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Dits et redits au coup par coup
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 Article publié le 11 décembre 2022.

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Les cataplasmes de Venise

Sont des grands soufflets de tréteaux,

La diva chante et agonise,

Je me peauce en Rigoletto.

 

Une giroflée à cinq feuilles,

Chez moi, on dit : un pastisson,

Le Diable et sa mère le veuillent

Ou non, le mal est fait, passons…

 

Sois toujours prête à en prendre une,

Nous ne nous serons jamais tus,

C’est le plus souvent pour des prunes

Que nous avons été battus.

 

Et toutes ces tronches à claques,

Ces cliques, tous ces cortégeants

Pilant du poivre dans les flaques,

Ces caporaux et ces sergents.

 

On se laboure, on se triture,

On se défonce le portrait,

On se laisse à plate couture,

Nous sommes crétins plus que très.

 

Se mordre, se couvrir les joues,

Se plaquer partout des bécots,

C’est un petit jeu que l’on joue,

Avant de goûter au fricot.

 

Dans cette putain d’existence,

On en ramasse des gadins

Quand on nous tance d’importance

Avec une voix de gourdin.

 

Je martèle comme un sourdingue.

 Que ne suis-je un cogne-fétu ?

Je paye au guinche un violon dingue

Et un accordéon têtu.

 

Sur l’omoplate, sur les fesses,

La tape est l’encouragement

Pour ma garce, pour ma cheffesse,

Et pour mon béguin du moment.

 

Je fais les cent pas dans ma rue-

Pedum, trique, stick, brigadier…

Si mes putes sont nues et crues,

Les vôtres, vous les répudiez.

 

Ça chauffe pour mon matricule,

On me daube dans mon tripot ;

Ça barde pour la plébécule,

C’est toujours le même topo.

 

C’est la caserne et ses bourrades,

Des coups de sabre et de flingot,

Nous en prîmes pour notre grade

À Marignan, à Marengo…

 

Que d’escourgées et de sanglades !

Des bosses, des plaies, des coquards,

Des bleus et surtout l’engueulade, 

De quoi ruer dans les brocards.

 

Ce n’est pas le tout de dire : Ouste !

À tous ces petits emmerdeurs ;

Il faut leur promettre une rouste

Au beau milieu de leur splendeur.

 

Ce ne sont que des pichenettes,

Des croquignoles d’histrion

Qui nous renfrognent la binette,

Dieu merci pas des horions.

 

Ce sont des marrons, des châtaignes,

Des mandales et des pochons

Qui le plus souvent nous atteignent,

Nous démontent le bourrichon.

 

Mais que de dérouillées se perdent !

Tous les grands coups sont-ils rués ?

Nom de Dieu de bordel de merde,

Répondez, croupion obstrué !

 

Je suis toujours de la castagne,

Je fais tout en diable et demi,

Je déplace vaux et montagnes,

Je déconcerte mes amis.

 

Des nasales, des chiquenaudes

Pour les fillettes du quartier.

J’aime à les rendre un peu quinaudes,

C’est ce qu’envie mon cafetier.

 

Toute la marmaille renifle…

Ou je vous arrache le nez,

Ou je vous flanque une mornifle ;

Avancez, sinon retournez !

 

 

J’ai des talmouses, des darioles…

J’ai des tartes des sœurs Tatin

Et des beignets pour les mariolles

Et pour les miroirs à putains.

 

Nous en prenons dans les gencives,

Pourtant, nous avons du mordant,

Des péroraisons excessives,

Pour tout dire, du répondant.

 

C’est une bonne dégelée,

Vous en avez pour votre hiver,

Vous êtes en coupe réglée,

On ne vous a pas pris sans vert.

 

Je t’en donne d’une venue,

Ton arrogance doit finir ;

Avec tes oraisons cornues,

Je t’aurai vu de loin venir.

