Ce que je vois de cette clarté qui m’aveugle...

Ce que je vois de cette clarté qui m’aveugle
au moment que je ne sais plus qui se bat et pourquoi,
c’est l’athanor toujours secret de ceux
que la vie a cloîtrés dans les murs d’une prière
aussi vieille que le monde,
c’est à dire avant qu’un rite païen
se retrempe aux sources du vin
et du blé qui le dore
avant qu’un diable arrêté dans la pierre
cesse de cracher l’eau
qui le justifiait aux yeux du passant ;
et celui-ci devra se battre pour sauver sa peau,
et un moment son geste de défense est suspendu
dans l’éclat de verre d’un soleil déchaîné
qui l’éclaire et l’innerve,
et la mort n’est plus une certitude,
tout au plus une probabilité qu’un homme seul
et par conséquent sans défense
a le droit de jouer contre sa propre existence.
Certes un déserteur ne tient pas compte
du parallélisme de la lumière ainsi déjetée,
mais parce que son éclairage est un feu d’artifice
dont la postérité seule dira la hauteur
dans la nuit de l’histoire passée
et vécue par d’autres qui ont légué ce qu’ils ont pu,
athanor hermétique de pierre en pierre
où le diable s’accroche dans les postures les plus anciennes,
les membres soudés à la mémoire de ce qu’ils ont embrassé de nouveau,
par exemple aux vendanges,
avec un fer à cheval pour conjurer le mauvais sort
dans le moindre millésime,
aux sources du vin que la terre n’a pas nourri
sont les pluies et le soleil qui les ravale ;
aux sources du pain que la terre n’a pas enfanté
sinon le soleil et les pluies qui le secrètent,
à l’athanor voyageur dans la terre impure
et sur les eaux purificatrices ;
et à sa fumée aux yeux de l’homme de la rue
qui vient de rater le dernier omnibus
à l’heure de la pluie et du soleil,
au moment que le voyage annonce une fin mémorable.
Enfin, ce que la mémoire d’un homme usé par le sang
peut retenir de la trajectoire de l’éclat
du point de chute à l’homme en guerre.
Extrait de Aliène du temps.
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