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Article publié le 19 décembre 2021. oOo Dessins de Patrick Lalande
Les gens les gens à les entendre La Mort n’aurait pas l’âge tendre Ses airs penchés en diraient long Sur son amour pour les salons
Ma Mort ma Mort est naturelle Elle n’a rien d’une aquarelle D’une croûte d’un vieux trumeau Elle dit la chose et le mot
Ce n’est pas elle qui s’étale Ni province ni capitale Elle se moque du bon ton Des on-dit des qu’en-dira-t-on Elle n’a pas un brin de morgue Elle abhorre les grandes orgues L’encens les cloches les décors Elle abomine les dentelles Les passements les immortelles Les avés les confitéors Ma Mort
Les gens les gens à les entendre La Mort n’aurait pas la main tendre Et châtierait tous les pécheurs Les fous et les mauvais coucheurs
Ma Mort ma Mort est libertaire Elle vous met plus bas que terre Les rois les tyrans les bourreaux Les geôliers et les maquereaux
Ce n’est pas elle qui fusille Qui torture qui embastille Qui paie les clous des échafauds Non ne l’accusez pas à faux Ce n’est pas elle qui fossoie Elle elle joue sur de la soie La rudesse n’est pas son fort Ce n’est pas elle qui bataille Qui hache qui tranche qui taille Qui promet la bride et le mors Ma Mort
Les gens les gens à les entendre La Mort n’aurait pas le vin tendre Et délierait de leurs serments Les ivrognes et les amants
Ma Mort ma Mort est fille à taire Ses folles saisons à Cythère Et ses traversées du désert Jamais elle ne prend des airs
Ce n’est pas elle qui épanche Ses joies ses peines qui se penche A sa fenêtre au moindre bruit Elle a trop le respect d’autrui Quand je rêve de paysages Lointains et de nouveaux visages Elle m’aide à perdre le nord Et pour mieux m’étourdir elle ôte Son penaillon et sa culotte Elle raffole de mon corps Ma Mort
Les gens les gens à les entendre La Mort n’aurait pas le coeur tendre Et penserait aux pèlerins Comme à son tout premier chagrin
Ma Mort ma Mort est casanière Fleur bleue et bonne cuisinière Les trois quarts du temps ses doigts font Une merveille d’un chiffon
Ce n’est pas elle qui me tance Qui me gourmande d’importance Qui me sermonne à tout venant Qui froide m’attend au tournant Quand une rafale m’emporte Elle frappe à toutes les portes Et elle rue et elle mord Elle remue la terre entière Les champs de blé les cimetières Elle me ramène à bon port Ma Mort
Robert VITTON, 1990
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