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 Article publié le 23 mai 2021.

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Rien ne nous avait préparés à cette musique de l’âme, dont chaque note est un sentiment ou un soupir du cœur humain.
Lamartine

 

 

De la romance à manivelle

Pleine d’allants et de venants

De quoi leur farcir la cervelle

De quoi les pincer au tournant

 

De la complainte un brin barbare

A la barbe de Barberi

Qui débite de l’or en barre

Dans les vieux clichés de Paris

 

De la ritournelle à bretelles

Des pas des pattes de velours

Des virevoltantes dentelles

Des mots qui ne pèsent pas lourd

 

Chacun de nous a ses antiennes

Avec leurs goûts et leurs couleurs

J’ai les miennes tu as les tiennes

Ces autres n’ont-ils pas les leurs

 

Chacun de nous a ses musiques

Chacun se souvient de ses airs

De soufflet plus ou moins phthsique

De crincrin qui manque de nerf

 

De la sérénade à six cordes

Que j’use sous des volets clos

Les boniments je les recorde

Tout en colportant des ballots

 

De la rengaine sans scrupule

Qui en remet sur le tapis

Qui prend la crème et la crapule

A bras-le-corps sans un répit

 

De la goualante à cours d’idées

Noires qui court au sud qui court

Au nord contre vents et ondées

Et qui s’étrangle dans les cours

 

 

De la rimaille à l’eau de rose

Qui ne plaint jamais ses soupirs

J’en ai mes muses plein le prose

Je vous invite à déguerpir

 

De la cacophonie urbaine

-Klaxons pin-pon boulevaris-

Je l’affronte ribon-ribaine

-Marteaux-piqueurs aboiements cris

 

De l’ariette de barquerolle

J’entends parfois les na na na

De ses tristesses sans paroles

La peine tout le monde en a

 

De l’enjôleuse séguedille

Je croyais y perdre mon temps

J’y retrouve les peccadilles

Et les péchés de mes vingt-ans

 

C’est de la marche au pas de l’oie

Rataplan plan plan rataplan

Sur son passage la lie ploie

L’échine sous les drapeaux blancs

 

De la ziziquette en conserve

Des boîtes des pots des barils

Que des revenants m’en reservent

Mais à leurs risques et périls

 

De la farandole macabre

Des ossements et des haillons

Hautbois et cabrettes se cabrent

Un saphir creuse un noir sillon

 

C’est de l’archet qui tarabuste

Les chevilles des violons

Qui scie jusques aux plus robustes

En travers en large et en long

 

Et ce brouhaha ha ha qu’est-ce 

De la bouillie pour la radio

Qui bat bah bah la grosse caisse

Pour vivre heureux vivons idiots

 

De l’hymne qui se vert-de-grise

Qui tanne la peau des tambours

Et nous fieux au temps des cerises

Avec nos tendres calembours

 

J’ajoute une corde à ma lyre

Ma paluche au plectre se rompt

Sans la verve de mes délires

Les rondes ne tournent plus rond

 

De la guimauve à turlutaine

Les vestiges d’une chanson

Trente-six doigts à mes mitaines

J’ai du chagrin et du frisson

 

De la ballade à trois liards l’heure

Dans un juke-box moyenâgeux

Deux féales l’une me pleure

L’autre se rit de mes vieux jeux

 

De la cantilène à nourrice

A rassembleuse de moutons

Et de cabres qui se capricent

Au son nasard d’un mirliton

 

De la berceuse à l’eau de naffe

Des fées penchées sur les berceaux

C’est de l’orgeat dans les carafes

Les enfants doublent les morceaux

 

De la fanfare à la ramasse

Qui sur mes cadavres exquis

Qui se lèvent parfois en masse

Rêve de deuil et de maquis

 

 

De la bande de sarabande

Toujours sur le même pivot

Un musicien de contrebande

Qui danse au-dessus des pavots

 

Et cette beuglante de lice

Qui désarticule les corps

Qui mène les ouïes au supplice

Et le reste dans les décors

 

De la vogue passée de mode

Je n’ai rien vu je n’ai rien su

De la vague qu’on raccommode

-Dois-je m’étendre là-dessus

 

De la mélodie mécanique

Qui s’en donne au bout du rouleau

Malgré son âge canonique

Et ses basses qui prennent l’eau

 

De la symphonie fantastique

Sujette à des emportements

Ses grands chevaux hypothétiques

Qui tirent mes enterrements

 

De la valse presque viennoise

Avec ses tours et ses détours

Un Waldteufel toujours en noise

Et des clients sur le retour

 

De l’entraînante flonflonnade

Qui tournevire les quartiers

Je ne vois plus que des ménades

Et des galantins par métier

 

De la languide barcarolle

Je chante comme un gondolier

Comme une vieille casserole

Je n’ai plus rien à oublier

 

De la sonate pastorale

Ma pipe mon impie pipeau

Las de l’ouaille de cathédrale

Retournons à notre troupeau

 

De l’intrépide carmagnole

Sans souci des si ni des mais

J’y roucoule j’y rossignole

Pour mes aminches morts en mai

 

De la composition d’orchestre

-Berlioz Bizet Schubert Schuman

Et tant d’autres- mise en séquestre

Dans ton walk-girl dans mon walk-man

 

Des grandes orgues de manège

-Dadas de bois rouges pompons

Pommes d’amour barbes de neige-

Les vraies féeries sont sur les ponts

 

De la mélopée dans la tronche

Je m’éloigne de mes faubourgs

L’autan me souffle dans les bronches

Je m’en retourne à mes labours

 

 

Robert VITTON, 2016

 

 

Boulevari : grand tumulte.

Ribon-ribaine : à quelque prix que ce soit, coûte que coûte.

Eau de naffe : eau de fleur d’oranger.

Lice : caveau chantant.

 

 

 

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