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Le sujet romantique au XIXe siècle et le politique
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 Article publié le 14 septembre 2004.

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La lecture de l’événement politique analysé ainsi par le truchement d’un personnage de roman est intéressante dans la mesure où l’on s’interroge sur le comment le sujet romantique du 19e siècle s’y prend pour se mêler du politique. En quoi est-ce que le moi du héros romantique, déjà fort exacerbé par des luttes internes d’ordre psychologique, philosophique et religieux puisse être davantage aggravé (selon qu’il se considère comme la victime), ou au contraire influencé et nourri par le politique, selon qu’il y prend sa part avec tout l’enthousiasme dont est capable le héros romantique, toujours prompte à se jeter corps et âme dans la bataille qui l’engage personnellement au plus près du corps quand elle n’a pas élu domicile à l’intérieur même de sa chair ?

L’Ennui, en ce qu’il est exacerbé par une instabilité chronique dans les grands domaines d’inscription puis d’émancipation de l’individu dans la société française, aura donc sévi durablement tout au long du 19e siècle pour que Baudelaire en 1861, dans Les Fleurs du Mal (voir son adresse au lecteur), pût le désigner comme le redoutable ennemi. Qu’est-ce que l’ennui sinon cette inertie du sujet qui, de l’aveu de presque tous les écrivains du 19e siècle, est imputable à une incapacité lancinante des gouvernants à conduire un projet de société digne d’insuffler aux forces vives - la jeunesse - une dynamique d’enthousiasme et de bonheur. Certes Hugo a cru bon de faire confiance à son intuition en proclamant qu’après les malheurs du 18e, « Le 19e siècle, est siècle de bonheur ». Or, les événements ont peut-être donné davantage raison à un Joseph de Maistre ou à un Bonald[1] qui prédisaient les grandes catastrophes de l’avènement de la république et de la démocratie. Ainsi ont continué de toute évidence les souffrances du peuple ; les atermoiements, la débauche et le spleen de sa jeunesse. Dans cette présente étude, nous nous proposons de voir de quelle façon les événements  politiques contemporains au sujet romantique, ainsi campé par un certain nombre d’écrivains du siècle, ont-ils pu contribuer à la construction ou déconstruction de sa subjectivité.

Faut-il dire d’emblée que l’irruption du politique dans le roman revêt des caractéristiques diverses qu’il convient de circonscrire ? En effet, le regard porté par Chateaubriand sur la foi dans Atala et René pour ce que ces deux récits ont de rejet du temporel, de l’événementiel fut-il politique n’est pas celui de  Sand sur la période culminant autour de la révolution française dans Mauprat. De même Musset dans Confession d’un enfant du siècle et Hugo dans les Misérables font entrer différemment dans le récit romanesque la bataille de Waterloo ; le jeune provincial fraîchement arrivé à Paris ne vit pas la même histoire selon qu’il soit Julien Sorel dans Le rouge et le noir de Stendhal ou un George Duroy dans Bel-Ami de Maupassant. Nous tenterons donc de suivre ses différents personnages romanesques pour voir dans quelle mesure ils se sont imprégné des soubresauts politiques et comment à travers eux l’auteur exprime-t-il sa propre subjectivité. Nous verrons simultanément en quoi ces différents récits s’adressent-ils également au lecteur pour lui faire prendre ses responsabilités, (presque au sens existentialiste avant l’heure) face à un tel débat. Nous analyserons les textes dans l’ordre cité ci-dessus avec cette particularité que nous tenterons de mettre en balance, d’une part, l’interprétation hugolienne de Waterloo et celle de Musset ; Bel-Ami et Le rouge et le noir, d’autre part.

 

I- François-René de Chateaubriand, Atala et René (1801)

 Chateaubriand a environ 23 ans quand il effectue son voyage en Amérique. À l’exemple, dira-t-il dans une de ses préfaces, d’Homère, sûrement aussi de Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie), il voulait visiter les contrées qu’il se proposait de décrire. C’était la mode de l’époque. En somme, au premier regard, ce voyage en Amérique d’où il rapporte cette saga des Natchez, Atala et René pourrait se laisser réduire à un simple voyage d’observation et de repérage propres à une sorte de cadrage spatio-temporel de son récit. Or, rien n’est moins sûr quand on considère les influences subies par ce jeune homme, celles de ses lectures de Rousseau et de l’attraction que représente un continent si lointain qui, de surcroît, s’anime d’une fièvre d’émancipation révolutionnaire. Il nous apparaît donc que parler de Atala et de René c’est précisément s’obliger à prendre en considération ce contexte historique particulier de même que les idéaux d’absolu qui animaient le jeune auteur pas encore connu[2]. Chateaubriand issu d’une grande famille de la noblesse provinciale avait sans doute des prédispositions, de par son éducation et sa naissance, à se retrouver dans les cercles du pouvoir. Toute la période révolutionnaire l’a contraint de facto à l’émigration et à un exil politique. Sa famille a été décimée (beaucoup de ses membres ont été guillotinés), sa fortune dilapidée. Quand il revient en 1800 en France signer Atala et René, certes il revient sur sa période de jeunesse mais c’est sûrement un homme qui réalise l’étendue des dégâts que peuvent causer les révolutions.[3] 

