Quel poète...
Quel poète,
qui ne serait pas
le reflet exact
de son semblable,
est lu
ici-bas ?
Quel poète,
à défaut
de bonheur
proposant la langue,
est apprécié
ici-bas ?
Quel poète
ici-bas
trouve
le terrain
du partage
équitable
entre l’écriture
et la lecture ?
Quel poète
renonce
aux métiers
de l’Ananké ?
Et pourquoi
ne serai-je pas heureux
au contact de la nature
qui s’en va
aussi bien qu’à la surface
impénétrable
des zones industrielles ?
La question
douloureuse
de la littérature
à quoi on appartient
ou pas
selon la chance
ou le désir
se pose
en marge
des lieux
où le bonheur
est celui
du contact
du glissement
de la pénétration
du moi agissant
à la surface
du visible
de l’audible
du compréhensible
et de tout ce que l’errance
autour de soi
décrit
raconte
raisonne
Je serais simple
comme un bonjour
aux éléments
ou complexe
comme l’insomnie
Ai-je le choix ?
Entre la nuit
qui lutte
contre le sommeil
et le jour
qui se donne au soleil
est-ce le bonheur
ou la tentation de l’ivresse
ou pire de l’oubli
qui m’inspire
un instant
de lucidité
élémentaire ?
Simple ou complexe
tout ou rien
beaucoup ou pas assez
les choix sont comme la pluie
- nécessaires -
Nous qui avons le génie
des déséquilibres
et l’infinie patience
de la cohérence
sommes-nous à ce point
solitaires
que le bonheur
devienne une fin ?
Le bonheur
est une goutte
parmi les autres gouttes
de bonheur
occasion d’écrire
pour être lu
par n’importe qui
mais la langue n’est pas
aussi légère
reconnaissons-le !
La langue
façonne
elle n’explique pas -
Nous étions mille
un seul a survécu
à ce qui n’est
ni usure
ni complot
ni paresse
C’était quelque chose
de mesurable
mais nous avons pensé
à des institutions
à des idées appliquées
à la nécessité du repos
à l’angoisse
aux morts qui témoignent
sans arrêt
de la mort
Nous avons pensé
au lieu de pratiquer
ce qui donne une existence
commune
à la langue
Nous étions loin
de toute appréciation
tranquille
loin d’un simple bonjour
peut-être même
de l’autre côté
des lieux de réunions
J’achèterai une maison
si le temps m’était aussi précieux
que la langue
Les chemins reconnaîtraient mon pas
et les arbres ma présence immobile
La toiture métallique
des anciens ateliers de sculpture
me donnerait l’idée
d’un espace
à conquérir
Nous étions quelquefois
sur le point
de nous toucher
mais le vent ou l’averse
intervenait
et nous nous quittions sur un adieu
Nous n’étions pas
importants
à ce point
J’imagine qu’autrement
ni le vent
ni la pluie
n’eussent imposé
ces petites fuites parallèles
qui rejoignent les maisons
louées grâce à des revenus annexes
ou achetées avec une part d’héritage
Sinon nous n’avons pas vu
ceux qui dorment dehors
et tiennent l’éveil
à bout de bras
comme une lampe
au-dessus de l’écritoire
Qui sont-ils
ceux que nous ne voyons pas
mais qui résistent à nos effacements ?