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 Article publié le 9 juillet 2009.

oOo

CRIS

Ni sommeil, ni lutte ;
L’écroulement sourd
D’une vague hirsute
Dans les cris du jour.

Ni trêve, ni flamme ;
Le hurlement seul
D’une rouge lame
Sur un froid linceul.

Au fond du ciel vide,
Rien que la clameur
Follement avide
D’une aube qui meurt.

Stridente minute
Aux sanglots mêlés !
Rien… rien que la chute
De mes vœux fêlés.



LA NUIT MAUDITE


De longs pleurs, cette nuit, m’étouffent d’impuissance,
Une si longue nuit maléfique et hurlant
Qui remplit de stupeur mon esprit chancelant
Et le fait délirer dans le vide et l’absence.

Chaque jour mutilé tombe en déliquescence,
Le jour dont reste à peine un vœu sanguinolent,
Telle une plaie amère au fétide relent,
Où l’échec me foudroie avec magnificence.

L’œil hideux, en sueur, brisé comme un fétu,
Je contemple, ébahi, mon destin abattu
Et vois tous les faux biens rouler à la renverse ;

Jusqu’à l’heure où, levant ses deux poings furieux,
Une nouvelle nuit plus ignoble et perverse
Se jettera sur moi pour me fermer les yeux.



L’AGE D’OR



Qui se souvient un peu dans le soleil enfui,
Des grands cieux tournoyant comme une âme légère
Et des chaudes amours à la couleur si chère,
Où l’éternité même, un instant, avait lui ?

Cet âge-là mêlait passion et bien-être ;
Le jour voluptueux chantait en séraphin ;
C’était parmi la joie un vertige sans fin
Peuplé de longs désirs jamais las de renaître.

Au comble de l’extase au beau rire de miel,
Chaque enfant tout pareil à quelque fol artiste,
Survolait, radieux, des marches d’améthyste
Sous le chevalet nu d’un grandiose arc-en-ciel.

Les vents clairs s’étoilaient de lunes magnifiques ;
L’aurore en se voilant s’enivrait de douceur ;
L’azur qui s’avançait avec des mains de sœur,
Se délectait pour nous d’incroyables musiques.

Puis, figure céleste aux charmes frémissants,
Le rêve sur nos jeux infinis et frivoles,
Ouvrait des chemins purs choyés par mille idoles,
Et réchauffait la vie en ses doigts caressants.



NOUS ATTENDONS



Nous attendons, l’orgueil défait, l’espoir tenace,
Veufs chaque jour d’un idéal se morfondant
Que le monde revêche en tous lieux cadenasse,
Et qui s’agite en nous comme un poison ardent.

Nous attendons, chargés de vœux, maculés d’ombre,
A l’affût d’une étoile au regard dévasté,
Avec des chants ternis sous des failles sans nombre
Et les yeux revêtus d’un improbable été.

Nous attendons, mangés de nuit, troués d’absence,
Le cri dans le chaos, le feu dans l’essentiel,
Allant, exaspérés, de chute en renaissance,
Tantôt près de l’enfer et tantôt près du ciel.

Nous attendons, hallucinés d’une foi sauve,
Tout pleins de force neuve et de clairs abandons.
Malgré le temps, malgré la vie aux jeux de fauve,
Depuis longtemps… depuis toujours… nous attendons.



PAYSAGE



Combien était magique et loyale et profonde ! 
La saison où brillaient les émois les plus chers,
Où la terre nubile aux somptueuses chairs
Se prélassait dans l’or ineffable du monde.

Il y avait dansant comme des fleurs de lin,
De flamboyants éveils déployés sur les cimes,
Et des vents lumineux et des orgues sublimes
Que le ciel enrobait de son chant cristallin.

Au cœur des bleus étangs, s’allongeait amoureuse
Toute la rêverie amicale des jours.
Extases d’un moment ! délices de toujours !
Quelque effluve de l’âme enchantait l’onde heureuse.

Dans les lointains fuyaient les grands monts étonnés ;
Des herbes palpitaient sous la nue accueillante ;
Mystérieuse et douce, une aube clairvoyante
Laissait flotter sa robe en éclats satinés.

O la vie elle seule était pure caresse !
Chaque bois effeuillait des soupirs ingénus ;
Les champs tissés de houle et de longs frissons nus,
Semblaient d’immenses cœurs soulevés d’allégresse.

Et pendant qu’éblouis de poèmes ardents,
Les oiseaux, tout près d’elle, alanguissaient leur tête,
Une belle songeuse ouvrait des yeux de fête
Et croquait du soleil entre ses fines dents.



LES VAGUES DE L’ABÎME



Les roulis de la joie ensoleillent les dunes.
Le sable qui palpite ourle l’océan pur.
Des goélands rieurs nés des blanches lagunes,
Fendent l’air infini de leurs ailes d’azur.


Sur les vagues, parmi l’écroulement des formes,
Le frisson d’une épaule éclot, délicieux,
Comme si l’onde même aux blonds ressacs énormes
Avait soudain voulu l’offrir à tous les yeux.


Puis un bras fin jaillit, puis une hanche trouble
Puis, envoûtante et lisse, une jambe en satin
Et, sortilège entier, dans une extase double,
Un visage inouï baigné d’un feu lointain.


La lumière plus molle enveloppe la rive.
Chaque homme à sa vue ose atteindre l’insensé.
Elle est belle, elle est jeune et pourtant, ô dérive !
Rôde au fond de son âme un au-delà glacé.



MON PANTHÉON POÉTIQUE



François Villon



Du fond des temps, Villon, comme une pure cime ;
Foi sourde, chaude haleine au grand souffle attristé,
Prêtre de l’au-delà, voyou lâche et sublime
Terrifiant et sanglotant d’humanité.