En cela, la perspective de lecture qui est la nôtre ici est de s’interroger sur la portée de ces deux récits, indépendamment du fait religieux plébiscité ici, en tant qu’ils préfigurent l’homme nouveau. C’est à partir des événements politiques de l’époque que cet appel à la retraite religieuse, à cette élévation au-dessus de la mêlée qu’à notre avis ces textes prennent tout leur sens. De quoi s’agit-il en définitive ? D’une tentation irrépressible à la retraite du monde, pourrions-nous dire pour aller vite. « Mourir au monde » était l’expression du sacrement d’Amélie[4], sœur de René. Ce besoin de foi exacerbée trouve évidemment sa pleine expression chez le sauvage. Chactas va finir par se convertir au christianisme car il l’a promis au vieux missionnaire (le père Aubry) et à Atala elle-même convertie depuis longtemps. René va errer dans les bois en proie à un profond besoin de solitude. Après le sacre de sa sœur puis plus tard la nouvelle de sa mort, il décide de mourir au monde,  à son tour. L’influence des thèses rousseauistes sur ces personnages emblématiques d’une irréductibilité de leur foi est ambiguë. Car enfin, Chateaubriand fait dire à la fin de l’histoire de René à un vieux missionnaire ami du Français, que la vie d’errance n’est pas la solution et qu’il faut repartir vivre parmi les hommes. Ceci est une manière sans doute de s’écarter du Rousseau des Rêveries du promeneur solitaire, lequel du reste n’était pas lui-même vraiment résolu à se soustraire au commerce des hommes. Il suffit de voir pour cela combien Rousseau était partagé sur la notion même de bonheur qu’il voudrait bien avoir atteint par la solitude et la rêverie[5]. René n’écoute pas le vieux missionnaire qui lui conseille de retrouver le monde et de nouveau sera victime d’un complot de ses propres amis indiens qui lui reprochent ses alliances avec l’ennemi (encore la politique). De sorte que le sens de sa mort demeure comme chevillé aux contingences - politiques - temporelles lors même que seules deux femmes pousseront, jusqu’à son point de non retour, cette résolution de s’émanciper du temporel  par l’embrassement divin : Atala et Amélie.

Pour s’en tenir juste à ce cadre politique, nous dirions en guise de conclusion provisoire que si ces deux textes font entendre les valeurs religieuses d’une manière aussi radicale et enflammée, c’est sans doute pour mieux faire entendre encore la vacance du politique, au sens d’organisation pacifique de la cité, durant toute cette période de l’histoire de la France.

 

 

II- George Sand, Mauprat (1837)

