« Je découvre, Madame, je découvre. C’est ce que je fais toujours quand je ne suis pas chez moi.
— Oh ! Vous avez un chez-vous ? »
Paterson nous avait rejoints. À petit pas de souris. Une casquette (rouge) plié à la ceinture. Il montrait un genou à peine cicatrisé et elle s’y attarda pendant qu’il se présentait. Elle était « ravie » de le connaître. Elle connaissait des tas de flics. Elle mourait « presque constamment de curiosité pour ces choses de la passion. » Rien ne pouvait l’enchanter mieux. Il remarqua aussi les petits pieds agiles et le jaune de l’ensemble envahit le reflet de ses lunettes.
« C’est que, madame, j’ignore encore si toutes ces choses que j’apprends ont un lien avec le crime…
— Il y en a toujours un ! »
Lui offrant son bras, qu’elle accepta en minaudant, il me déposséda. Je les suivais.
.chaque fois je te vois redevenir l’étranger que tu joues à la surface des autres. tu ne les suis pas, comme tu en as l’air. tu les conduis plutôt, en les poussant devant toi. ils ignorent ce danger. ils t’oublient. ils ne t’entendent même pas, ô poète. d’ailleurs tu ne chantes pas pour eux. mais contre eux. chaque fois je te vois redessiner la trame de ton avance sur les choses de ce temps. je voudrais te suivre, mais je m’abandonne à la fenêtre de tes spectacles.
Deux rubans colorés se nouaient. Cet or, ce bleu et ce jaune me donnèrent à penser que j’avais oublié celle de Lucienne. Comment avais-je pu oublier ce détail. Et qu’avait-elle fait de ce chapeau ? Je m’en souvenais si bien, à part le détail du ruban. Mais Paterson ne m’écoutait pas. Il aimait trop les femmes pour ça.
ah détour du texte
détour de ma fuite
ne laisse pas le détail
se perdre au gré du vent
Une seule phrase
un seul mot
et tout est dit
avant même que tu te taises
Tissus du vent, ils expliquaient ma fièvre.
« Il ne manque que Nina, dit sa mère.
— Vous oubliez Lucienne ! »
Pourquoi parler vite quand on peut le faire après ?
« Comme je vous disais, dit Paterson, je ne sais pas si ce que j’apprends est bien utile…
— Mais si nous ne l’apprenions pas, nous ne serions pas ici à nous la couler douce ! » s’écria Gilette en riant.
Paterson poursuivait plusieurs proies à la fois, comme à son habitude.
Je t’apprendrai à chasser l’animal qui nous hante
il était là avant nous et nous le chassons pour ça
et c’est pour ça qu’il ne rêve que de nous effacer
de la surface de cette terre où ce qui est écrit est écrit
voici l’acier des pénétrations de la chair faite proie
j’en ramène de tous mes voyages au bout du monde
allume le brasier de sa fonte entre nous mon fils
et mesure la force nécessaire à la forge du temps
cette femme ne peut pas comprendre les voyages
elle est le puits de nos croissances et l’eau de nos illusions
ce qu’elle pousse devant elle n’est rien d’autre qu’un cercueil
imagine que le vent est le seul moteur de notre aventure
ainsi nous le cherchons toute notre vie
ne sachant pas si elle en connaît déjà le sens
« Vos chapeaux sont magnifiques, mes belles ! Moi je n’en porte jamais, à cause du vent. Vous me verriez quand je dénoue ce foulard ! »
Que voulait-elle dire ? Paterson me sourit tendrement en piquant sa lèvre du bout de la langue.
« Entre le plaisir et les enfants, faut-il choisir ou peut-on avoir les deux ?
— Il y a une troisième option à laquelle vous n’avez pas pensé !
— Je serais bien curieuse de savoir à quoi vous pensez, vous… »
..papa revenait de la chasse, portant l’animal à la ceinture. maman attendait sur le perron. toi tu regardais par la fenêtre. mais tu ne regardais pas l’animal. ni ton papa ni ta maman. tu me regardais moi. la terre sur mes jambes nues. les jouets de mon enfance. de ce moment de mon enfance. plastiques bien pratiques car on peut les « passer sous l’eau ». tu avais les plus beaux yeux du monde. le rideau en témoigne encore. qui changera ces détails. à quel moment tout ceci disparaîtra définitivement. mais est-ce la bonne question. quelque chose que nous ne soupçonnons pas demeurera-t-il malgré tout. faut-il l’écrire pour que ça reste. papa jeta l’animal encore chaud sur la table. traînée de sang sur fond de scènes de chasse plus rustiques. je ne sais pas d’où on vient. tu ne sais rien toi non plus. marions-nous.
« Ah ces sorbets me transportent ailleurs ! Voulez-vous bien ne pas allumer cette horrible pipe ! »