horrible par sa fixité imbécile, de lui-même. Moins on a de lecteurs, plus on évite - ou du moins plus on retarde - ce danger. Il est préférable de travailler à perte, même si en soi ce n’est pas très viable.


  Pis-aller (3) par pascal leray

Le pis-aller est donc un absolu privilège. Je n’oublie rien de ce que je sais de ce qu’ont vécu les millions ou milliards d’autres qui, avec moi ou en même temps pour une part, essaient de signifier parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire que de signifier parce qu’ils savent qu’en somme, soit on signifie, soit on "se" signifie, pour dire qu’en somme on est la loi etc. et qu’on s’impose aux autres, etc. Moi, j’ai la chance de pouvoir signifier allègrement. Et je la dois pour beaucoup, depuis plus de 15 ans, à Patrick Cintas. Ce n’est pas un pis-aller, cela. C’est un cadeau, au sens que donnait Paul Celan à ce mot dans sa lettre historique à Hans Bender.


  Pis-aller (4) par pascal leray

Plus de quinze ans... presque vingt, en fait.

J’ai timidement proposé Avec l’arc noir en 2004 ou 2005.

On l’a complété avec "Jazz", une lecture accompagnée de musique.

J’ai pu parler de Joe, un abruti de meurtrier qui veut tuer le soleil. Je l’aime bien, Joe mais lui, il veut ma mort.

Et puis en 2008 il y a eu une aventure éditoriale sans pareil qui a débuté. Elle s’est heurtée au mur de la réalité éditoriale, c’est vrai. Mais elle a eu lieu, contre vents et marée et perdure aujourd’hui. Les vents et marées sont exsangues, pas nous.


  Pis-aller (5) par pascal leray

En 2009 il y a eu "Avec l’arc noir". Et en 2010, "Le sens des réalités". Et ça, ce serait un pis-aller ? Dans quel univers leibnizo-deleuzien même aurait-on pu imaginer ça ? Ce sont les textes les plus imbitables de l’histoire de l’humanité. Je les ai conçus ainsi. Je voulais que pas une parcelle n’en soit compréhensible, au sens de la catéchèse du sens, de ce mot. J’ai fini de régler mes comptes avec la littérature il y a une douzaine d’années, ainsi. Mais la littérature n’est pas exactement ce qui m’anime.

Les années qui ont suivi ont privilégié ce qui était annoncé dès l’été 1992 : introspection et introrévolution. La réalité de l’introrévolution n’est pas tout à fait celle utopique qu’imaginait le garçon de 21 ans. Mais je comprends le programme, en l’accomplissant, sans "révolution intérieure" au sens où elle me rendrait meilleur que je ne suis puisque l’autre terme de l’équation, c’est "l’enfer intérieur".


  Pis-aller (6) par pascal leray

Je crains donc que ce soit plutôt l’univers éditorial ambiant qui ait un problème pour lequel je ne puis être d’aucune aide. Moi, je suis un gamin qui construis des châteaux de sable. Si le monde éditorial ne sait pas faire acheminer le sable par un solide réseau de péniches jusqu’à chez moi, je n’y puis rien ! Mon problème est ailleurs, c’est vrai.

J’ai essayé d’être aussi synthétique que possible. Et sans vouloir plagier Rimbaud, je plaiderais volontiers qu’il n’en va pas de ma faute si de la synthèse résultent 45 000 pages de caractère 12 sur un papier A4 avec un interlignage un peu large peut-être (4 cm partout), sans oublier l’en-tête et le haut-de-page. Plus les enregistrements et autres archives.


  Pis-aller (7) par pascal leray

Pour moi, le problème est ailleurs (et même sévèrement ailleurs). Il tient certainement dans l’inadéquation absolue entre ce que j’énonce et le temps où nous sommes. Je ne parierais même pas que je sois en avance sur lui car je n’ai pas foi en une ligne du temps même accidentée. J’ai, peut-être plus que Mallarmé même, conscience de poser un acte aussi néant que monstrueux. C’est un peu difficile à tenir, je dois l’admettre même si j’ai conscience qu’il s’agit d’un déchirement bénin, à l’aune des monstruosités contemporaines que nos aveuglements permettent. Cela peut paraître abstrait mais le fait est que je regarde l’effroi dans les yeux depuis quelques décennies et que, stupidement peut-être, j’ai fait le choix de l’inscrire sur le papier, la bande magnétique et sur d’autres supports tels que la photographie. Je trie, je mets en forme, je mitonne et quand le fumet est assez âcre, j’appelle Patrick.


 

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