 Le choix de ce roman nous est dicté par ce nécessaire lien à faire, nous semble-t-il, entre le grand bouillonnement politique du 19e siècle et ce qui l’annoncera de manière si décisive, c’est-à-dire la chute de l’Ancien Régime et la révolution de 1789. Bien qu’écrit en 1837, les événements racontés par George Sand traversent ces deux périodes de l’Histoire de la France en faisant passer par la bouche des personnages les différentes péripéties. Le cadre campé est celui de la province française (Sand est coutumière du fait) où la noblesse rurale (Varennes) rime avec enracinement dans le terroir, dans la paroisse et où le château seigneurial fait office de gardien du temple. Il est question du désir de conservation du nom et du titre en ce que ceux-ci ont à la fois de séculaire et de pur. Mais là où le récit nous interpelle c’est que les privilèges ici ne s’exercent plus dans un but d’enrichissement personnel mais servent davantage comme une marque d’élévation de l’âme et de l’esprit. Aux lendemains de la révolution, les biens matériels de cette noblesse seront d’ailleurs en partie partagés avec la population des paysans et des villageois. La dimension romantique des amours tumultueux d’un Bernard Mauprat avec sa cousine Edmonde de Mauprat dite Edmée est la toile de fond d’un drame qui prend racine dans la société française d’avant et après la révolution de 1789. La problématique politique en constitue la trame historique. Ce récit sous-jacent et insinué dans les aventures amoureuses des deux jeunes gens nous fait vivre, à tout le moins, les événements politiques sous l’Ancien Régime et sous la révolution d’un point de vue d’indécidabilité quant aux sympathies ou inimitiés à nourrir pour les deux périodes controversées. Il n’y a donc point de manichéisme politique dans ce texte où l’Histoire est regardée comme la somme globale de ce que le sujet lui-même (qui y participe) a amassée. En tant qu’acteur de l’événement, il n’y a donc pas de morale traditionnelle pas plus que révolutionnaire à dégager clairement des événements - dont le caractère changeant n’est pas la moindre des caractéristiques -, et qui serait infligée au lecteur comme un bloc indivis. George Sand a sûrement voulu éviter le piège de la chronique politique dans ce qu’elle a de conjoncturelle et de contingent en s’attelant à peindre une émotion et un idéal de justice forgés par l’expérience individuelle. Les événements historiques rentrent dans l’intrigue romanesque pour y trouver leur expression, leur interprétation voire leur dépassement. Non pas que l’Histoire soit faite par tel individu particulier mais bien plus par l’inscription des individus, néanmoins identifiables et identifiés, dans l’Histoire qui cesse ainsi d’être un corps abstrait et majestueux. Si la philosophie qui présida au déclenchement révolutionnaire est bien présente, les désillusions nées de cet espoir étouffé dans l’œuf le sont tout aussi bien. S’y côtoient les vertus d’une certaine noblesse, les idéaux de justice sociale matérialisés dans la société pour éviter précisément le rationalisme reproché aux philosophes des Lumières et l’horreur du sang versé. George Sand dira en 1851 qu’elle a écrit Mauprat suite à son divorce et s’est alors clairement décidé à faire l’apologie du mariage pour la vie.

Hubert de Mauprat, père de l’héroïne Edmée, incarne la survivance de l’état ancien mais débarrassé de ses zones d’ombres (hymne à la noblesse d’esprit, pureté du nom et pérennisation de l’idéal chevaleresque) et la fille, quant à elle, sans renier toutes les valeurs prônées par son père, va au contraire se tourner résolument vers le progrès qu’elle juge inéluctable. Elle a lu Rousseau et tient sa philosophie comme une chance pour qui veut s’élever à hauteur de la dignité humaine. L’intérêt de ce sous-texte philosophico-politique est qu’il participe de la constitution même du sujet romantique. L’occasion en est donnée par l’irruption de ce jeune sauvage dont elle s’est éprise - presque comme un amour de tête - par l’intercession dirions-nous de son agenda philosophique héritée de Rousseau mais demeuré jusqu’alors comme en jachère. Le moment semble venu pour réaliser concrètement ce havre de paix et d’égalité absolue entre les hommes auxquels la philosophie rousseauiste la prédispose. Sand nous donne à voir cette noblesse authentique (celle de l’esprit et des actions) qui entreprend de se réformer de l’intérieur : Bernard est cousin d’Edmée. Le message latent est que sa réussite au plan local, provincial n’a d’égal que l’échec cuisant de sa consoeur parisienne.

Le jeune soupirant Bernard tient de l’enfant naturel plein de fougue et d’impétuosité pour lequel il faut adjoindre cette éducation, sorte de conscience morale et politique, si nécessaire à la formation de l’individu. L’équilibre difficile à maintenir entre ce qui doit être regardé comme une vertu (un enfant innocent qu’il ne faut pas pervertir) et l’exercice d’une saine éducation à la sociabilité représente de notre point de vue l’un des ressorts les plus solides du roman. La philosophie naturelle de Rousseau supplante sans doute un peu la sympathie pour « les sauvages » du Supplément au voyage de Bougainville (Diderot) en ce que cette dimension de sociabilité naturelle de l’homme l’amène nécessairement au commerce avec ses semblables ; ce qui introduit une certaine distance entre Diderot et Rousseau matérialisée dans Mauprat.