 

On se fatigue la minerve

À vouloir se mêler de tout,

La moindre chose nous énerve

Et nous perdons tous nos atouts.

 

J’ai renvoyé ma commensale

Qui rayait mes phrases d’un trait,

Qui me caressait la dorsale

Avec de l’huile de cotret.

 

Dépendons les sonneurs de cloches,

Baffons les donneurs de leçons,

L’enfance est pleine de taloches,

De sucreries et de chansons.

 

Pour apprendre à lire, à écrire,

À compter, que de chinfreneaux,

D’éclats de voix, d’éclats de rire…

Au piquet, tête de linot !

 

Les cours sont pleines d’attrapoires,

Avant vous, je fus écolier ;

Je me souviens des mains en poire

Pour la férule. L’oublier ?

 

On en prend pour rien des calottes,

Sur le crâne et sur le museau,

Des saliveux nous déculottent

Pour le martinet, le roseau.

 

Que de masses, que de massues

Pour écraser des moucherons,

Des punaises et des sangsues.

J’ai une aragne sur le front.

 

Ceux-là se filent des avoines,

Ce sont deux chiens après un os

Tandis que la fate pivoine,

Que les badauds jouent les Minos.

 

Par jalousie, ceux-là nous mangent

Et le cœur et le blanc des yeux,

J’ai les paumes qui me démangent

En agonissant leurs aïeux.

 

Je te donne de la Gourmade,

J’abîme ton joli minois ;

Je te passe de la pommade,

Ton œil me couve en tapinois.

 

D’un revers, j’étale une troupe,

Une fanfare et un convoi,

Moi en selle et la Mort en croupe,

Ne croyons que ce que l’on voit.

 

La colonne marche à la schlague

À la badine, à l’alpenstock ;

Elle fait long feu sous les blagues

Et n’a plus une pique en stock.

 

 

On reçoit des coups de baguette

En même temps que les tambours

Qui mettent la ville en goguettes

Et galvanisent les Faubourgs.

 

 

J’ai des réserves de torgnioles,

De coups fourrés, de grands coups bas,

Et des rations de gnons, de gniole

Pour un bon passage à tabac.

 

Passez sous mes fourches caudines,

Tous mes dégoûts, je vous les dois,

Arroseurs de blanches sardines,

Je vous ai à l’œil et au doigt.

 

Nos vieillards ont pris des emplâtres,

Essuyé l’offense et l’affront.

Ratatinés au coin de l’âtre,

Ils pensent la mort qu’ils auront.

 

C’est ainsi, les meutes se rangent

Sous les étendards des plus forts,

Pilleurs de caves et de granges

Toujours, toujours plus de renfort.

 

 

Ces deux pimpesouées se bûchent,

Elles retrouvent leur latin,

Jusqu’à ce que l’une trébuche,

L’autre retourne à ses potins.

 

Que de taquets aux Bescherelle,

À presque tous les grammairiens ;

 Je me réjouis de leur querelle

Qui mène à tout, qui mène à rien.

 

Que de camouflets à Larousse,

Fils d’aubergiste et de charron,

À ces bas bleus que je retrousse,

Monte avec bride et éperons.

 

Que de vli, vlan à Baudelaire,

Que de pif, paf à Vaugelas.

De la hargne, de la colère,

Si vous en voulez, en voilà !

 

Certains s’en sont payé des tranches

Avec des poussons éprouvants

À ceux de l’étoile à sept branches, 

Mistral, Mathieu, Giéra, Tavan,

 

Aubanel, Brunet, Roumanille.

On se pelaude au portillon,

Et les muses font la chenille,

La Poésie revient Villon !

 

Ce sont les mêmes que l’on rosse…

Des coups de matraque, de poing,

De sceptre, de bourdon, de crosse,

D’épieux nous bourrent le pourpoint.

 

Et que de satons dans les côtes,

Le bas-ventre et le postérieur

Des maudits. Dis-moi ma mascotte,

De quel côté sont les rieurs ?

