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![]() oOo Duos habet et bene pendentes ! ![]() Le moutardier
Une légende ? Ce n’est pas une légende. Les années 50… En 850, papaux, nous avions déjà plus de cent règnes. Voilà qu’entre Léon IV et Benoît III, une fille de moine se met en tête de se faire élire pape. Papesse ! Non, pape. Les femmes étaient écartées… Rien n’a changé. Les uns l’appelaient Léon, les autres Benoît, moi je l’appelais Jeanne, Jeannette, Janneton… Je suis née à Ingelheim près de Mayence, mon petit moutardier, m’avait-elle dit. Moutardier, elle ne croyait pas si bien dire. Ma charge de Premier Moutardier du pape ne fut reconnue qu’au XIVe siècle, à Avignon, par Jean XXII qui abusait sans retenue du condiment. Mustum Ardens ! Sinapis ! Amen ! Elle est née en 822. Des études, des voyages, des rencontres… Johannes Anglicus, un de ses noms d’homme. Serre fort. Une longue bande de lin écrasait sa poitrine. Prends garde que ta moutarde ne me monte aux nénés. Elle enfilait sa robe semée de grains d’or et de moutarde. Où sont mes clefs ? Je sens que je vais être obtuse. Elle avait ses Angles. Ses Angles ? Ses Angles, ses Anglais… Tu débarques ? Ses flueurs, ses ragnagnas, quoi. Je chipais des torchons et des serviettes aux cuisines. Où sont tes deux acolytes sujets à la colite ? Mes deux bras gauches ? Ils vaquent à mille chosettes. Autant dire qu’ils ne branlent rien ni personne.
I N’est-il pas le chef de l’Eglise Le guide Votre Sainteté Le Patron a dit Qu’on l’élise C’est ma dernière volonté
Et toutes ces têtes d’émules Qui le voient déjà moribond Avidement baisent sa mule Bon Cela leur coûtera bon
Conciles conciliabules Ces fats s’en passent des savons Pendant que l’Autre fait des bulles Ils tournent tournent puis s’en vont
Et tous ces bourrins de carrosse Seront-ils docteurs de la foi Ils viennent pour chercher des crosses Ils reviendront dix vingt cent fois
Mais que veulent les douze apôtres Ce n’est pourtant pas jeudi saint Dois-je les renvoyer aux peautres Ces va-nu-pieds de loques ceints
Je me gave de pets de nonne De nonettes de vraies nonnains De sacristines qui m’ânonnent De savoureux vers fescennins
De tous les successeurs de Pierre Je suis le Premier Moutardier Mon second me jette la pierre Le tiers se plaît dans ce merdier
O papegots c’est regrettable C’est regrettable ô papegots Aux entours de vos saintes tables Ce n’est que dédits que ragots
Entre ma lippe et le ciboire Je perds amis et ennemis Je perds le manger et le boire Me voue-je à saint Barthélemy
Les cardinaux se vilipendent Aurons-nous un pape odieux Il en a deux et elles pendent Et elles pendent nom de Dieu
Les femmes et les brebis paissent Sous les déchants mélodieux Quand aurons-nous une papesse Une papesse nom de Dieu
II Pèlerins faquins de quintaine Cagots tireurs de papegai Papelards gourds croque-mitaines Quand avez-vous le parler gai
Encore un souverain pontife On ne sort pas de ce fourbi On le toilette et on l’attife Pour ses urbi pour ses orbi
Encore encore un Très-Saint-Père Un triste évêque universel Je n’ai lu que les pages paires De son livre Un demi-missel
Encore un conseiller suprême Un vicaire de Jésus-Christ Une binette de carême Que Pascal ouvre les paris
Encore une tête tiarée Une carotte et un bâton Une fétide logorrhée C’est vous C’est vous André Breton
Porteurs des chaises gestatoires O la male semaine quand La papesse aura ses histoires Ses flux ses fleurs au Vatican
De tous les successeurs de Pierre Je suis le Premier Moutardier Mon second me jette la pierre Le tiers se plaît dans ce merdier
On trinque on chante à la chapelle Rameaux Pâques fêtes des morts On se les flatte on se les pèle On se les bat on se les mord
Et comme les anachorètes On se les roule on se les oint Ivres du grand cru des burettes D’encens de tralala tsoin tsoin
Que les fidèles se répandent Attendre est si fastidieux Il en a deux et elles pendent Et elles pendent nom de Dieu
Elle obéit la pauvre espèce Aux clac des doigts et aux clins d’yeux Quand aurons-nous une papesse Une papesse nom de Dieu
III Moi qui ne loue ni Dieu ni Diable L’impitoyable impie fieffé Le papefigue irrémédiable Le penseur toujours assoiffé
Je m’agenouille à la grand’messe A Camaret ou à Provins Les curetons tiennent promesse On n’y mouille jamais le vin
C’est l’ère des papesses Jeanne Mado Marlène ou Marilou Lisse la colonne Trajane Sur la patenôtre du loup
Au bord du lac sur la colline Dit-elle à Castel Gandolfo La bouche pleine de pralines L’Evangile selon Sapho
Ouvert sur son lit de jacinthes Ici Dieu et l’Insidieux Pris dans la sacro-sainte enceinte N’ont que des plaisirs studieux
Tous les deux d’elle s’énamourent Le Tout-Puissant et Lucifer Tellement qu’ils jouent à la mourre Des coins d’Eden des coins d’Enfer
De tous les successeurs de Pierre Je suis le Premier Moutardier Mon second me jette la pierre Le tiers se plaît dans ce merdier
Balai de paille et peau de bite Nib de nib Rien Pas un pélot C’est une vie de cénobite Fèves nèfles Au pain à l’eau
Si je meurs je veux qu’on m’enterre Sous des vignes sous des tonneaux Sous le charme d’un presbytère Entre mes deux vieux larronneaux
Des ballottes de quatre pans de Long sous son habit radieux Il en a deux et elles pendent Et elles pendent nom de Dieu
Habemus papam Brute épaisse Ange miséricordieux Quand aurons-nous une papesse Une papesse nom de Dieu
Robert VITTON, 2007 |
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