  L’influence d’Edmée conjuguée à celle du représentant rousseauiste masculin (Patience)[6] vont parachever l’éducation politique du jeune Bernard. Rappelons que ce dernier fut recueilli par son oncle Hubert dans un désir non dissimulé d’en faire l’héritier naturel de sa fortune et l’occasion non moins avouée de restaurer la respectabilité du nom. Bernard embarqua pour l’Amérique par dépit amoureux et à la fois épris des idéaux de liberté et caressant l’espoir d’en imposer à sa cousine par la gloire militaire. Plus tard, Edmée va l’envoyer défendre sa patrie menacée par la coalition anti-révolutionnaire des monarchies européennes aux lendemains de 1789. Mais, une fois cette même révolution désavouée par les crimes commis en son nom, Bernard refusera de servir une ambition militaire sous le premier empire de Napoléon I. Enfin, régna dans cette famille ouverte à la liberté d’opinion un esprit de tolérance : l’abbé de la famille se prononça pour les Girondins en réaction à la Terreur.

 Ce caractère indéfectible des liens qui unirent définitivement Bernard et Edmée semble se jouer des accidents historiques. Il y a là véritablement triomphe de la vertu humaine qui transcende ainsi les clivages politiques. Finalement, on peut s’autoriser à penser que la déconfiture du politique à travers le siècle comporte en quelque sorte sa contrepartie dans l’idéal de justice sociale et politique porté à bout de bras justement par le héros romantique. L’histoire des Mauprat, racontée par le vieux Bernard à la veille de sa mort (qui survécut à sa femme) à un jeune chroniqueur parisien, est ce lien vers l’extérieur. Ce jeune homme présenté comme empreint d’une grande moralité va ainsi servir d’interprète auprès de la société parisienne à laquelle l’histoire semble être destinée. Voici donc le témoignage comme une volonté de transmissibilité d’un destin authentique. Le lecteur invectivé et malmené au travers de ce récit est celui qui est porteur des mœurs urbaines aux mille fastes passagers. Peut-être faut-il ajouter que les idées socialistes (ou socio-démocrates) qui commencent à prendre forme sous la monarchie de juillet se retrouvent ici distillées par quelques personnages, notamment celui d’Edmée. Dans les années où fut conçu cet ouvrage, la bourgeoisie affairiste et libérale - qui commençait à exercer une influence non négligeable dans la première partie du gouvernement de Louis Philipe - a au contraire conduit à la paupérisation des couches populaires, favorisant ainsi l’émergence de cette pensée socialiste de première heure.

 

 

III- Victor Hugo, Les Misérables (1862)

a) La poétisation de Waterloo

Le récit de Waterloo frappe par la rupture qu’il provoque dans cette épopée historique mise en scène dans Les Misérables. On pourrait presque se laisser imaginer cette rupture du texte comme la rupture du destin napoléonien lui-même. Un peu comme si la bataille, après avoir eu lieu dans les plaines de Waterloo, entre en fulgurance dans le texte hugolien. Cet irruption en force de l’instance suprême de l’auteur se traduit de la manière suivante : Hugo se dit tour à tour le passant de 1861, « celui qui raconte cette histoire », le profane en chose militaire qui parle la langue de tout le monde et enfin ce narrateur qui revient en arrière sur les événements racontés car « c’est un des droits du narrateur » d’agir ainsi.

Le récit sur Waterloo ouvre le livre de « Cosette ».  Il vient après celui de l’évêque Myriel et de Fantine[7]. En dépit du fait que l’on pourrait être tenté de se demander ce que ce manifeste militaro-politique à la gloire de Napoléon I venait faire ici en plein milieu de ce tableau tragique qu’était la misère sociale en France au 19e siècle, force est de constater que Napoléon était précisément regardé par Hugo comme cet espoir qui pouvait mettre fin aux injustices dont les misérables étaient les premières victimes.

Raconter Waterloo à ce moment justement où le plus que zélé inspecteur Javert est en train d’enquêter sur l’évasion de Jean Valjean[8], où Fantine représente la figure archétypale de la souffrance du petit peuple et où l’évêque de Digne ne réhabilite la religion avec la grandeur d’âme qui est la sienne que pour mieux illustrer l’isolement et la solitude de son action ; raconter donc Waterloo ici c’est signer l’aveu de l’échec napoléonien. En somme, revenir sur Waterloo en 1862 alors que les événements sont déjà archi-connus et commentés, c’est placer cette déroute de Napoléon face aux coalisés anglais et prussiens dans une perspective de tragédie nationale. Hugo fait comme si avant même que Waterloo n’eut lieu, cette bataille ne pouvait qu’être perdue. Certes, il a du recul en 1862 mais peut-être aurait-il eu le même pressentiment en 1815 (s’il n’était encore qu’un enfant quoique tout de même né sous l’empire) tant il peint Napoléon comme ce génie de la trempe de César mais également terrible despote qui atteignit le summum de la surdétermination, ce moi surgonflé des tyrans qui se croient immortels. D’où précisément ce que nous appellerions la poétisation du personnage qui devient en tout état de cause un des sujets romantiques de cette fresque historico-politique que sont les Misérables.  Peut-être même Napoléon était-il pour Hugo le sujet romantique par excellence. Cette réunion du romanesque et du politique chez Napoléon sous la plume du Hugo de 1862 peut être vue ainsi comme un appel à une supplémentation romantique revue et corrigée pour les besoins contemporains. Et si Hugo n’en appelait finalement qu’au génie de Napoléon Bonaparte en l’absence duquel souffre toute la nation française depuis la Restauration, en passant par les différents bouleversements (Louis XIII, Charles X, Louis Philipe, la révolution avortée de 1848, le second empire de Napoléon III) ?

Certes, Hugo c’est toujours Hugo en ce sens qu’il ne sacrifie guère à la majesté qu’il croit être la sienne : il se livre ici à un véritable travail d’historien bien qu’il s’en défende, allant même jusqu’à se trouver d’accointance avec les vrais historiens dont c’est le métier d’investiguer. Aussi sa description des lieux (la pleine de Waterloo, les ruines du manoir où eut lieu la plus importante partie de la bataille) ne se veut-elle pas très documentée. Mais sans pour autant cesser d’être du Hugo car enfin les ruines semblent parler à Hugo, la forêt se mettre en mouvement et les cadavres se relever pour témoigner. Le traitement romanesque de Hugo est voulu et presque amené par ce présupposé - qui pour le coup l’éloigne assez de la prudence scientifique des historiens traditionnels - que Napoléon devait perdre cette bataille. La dramaturgie mise en place par ce narrateur qui se donne des droits est digne d’Hollywood ou plutôt que les fresques hollywoodiennes semblent être la suite logique du cinéaste Hugo. Les figures de style sont abondantes : utilisation du présent historique, tableaux d’hypotypose et autres personnifications jusqu’au vent et l’orage, etc. qui sont autant d’agents pourvoyeurs de suspense.

Cette vision globale n’est pas sans nous inciter à penser que le Hugo de 1862[9] - celui de l’exil forcé après le coup d’état de Napoléon III qu’il dénonce vigoureusement - a des comptes à régler avec la politique conduite depuis des décennies sans réelle espoir démocratique qui bénéficierait au peuple des Fantine, Cosette, Gavroche, etc. Sans doute aussi que le Napoléon III, par son absence de génie rappelle trop le vide laissé par l’autre, sous le règne duquel l’auteur des Misérables a grandi. Victor Hugo voit bien sûr dans Waterloo la conspiration monarchique contre la révolution[10]. Il finit par dire que cette dernière est providentielle et qu’elle est née en 1789, s’est continuée sous Bonaparte et resurgit toujours sous les monarchies qui lui succédèrent. Tel est pour lui le sens de Waterloo  : la flamme révolutionnaire doit conduire au triomphe de la liberté et c’est ce qu’il appelle de tous ses vœux pour tous les Misérables.

Quoi dire sur Hugo et le lecteur sinon que Hugo a toujours semblé transcender ses personnages. Hugo se sera toujours frayé une voie royale pour accéder au lecteur. Hugo a exercé des positions politiques, il a été député sous le second empire et à ce titre a harangué les bancs de l’Assemblée Nationale sur la nécessité d’une autre politique (la républicaine) qui prît en considération les pauvres et les parias de la société. Mais c’est sans doute dans ses écrits qu’il est le plus massivement présent. Hugo s’est cru devoir se mêler tellement de tout qu’il ne se trouve pas un seul sujet de société qui lui eût échappé. Hugo est donc fondamentalement politique. C’est le grand bourreau de la peine de mort[11], le défenseur de la veuve et de l’orphelin. Dans le texte qui nous occupe ici, nous avons déjà dit la grandiloquence de Hugo et qui consiste à décider, tel un dieu, (encore ne se prît-il pas réellement pour le dieu omniprésent et omniscient) à quel moment il faut faire un coup d’arrêt au récit pour siéger en quelque sorte face au lecteur. 

 Qu’ajouter de plus sinon cette permanence de la révolution perpétuelle qu’il semble devoir rappeler aux masses. Hugo est un poète de ce génie qu’il dénie finalement à un seul homme, en l’occurrence Napoléon, mais qu’il dédie volontiers au corps collectif des gens comme à même de se transformer en véritable faiseur d’Histoire. C’est donc rien moins qu’un appel, au-delà du lecteur, à unenouvellegénération d’hommes capables de transcender la petitesse du destin qui leur est réservé par les pouvoirs politiques successifs.

 

b) Le cas de Musset

Tout autre est la perspective de Musset sur la même question. Nous dirions que la

confession d’un enfant du siècle est le malade en phase critique de sa maladie tandis que le Hugo des Misérablesen conçoit déjà son futur remède. D’ailleurs, le texte de Musset ne commence-t-il pas par ce désir de diagnostic, par ce vœu de guérison. Mais Musset est plus jeune qu’Hugo[12] et accuse si l’on peut dire de plein fouet le revers napoléonien. Il est l’enfant turbulent et impétueux - comme toute sa génération nous dit-il - en prise avec le désenchantement né de la révolution de 1830. Il est encore malade de ce mal à être au siècle qu’il fustige pour son déficit d’espoir. L’énonciation qui procède par l’inscription massif du « Je » dans la narration résonne tout de même en creux. Autodiagnostic et auto-guérison semblent fonctionner comme deux faces lugubres d’une même désillusion. Le siècle est à peine entamé qu’il est déjà fini pour cette génération trop jeune pour inscrire son nom de gloire au milieu des conquêtes militaires impériales et déjà vieillie par le désoeuvrement et la débauche après la grande débâcle. Ajoutons à cela, que la Restauration dans toutes ses maladresses a sonné le glas de toute occasion d’affirmation de soi au sein d’une société qui s’avère incapable de le guider. 

Musset nous raconte cette descente aux enfers. Rien ne semblait pouvoir assouvir cette soif d’absolu (car dépossédé de tout) d’Octave, le héros de Musset. Voilà un jeune qui ne put se résoudre à prendre un état et qui se retrouve au milieu de ses pairs pour exprimer par l’auto-flagellation leur refus de la société telle qu’elle leur est donnée, c’est-à-dire où la réussite passe par l’argent et la possession matérielle. Octave s’adresse également avec une rare violence à tous ces bourgeois parvenus qui semblent se délecter de leur propre suffisance. Il les somme à se regarder dans la glace pour se trouver petits par leur vie et leurs mœurs pourtant drapées du costume de respectabilité. Ne trouvant écho parmi eux, il cherche un sursaut d’orgueil parmi les jeunes qui se laissent mourir ainsi à eux-mêmes. Mais, il n’y a pas de réponse là comme il n’y en a guère dans l’amour. Son amie Brigitte est pure mais il est trop tard. Il a déjà trop sombré dans la dépravation qu’il va la souiller, pour finir par la tuer tout à fait. Et si la religion y pouvait quelque chose ? Est-elle cette planche de salut tant espéré ? Hélas, non, car dieu continuellement invoqué est comme à chaque fois noyé sous les torrents d’alcool ; si dieu lui-même n’y put rien pour lui, il tenta bien vainement l’intercession par Saint Augustin.  Alors, peut-être une lueur d’espoir, quand il ne reste plus rien, vers ces générations à venir. Ce regard vers l’Histoire à venir nous apparaît comme l’un des moments forts de ce récit. Musset semble nous dire que tout n’est pas perdu, malgré tout car le fruit de cette quête désespérée du bonheur va être récolté par les générations futures. En somme, voilà un texte traversé de bout à bout par la déconfiture du pouvoir politique, seule grande cause du grand mal du siècle.

 Ce texte, quoiqu’il cherchât à dénoncer le pouvoir politique, ne parvient finalement à lui opposer qu’un non pouvoir choisir la moindre voie de salut. La seule résolution prise - encore en est-elle vraiment une - est la fuite. Octave s’en va sans qu’il nous soit donné de savoir exactement sa destination.

 Alors, l’inscrire ici pour parler du politique c’est contrebalancer les autres interprétations positives[13] du sujet romantique en prise avec les aléas du pouvoir politique. 

 

 

IV- Maupassant, Bel-Ami (1885)