 

En viendrai-je à boucler ma porte,

À user du pieu, du tricot ? 

À la fin, cela m’insupporte

Que l’on me traite d’apoco.

 

Les temps sont durs pour tout le monde.

À d’autres, personne n’y croit !

Eux, naviguent sur la calme onde,

Nous, nous suons sous une croix.

 

Que de gifles à Furetière,

À Bled, à Grévisse, à Ronsard,

À l’Académie toute entière,

Les assidus et les cossards.

 

Sans se rendre compte, on balaye

Voltaire, Richelet, Trévoux

La Curne de Sainte-Palaye,

Nicot, Féraud… Le saviez-vous ?

 

Croyez-vous tout comme Évangile ?

On m’a vendu ce que l’abbé

Charles Cottin a dit de Gilles

Ménage, en vers que j’ai gobés :

 

Il sait cueillir les fleurs écloses

Dans tous les parterres d’autrui…

Moi : Que chacun fasse sa glose.

Il sait aussi cueillir les fruits !

 

Je crie haro ! – que de hurlades-

Sur l’espiègle petit Robert,

Quand il me conte des salades,

Que j’en ai plus pour mon aubert.

 

Que savons-nous de ces bagarres

De livres, de bêtes, de gens,

Que de fois nous criâmes gare, 

Mais n’y pouvoir rien, c’est rageant.

 

 

Vous ne parlez que de tannées,

De secouades, de tampons

Et de branlées carabinées.

Tarare ! Tarare pon-pon !

 

Pour le plaisir, je dardillonne

Les faux culs qui dansent en rond

Et les muguets qui papillonnent,

J’ai des charrettes de jurons. 

 

J’en aurai mérité des trempes

Pour être à la fois descendu

À écorche-cul sur la rampe

Et avoir crûment répondu.

 

Malgré mon âge, je tiens contre

La multiplication des pains

Des Jésus errants de rencontre

Qui guignent ma caisse en sapin.

 

Dieu me brise nez, mandibules

Et crâne à grands coups d’encensoir,

Le pape descelle mes bulles,

L’abbé m’éternue son bonsoir.

 

Je rouvre mes vieilles blessures

Pour sangloter mes madrigaux

Sous les verges de la Censure

Et les aggraves des bigots.

 

J’embourse des coups de cravache,

De caducée, de nerf de bœuf,

Je mouve le plancher des vaches

Enragées, pauvre Rutebeuf.

 

Pégase a ses coups d’étrivières,

Je bois des coups de l’étrier.

Enfin, je n’ai plus de bréviaire,

Mes vers sont d’un bon ouvrier.

 

Notre Érato n’est pas commode 

Avec ses amants d’une nuit,

Ces poètereaux à la mode

Qui ne savourent pas l’ennui.

 

Je n’ai reçu que des battures,

De mes naissances à mes morts…

Les vagissements, les voitures

À viande froide… Des remords ?

 

 

 

Robert VITTON, 2022

 

Notes

Dit et redits au coup par coup : beaucoup de propos sur un même sujet dans l’ordre où les idées se présentent à l’esprit.

Pedum : bâton en forme de crosse, attribut des divinités champêtres.

Huile de cotret : coups de bâton.

Chinfreneau : coup sur la tête.

Fate : fat, dit l’Académie, n’a pas de féminin ; Chateaubriand n’en tient pas compte.

Pivoiner : devenir rouge comme une pivoine.

Arroseurs de blanches sardines : gendarmes qui fêtent leurs galons.

Pimpesouée : Femme à manières prétentieuses et ridicules (terme qui a vieilli).

Poussons : excessive poussée appliquée à quelqu’un.

Apoco : homme crétin, de peu de valeur.

Aubert : argent.

Aggrave : augmentation des peines de l’excommunié qui persiste dans sa désobéissance.

 

 

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