Ce soir, le cri des disparus a brisé
Les vitres de ma fenêtre.
La plainte désespérée du vent
Est le gémissement d’une femme à genoux
Devant le corps inerte d’un enfant.
Ce soir, la terre se déhanche devant moi
Et la lune porte dans sa blancheur l’obscurité de la mort.
Ce soir, je poursuis mon errance dans l’orage
Des sanglots,
J’erre en rêvant de vies broyées
Et de voix ensevelies dans la poussière ;
Ce soir, je marche dans le vide, éperdu,
Creusant des tombes à chaque carrefour,
Et mes pas sur la terre disloquée
Est une complainte interminable
À la mémoire de trois cent mille vies.
Ce soir,
Je chante l’espérance avec des notes de souffrance,
J’invoque la terre du fond de mon angoisse,
Mais, nul écho à ma voix :
Le silence des morts parle plus fort que mon chagrin.
Ce soir, les yeux des enfants ne scintillent plus
Dans le ciel de mes métaphores :
La nuit a perdu des milliers d’astres.
Ce soir, j’écris un long poème de deuil
Avec la glaise,
Avec le sang,
Avec la chair des disparus ;
Un long poème pour ouvrir les entrailles
De la terre, pour réveiller les morts et transformer
L’agonie du crépuscule en allégresse.
Car ce soir,
Je ne veux pas de la paix des cimetières
Ni du chant meurtri de l’existence en veilleuse,
Je veux respirer le parfum de la vie :
Les morts sont des roses.
Que mes larmes deviennent pluie et rosée
Pour leur soif éternelle.