L’argent est sans doute le premier interlocuteur majeur par quoi débute Bel-Ami. Pour être plus précis, nous dirons que le manque d’argent va en suggérer justement, comme par défaut, la possibilité qu’il y en eut. Puis vint un désir d’amour, aussitôt, comme le pendant, comme le plus sûr moyen d’y parvenir. Georges Duroy récemment démobilisé de l’armée veut une rencontre amoureuse. Le lien est trouvé. Rencontrer une femme si possible richement dotée pour que le passage de la misère et de l’anonymat à la richesse et à la gloire fût possible. Si une bonne partie de l’ascension sociale d’un Julien Sorel s’est exercée d’abord en province[14], au contraire ce jeune normand désargenté va conquérir Paris. L’un a travaillé à la sueur de son front[15] pour forger une certaine estime de soi qui consiste en une obstination farouche à vouloir se hisser au niveau de cette aristocratie et bourgeoisie parisiennes qui semblaient d’apparence inatteignables. Bref, quand le premier veut bâtir son monument pierre par pierre, le deuxième veut faire sauter la banque, ici et maintenant. Sans nul doute que les conditions historiques ne sont guère les mêmes : Mathilde de la Mole n’est pas Madame Forestier. Quand l’une veut tirer Julien Sorel vers les hautes sphères où la hauteur d’âme est le plus célébrée, l’autre cheville et menotte Georges Duroy dans les basses intrigues poilitico-financières dignes des courtiers en bourse. Ceci est le décor planté visiblement par Maupassant. Il est non moins visible, pour ce qui nous occupe ici, ce travail en profondeur sur la cupidité, la manœuvre politique[16]et l’opportunisme qui annoncent l’époque moderne. En effet, littéralement pour réussir en cette fin de siècle, il semble qu’il faille avoir beaucoup d’argent. L’argent est l’anti-chambre du pouvoir politique. La dernière scène de Bel-Ami n’est-elle pas celle-là même ou ce héros, caracolant au-dessus de la foule au sortir de l’église où il venait de célébrer son riche mariage avec une grande banque parisienne[17], dirige son regard vers le palais Bourbon où l’attend sa prochaine députation ?

Mais Georges Duroy fut soldat de la colonisation française en Algérie. Voilà un autre des biais par lesquels Maupassant entre dans le récit des intrigues amoureuses de son héros. Georges Duroy paraît sans foi et on le soupçonnerait d’être plutôt raciste et mauvais bougre. Ses aventures coloniales algériennes par le truchement desquelles il devait entrer dans le journalisme en racontant l’exotisme oriental n’ont jamais vraiment été menées à leur terme. Or, Maupassant nous fait suffisamment entendre d’une part les exactions commises par l’armée française dans ce pays et surtout l’hypocrisie politique qui discrédite complètement les thèses civilisationnelles pour lesquelles la France devait justifier son maintien en Afrique du nord ou ailleurs[18]. Mais s’il fait raconter à Duroy assez brièvement sa méchanceté à l’égard des sujets algériens, il ne le juge pas d’étoffe assez solide pour lui faire endosser la responsabilité des retombées du colonialisme. Pour cela, il a mieux, il imagine une grosse opération financière occulte, sorte d’OPA[19] avant l’heure pour que de riches industriels mettent main basse sur le royaume du Maroc[20]. Là, ce n’est plus le point de vue du jeune soldat qui compte mais celui du général que représente le pouvoir central parisien. 

 

 

V- En guise de conclusion

 Compte tenu du cadre même de ce travail, il ne m’a pas été possible d’aller plus avant et parler ainsi plus résolument d’autres textes majeurs en rapport avec le sujet abordé : La peau de chagrin (Balzac), la mort du loup (Vighy), Adolphe (Constant), plus tardivement, Les fleurs du mal (Baudelaire) en sont les exemples les plus significatifs. Mon choix était de tracer une ligne transversale qui parte de la genèse politique du 19e avec des textes comme ceux de Chateaubriand et la pensée des Lumières, en passant par ce noyau essentiel que constitue Waterloo et Napoléon car c’est à mon sens là où véritablement s’exercent les lignes de fuite, d’achoppement de cette fameuse révolution constamment remise sur l’ouvrage. Des romans du jeune provincial récemment arrivé à Paris avec des désirs de conquêtes et de promotion sociale par le facilitateur que sont femmes, j’ai décidé de garder arbitrairement Bel-Ami bien qu’on entre déjà dans la troisième république et dans l’époque moderne. Avec le naturalisme de Maupassant, j’essaie ainsi, dois-je l’avouer, de me dédouaner sur ce presque autre chose de Baudelaire qui n’est peut-être pas encore le symbolisme mais qui est déjà sur la porte de sortie du Romantisme. Établir un lieu entre Baudelaire et la politique n’est pas chose aisée tant le travail du poète fonctionne chez lui comme un tenseur de la langue et des sonorités. Il y a bien les tableaux parisiens qui semblent dresser le constat amer du Paris d’avant opposé au Paris de maintenant, entendons celui de Baudelaire des années 1860 mais il eût fallu sans doute plus de place pour cela.

