Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
Le calepin d'un fragmentiste - 16 - Dépôts
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 7 mai 2023.

oOo

L’orgue… Les orgues… Les grandes orgues ! Il n’y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage. Il n’y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant. Un dernier tour. Je garde le dada. C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant. Je veux une pomme d’amour. Finis ton chichi. Essuie ta bouche. Pas avec ta manche ! Ne ris pas bêtement. C’est Queneau qui me fait rire, mère. Tiens-toi à la barre. Mange tes épinards. Tu y as mis du Fombeure ? On ne lit pas à table. Pourquoi ? C’est malpoli. C’est Mallarmé, mère. Mère, promets-moi autant de Fombeure que de Richepin. Que ces deux-là te fassent tes tartines. Minuit. Éteint, on ne lit pas au lit. J’ai prêché sept ans pour Carême dans un dortoir. Que font Buffon, La Fontaine, De Foe, Sue, Fo, Sappho, Taine ?

 

Je suis le livreur de livres. J’en livre des livres, des livres de livres… Des tomes à la longueur, des volumes au poids. De l’ouvrage à la tonne, de la romance au mètre, de la bande dessinée au rouleau, de la poésie au compte-gouttes… Tu es content de toi ? Des opus, des opuscules, des brochures, des fascicules, des magazines… Ma charrette n’est jamais sur le cul, les bras aux nues. Si c’est pour chauffer le banc… On écrivait sur le liber, la pellicule entre le bois et l’écorce, de certains arbres. Le liber, c’est le livre. J’ai rencontré Zoé à Robinson. J’ai cru Zoé. Zoé, en grec, ça veut dire Vie. La grande vie ? Non. La belle ? Non, la vraie. Avec des hauts et des bas ? Des haut-le-cœur, des bataclans… Des rires, des larmes… Des joies, des peines… Des ho, des ha ! Des hi, hi, hi… Des holà. La vie, quoi. J’ai cru Crusoé. Je rêve d’une presqu’île tranquille, d’une île, d’un îlet…. Un rocher pour relire dans ma tête entre les fresques, entre les frasques, entre les frusques de la Littérature. Tes pas Maupassant sonnent sur les pavés passants de mes rues, de mes impasses. Tu t’en souviens des soirées de Médan, de L’Assommoir d’Emile vidé des feuilles du Bien public par les abonnés… Et des guinguettes ? Ma douce, je la tripote dans la caisse de mon triporteur de livraison. On s’en paye des tranches dorées. Un pageot, un page de pages. Un plume paginé, imagé. Un livre sans titre que l’on lit à deux en tournant les feuillets avec les genoux. On est tout retournés. L’air frisquet du matin… T’as froid, Zoé ? Pas aux yeux.

 

 

e vis, je meurs, je me brûle et me noie… Labé m’attise. La belle cordière ? Je prends son luth, je perds son latin, je m’escrime de sa plume, je bride ses chevaux qui tirent ma Rolls-Royce. Zoé, je t’emballe le Panthéon ou la Notre-Dame ? Ça t’emballe ? Je te compresse un cimetière de voitures. Décapotables, tape-cul, tout-terrains… J’épargne les deux-pattes. Sur la banquette arrière d’une berline d’occase, si ça te dit, nous jouerons aux petits chevaux. Je t’écris des madrigaux sur le sable de mes déserts et un roman à la fleur d’oranger dans la salle des pas perdus de la gare de Perpignan. Je te peins des toiles de fond mouvementées pour nos scènes. Le gibet et le bûcher de la place Maubert… Des libraires, des imprimeurs, des éditeurs… Les livres en cendres. J’imagine la statue de Dolet, détruite pendant l’Occupation par Vichy et par l’Eglise, sous la plume d’André Breton. Si je dis qu’à Paris la statue d’Etienne Dolet, place Maubert, m’a toujours tout ensemble attiré et causé un insupportable malaise… La place de Grève, Montfaucon... La Pie sur le gibet de Bruegel. La cerise sur le gâteau. J’ai un creux. Carpaccio ? Chateaubriand ? Tournedos Rossini ? Melba ? T’as les crocs, mange Samain. Carco, Cros, Colette… Les livres, zozo, ça se triture, ça se renifle, ça se bouffe. Mouille ton doigt. Les livriers font les lecturiers… Les lecturiers font les livriers. Zoé, où vas-tu ? Tu te fais la malle avec Mallarmé ? Écoute ma chanson : C’est toujours la même turlu-taine. As-tu lu Corbière ? As-tu lu Taine ? C’est toujours la même ritour-nelle le long du quai de la Tour-nelle. Les mots me jouent… Il n’est pas un instant où près de toi couchée/Dans la tombe ouverte d’un lit,/Je n’évoque le jour où ton âme arrachée/Livrera ton corps à l’oubli… Anna de Noailles… T’es pas jalouse ? Je joue avec les mots. Si t’as l’derrière au Pèr’ Lachaise/L’cœur au cim’tièr’ d’Amphion-les-Bains/Moi j’ai l’troufignon entr’ deux chaises/Et l’palpitant d’un chérubin… Mes chansons, dis, tu les chanteras ? Avec ta guitare, Zoé ? Dans le métro ? À Saint-Germain ? J’en découds à Saint-Ger. Dans les cafés ? À la Bastille ?

 

Pour cet été, j’aurai une camionnette, Zoé, avec la radio ! On filera vers l’Azur. Zoé, l’Azur ! L’Azur ! L’Azur ! L’Azur !

 

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -