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Poésies de Pascal Leray
La nuit défigurée, troisième
![]() oOo La nuit défigurée, la resserrer autour du cou. Tresser - pour l’endiguer - la chevelure de l’arbre avec ses flammes - hautes - pour caresser ce qui reste de nuit, flaque morcelée - et flasque - comme une comédie d’arbre. Nuit orage (le " rêve vrai "). Nuit aporie (le désastre avéré). Nuit amphibie : comme un char d’assaut incongru qui sort de tes rêves et écrase maladroitement tes vêtements troués. Et tu voudrais sortir ? Et te rouler dans l’herbe ? L’employer à ta guise comme une armée de fouets pour punir l’arbre ? Lui indiquer que l’œil qui roule au sol n’est pas le tien ? Que l’ombre qui s’enfuit vers la grille rouillée (et qui penche) n’est pas celle d’un être ? Que le vitriol des rêves ne sera d’aucun secours si tu voulais que s’interrompe ce théâtre de branches - ridicules - qui jouent des rôles méconnaissables au vrai ? Il resterait l’espace. Alors tu te tiendras contre l’espace. Tu expliqueras que le temps est très clair. L’arbre fatal te semble borné à imiter le sol, à présent. Comme si on l’avait scié. Comme s’il avait à fomenter un spectacle de voix - tordues - comme des branches pillées. Elles se permettent de te regarder - pour étudier ton corps mauvais. Tu te frottes à la grille pour t’en libérer. Tu crois encore à la magie et tu verses de l’essence à tes pieds. Le désastre, te dis-je ! est quand tu nargues l’arbre, cigarette au bec et imbu de ta nudité odieuse. Elle était permanente. L’arbre l’a minée. Injecte-toi avec les herbes. Sache te contenir. Urine comme si ton pantalon était parfait pour ça. Alors que non. C’est toi, regarde ! Vois dessous les branches, les feuillages. Tu es parfait pour ton urine. Rendors ta survivance de vessie ainsi. Imite le jeu des branches qui n’avaient rien à imiter. Non. Qui se sont contentées d’ordonner. Le sang et la baignoire. L’eau et les pleurs. Les pertes. Les excès. La dégradante réalité. La plaie inadéquate. Tu es trop jeune pour rêver. On te redressera. Tu n’en sauras rien. Et calme cette baignoire empoisonnée. Coda. La nuit ne revient rien. La nuit ne revient pas. Au sang. Rien. Au sang. Non. Arrière. Au sang. Déplace donc cette tendresse fiduciaire. Au sang. Embrasse-la fort, très fort. Sur la gorge. Et rendors-toi. Au sang. Au sang. Au sang. Rien. Rien. Rendors le sperme de tes veines. Le foutre de tes rêves. La sève comédienne qui déchire l’arbre sous tes yeux. Tu crois encore entendre les feuillages moqueurs. Et tu te trompes. C’est bien ta gorge qui se trompe. Descends. Descends. Il n’y a rien à préserver. C’est calme. |
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