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 Article publié le 18 octobre 2015.

oOo

Enfin Elsie vint.

 

Et je chantais :

Enfin Elsie vint.

 

Ils reprirent tous en chœur :

Enfin Elsie vint.

 

Elle rougit.

 

Lavatory vola les fleurs de la direction et les offrit à Elsie après en avoir recomposé le bouquet.

 

Elle rougit encore.

 

Enfin Elsie vint.

 

Seules dans la chambre, nous respirâmes l’odeur de Lavatory. Heureusement, le soleil était au rendez-vous et nous pûmes ouvrir la fenêtre sans faire entrer le froid.

 

tu n’as pas changé

toi non plus tu n’as pas changé

c’est drôle comme on ne change pas

je me demande ce qui a changé

 

Enfin Elsie vint.

 

je t’ai apporté des cigarettes

c’est gentil mais je fume celle de Lavatory

tu avais su mais je ne t’ai pas écrit

j’écrivais autre chose on verra plus tard

 

Enfin Elsie vint.

 

on ne parle de toi plus de nous

personne ne parle plus de rien

nous n’avons jamais existé

et pourtant je suis enfermé

 

Enfin Elsie vint.

 

si nous allions nous promener

bien sûr que je peux sortir

nous n’allons jamais plus loin que le mur

qui ça nous mais nous pas toi

 

Enfin Elsie vint.

 

ah si j’avais pensé trouver un si bel endroit

ne me dis pas que tu ne serais pas venue

ce n’est pas ce que j’ai dit

tu compliques toujours tellement tout

 

Enfin Elsie vint.

 

non ce n’est pas l’imagination qui me manque

c’est toi qui manque des années que je pense à toi

mais non mon chéri ça ne fait pas des années

je t’assure que ça fait des années que tu me manques

 

Enfin Elsie vint.

 

bon les plus courts romans sont les meilleurs

je reviendrais ou pas c’est comme tu veux

mais maintenant paterson et moi on est ensemble

enfin je suppose que tu le savais déjà

 

Enfin Elsie vint.

Et paterson ne revint plus.

 

« On t’entend chanter de l’autre côté ! me dit Lavatory après.

— Je n’ai pas mesuré à quel point je regrette de ne pas avoir les moyens de me suicider ! »

On s’est couché sur cette réflexion.

 

Le lendemain matin, je suis bien. Lavatory pète un bon coup et ouvre la fenêtre.

 

C’est l’été.

 

« On va être les derniers si on n’arrive pas avant les autres ! » crie Lavatory dans l’escalier sans angle aigu. Il roule sur la moquette.

 

« Ça m’étonnerait qu’on te laisse tuer quelqu’un, » dit-il une fois rétabli sur ses deux solides jambes.

 

On arrive les derniers, mais par un effet inattendu du système, on est servi les premiers. On va passer une bonne et longue journée à se chamailler sur des points de détails sans même avoir une vue d’ensemble de la question soulevée.

 

On n’oublie pas de manger.

 

« Tu es vraiment si seul que ça ? »

 

Heureusement, je n’avais pas perdu ma faculté de me laisser fasciner par les discrets à-côtés de l’évidence.

 

« J’en connais de plus fous, dit Lavatory. Et ils le sont depuis plus longtemps. Ce qui laisse présager de leur avenir. Tandis que toi… »

 

Douceur du rien. Des feuilles mortes me tombaient dessus. Une joyeuse façon de disparaître. Lavatory, que la question amusait follement, en ajouta de pleines brassées. Je disparus.

 

Il fut le premier à répondre à la question : « Mais où est-il passé ?

— Comme s’il me disait tout ! »

 

sous les feuilles je suis mort

et pourtant j’respire encore

voyez la feuille trembler

sur mes lèvres insatiables

 

à l’automne de ma vie

on ne voit plus qui je suis

et pourtant feuille trahit

ce que je n’voulais pas être

 

voyez la feuille trembler

et l’hiver à pas pesant

s’approcher de mon cadavre

qui fait semblant d’exister

 

c’est l’automne et je me sens

pas plus mal que je l’étais

quand le vent venu du Nord

sur moi s’est mis à souffler

 

prenez pitié de mon sort

mais ne marchez pas dessus

ô promeneur des sentiers

qui ne mènent nulle part

 

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