Pierre de Ronsard


Sous ta plume, Ronsard, monte en un bleu sourire
Le suc des matins frais succulents de couleurs.
Dans l’orgueil de tes mots, une belle se mire
Et célèbre à la fois ton génie et ses fleurs.


Alfred de Vigny


Délicieux Vigny qui d’un vaste poème
Sut tisser la lumière à laquelle on rêva :
Silences murmurés, frisson d’écho suprême,
Prodiges soupirés à la lèvre d’Eva.




Victor Hugo


Ton sang herculéen fait trembler nos limites ;
Hugo, satan céleste, âme en deuil, pâtre nu,
Hugo, soleil énorme éclaboussé de mythes,
Qui sculpte l’innommable et cueille l’ingénu.




Gérard de Nerval


Des flots denses nimbés de magie et de moire
Polissent ta voix pleine aux suaves grandeurs.
Nerval, pionnier d’un monde entre songe et mémoire,
Dont nul n’a jusque-là retrouvé les splendeurs.




Charles Baudelaire


Au drapé de ton style orageux et solaire,
Tes cris ont la langueur des ciels qui se défont.
Avons-nous assez dit qu’en toi seul, Baudelaire,
Saigne le plus terrible et sourd le plus profond ?




Stéphane Mallarmé


L’énigme ciselée en des bijoux d’absence
Parachève ton sacre, ô lisse Mallarmé !
Blanc sortilège éclos d’un gouffre d’impuissance !
Tel est l’art pour lequel tu fus si bien armé.




Paul Verlaine



Salué par les dieux, tu fais couler, Verlaine,
Toute une aube perlante exquise à contre-jour.
Tes vers semblent jaillir d’un écheveau de laine
Pour chatouiller nos cœurs de friselis d’amour.




Arthur Rimbaud


Stupidement noyé sous de vilaines gloses,
Te revoilà giflant les scribes ennuyeux ;
Rimbaud qu’un feu vital agite au pouls des choses
Et dont le verbe court plus vite que nos yeux.





Guillaume Apollinaire


Apollinaire, toi ! le magique, le tendre
Chez qui flotte une plainte et pleurent des aveux ;
D’une eau fugace à Lou, combien l’on peut entendre
Une onde mélodique éternelle à nos vœux ! 





Paul Valéry


A quel chimiste aigu, plein de trouble finesse,
Doit-on ces joyaux clairs où se mêlent, si purs,
Des mots fluides et chauds élus pour leur jeunesse
Et l’adorable choc de pépites d’azurs ?




Henri Michaux


Michaux que tout excède et que rien ne censure ;
Métaphysique laboureur se flagellant ;
Héros teigneux pressé de fouiller sa blessure ;
Père d’un " Plume " idiot, lunaire et stimulant. 




René Char


Tu fais gronder sans peine avec ta flèche ultime
Le scalpel de la foudre et le cri du chacal.
Icône fulgurant ! coup de poing dans l’abîme !
Char tellement fécond et si peu musical.




UN QUAI DE GARE À TOULOUSE



Sur le quai fauve et noir empli de moiteurs sales,
Les âges se défont au rythme aigu des trains…
Voici longtemps. Peut-être en mai. Comme en rafales,
Des houles de joie ivre incendiaient mes reins.


J’avais les yeux ravis et comblés de l’enfance.
La magie à ma lèvre où fusait le bonheur,
Inondait le ciel chaud d’un rêve sans défense
Plus naïvement clair que l’envol d’une fleur.


La gare en fièvre s’agitait à perdre haleine ;
Le vent soûl balayait le matin finissant,
Et tout à coup je vis, dans un souffle de laine,
Sourire jusqu’à moi ton pas resplendissant.


Mes bras tendus au point de soulever le monde,
Capturèrent le baume ailé de tes cheveux
Alors que, titubante au bout d’un soir immonde,
Une vieille passait, les doigts fous et nerveux.


Nous étions le miroir béni de toute chose ;
Les chatoiements de l’heure embellissaient nos mains.
Irréelle et chantant, la fière ville rose
Alignait ses toits purs et ses féconds chemins. 


O couple aveugle au temps dont saigne l’ombre infâme !
Ta jeunesse coulait en lumineux accords,
Et nul regard ne vint arracher cette femme
Au néant qui bientôt lui mangerait le corps…


Le même quai… plus tard, sans que tu me revoies.
Déjà rien que l’infime écume d’un grand jour,
A peine un blanc fantôme errant le long des voies
Tandis que, chargé d’ans, je titube à mon tour.


Ton image que seule a noyé l’amertume,
Est une eau pâle et trouble égarée en mes yeux,
Un murmure de soie enfoui sous la brume,
Une âme frissonnante au bord de vagues cieux.


Et le limon obscur des mois et des années
A glacé mon visage et fendillé mon cou ;
Si parfois j’ai bu tant d’espérances bien nées,
J’ai vingt fois du destin essuyé le vil coup.


Or là comme jadis, la foule bourdonnante
Gronde avec l’appétit d’un long fleuve qui croît ;
Comme jadis, au loin, charmeuse et fascinante,
Toulouse rit toujours dans le beau soleil roi.


Affaibli par cent maux où l’enfer se dessine,
Je longe le vieux quai plein de moites relents
Quand devant moi soudain, ô brûlure assassine !
Pareil au nôtre, un couple unit ses vœux tremblants.


Il ne me connaît pas. Les trains vont, à la file.
Une brise d’amour me flagelle et me mord.
Et vaincu, las de tout, pauvre chose débile,
Je m’abats sur le sol en épousant la mort.

 

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