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Choix de poèmes (Patrick Cintas)
Les fenêtres sont denses. Réduisez vos murs à la fenêtre...

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 Article publié le 15 mars 2015.

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Extrait de la [Chanson d’Ochoa...]

 

Les fenêtres sont denses. Réduisez vos murs à la fenêtre

Qui a le plus de chance de contenir les faits. Mescal

Ne s’y penchait pas à cause des sangles qui le retenaient

 

Au bord de sa vision. Sans le carreau que la mouche heurtait,

Il eût souffert d’agoraphobie. La rue s’achevait en point

Virgule sous les orangers. L’éclairage public sciait la nuit.

 

Voir le Christ sur le trottoir n’est pas donné à tout le monde.

Doña Pilar le poursuivait avec une constance de mâle.

Et la femelle Cecilia la suivait en arrachant des mots

 

Aux passants et aux gisants des devantures. Mescal grattait

Les meneaux. Il y avait des années qu’il grattait les meneaux.

Il creusait le plâtre mou derrière le radiateur avec la même

 

Sensation de n’avoir jamais été un autre que celui qu’il voyait

Quand on le montrait. — J’ai vu, dit-il aux flacons d’éther,

J’ai vu bien des ochoas dans mon existence ordinaire

 

Et je ne les ai rencontrés que dans le récit que la poésie

Fait à ma voix. On ne comprenait rien si on était son père

Ou sa sœur ou même un lointain cousin venu s’enquérir

 

De l’état des biens familiaux. J’ai vu, j’ai croisé et j’ai touché

Des hommes qui se croyaient des hommes parce qu’ils parlaient

Et que les bêtes ne parlent pas aux hommes. J’ai vu des bêtes

 

Qui se prenaient pour des hommes et d’autres qui valaient

Ce que vaut un homme quand il n’a pas connu l’amour.

J’ai grossi la réalité quotidienne dans la lentille de mes flacons

 

Et j’ai cru à des substances de remplacement. Ce que je dis

N’est pas fait pour être entendu ni compris. Qu’on n’écoute

Que ce qui se passe et je dirai la vérité telle qu’elle m’apparaît

 

Aux fenêtres. J’ai vu et je vois encore des hommes qui parlent

De ce qui arrive à l’humanité. Je n’en parle pas, je parle

De moi-même et des autres. Ma pensée contient tout entière

 

Dans un de ces flacons. Suspendu à la potence d’acier chromé

Par une couronne d’acier chirurgical, je pourrais marcher

Jusqu’à vous. Vous me verriez tel que je suis et vous auriez

 

Peur et pitié de cet homme qui n’est plus ce que j’ai été

Et qui sera ce que je suis. Une femme me ressemble.

Quelle femme vous ressemble à ce point ? Ô mes amis

 

Défenestrés, je ne vous vois plus que dans l’optique des flacons.

Le cuir de mon carcan sent le plâtre de vos mains occupées

Ailleurs maintenant que je n’ai plus d’importance relativement

 

À ce que je possède encore. Mon squelette est dehors tel

Que vous l’avez conçu et il satisfait votre ego de constructeur

D’hommes modulaires. Ma chair n’est que l’objet du désir.

 

Je voyais des cris. J’entendais des espaces criards. Je me ruais

Sur le bruit que l’existence produit quand elle s’étire. L’homme

Revenait avec l’espoir et la femme le quittait par chance.

 

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