D’un mot, je dirais que la question de l’inscription du héros romantique dans la politique est presque toujours abordée par les auteurs étudiés ici ou ailleurs dans une perspective à la fois synchronique et diachronique, pour employer des termes techniques. En effet, le sujet romantique se pose comme une sorte de témoin nostalgique d’un état ancien - magnifié dans son imaginaire - comparé à un état présent, pathétique et misérable. Ceci nous a amené à prendre le mot « événements contemporains » dans un sens nécessairement élargie à cette quête et qui en même temps, on l’a vu notamment chez Sand ou Hugo ou à une moindre échelle Musset, a pour ambition de parler de l’avenir.

 


[1] Quoique présentant quelques légères différences, ces deux auteurs incarnaient un courant de pensée philosophique (Edmond Burke en est le représentant anglais) qui pourrait être considéré comme traditionaliste en ce qu’il a prôné assez vite après 1789, d’une part la nécessité d’une contestation contre-révolutionnaire [leur rejet des thèses rousseauistes est catégorique accusant celui-ci et les Lumières plus globalement d’abstraction et d’être de piètres raisonneurs sur l’idée hypothétique de l’homme comme entité abstraite, qui n’existerait évidemment pas selon Joseph de Maistre], et d’autre part, la restauration de la monarchie de droit divin. Seul le roi, intercesseur entre dieu et les mortels, pourrait laver cet affront fait à dieu. La révolution ne serait alors, à leurs yeux, qu’un signe du châtiment providentiel duquel il faut exclure toute intervention humaine, naturellement surtout celle qui viendrait de la philosophie des Lumières et de la République.

[2] Il est à noter également, la propension de l’adolescent Chateaubriand à la rêverie, à la solitude voire même ses envies de suicide contrecarrées justement par cet appel à la foi religieuse la plus fervente. Il faillit à son époque de Combourg se laisser tenter par le couvent.

[3] Si l’on incluait la fin de la composition des Natchez qui se situe vers 1827, il y a à noter que déjà pas mal de remous politiques ont secoué la France.

[4] Sans doute la peinture de la propre sœur de l’auteur Lucie avec laquelle il fut très lié.

[5] Se référer à ce sujet à la cinquième promenade où Rousseau semble si heureux au milieu de sa botanique [qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler les descriptions naturalistes des paysages dans Atala ] mais qui finit par un cruel retour à la réalité de la société des hommes.

[6] Ce vieux Patience est une sorte de philosophe rustique qui refusa de vivre au milieu de ses semblables préférant une retraite au milieu des bois.

[7] Rappelons que les Misérables commencent par une date, celle précisément de 1815. Hugo fait coïncider ainsi l’avènement de Waterloo (18 juin 1815) avec l’histoire qu’il se propose de raconter.

[8] Jean Valjean nous est familier à ce moment-là. Il nous est devenu attachant et sa lutte contre l’injustice nous semble juste. Toute son histoire est un formidable camouflet pour les régimes successivement monarchique et impérial.

[9] Il faut dire que Hugo a commencé l’écriture des Misérables  en 1845 (donc avant 1848) et que l’insurrection de 1832 a vu Gavroche mourir dans les « barricades ».

[10]Chateaubriand, qu’il considère comme un maître “Chateaubriand ou rien” [phrase célèbre du jeune Hugo] s’en est ému pour la France même dans son propre exil où Napoléon n’est pas le moins responsable.

[11] Hugo écrivit à la fin des années 20, un violent réquisitoire contre la peine capitale et qui s’intitule : Le dernier jour d’un condamné.

[12]Musset a environ 26 ans quand il écrit sa Confession ce roman alors qu’Hugo des Misérables en avait déjà 60. Et surtout, les événements de Waterloo sont beaucoup plus récents pour le premier qu’ils ne le sont pour le second.

[13] Par positives je fais référence au fait que malgré tout j’en suis arrivé presque par hasard à une lecture de ces textes dans laquelle le sujet romantique est plutôt un battant dans le sens où s’exerce en lui tout un bouillonnement symptomatique.

[14] Julien Sorel a véritablement fait toutes ses classes, recevant pour ainsi dire la dichotomie riche/pauvre de plein fouet.

[15]Julien Sorel s’est plus ou moins aidé de Mme de Rénal mais l’a cependant véritablement aimée ; tout au contraire de George Duroy qui n’eut que mépris pour les nombreuses femmes dont il s’est servi pour accéder au pouvoir.

[16] Dans le langage d’aujourd’hui, on dira « délits d’initiés », « fausses factures » et plus volontiers “magouilles” politico-financières.

[17] Georges Du Roy, anobli, venait de se marier avec la fille d’un riche financier parisien après avoir divorcé de Mme Forester qui voulut le doubler dans une spéculation financière.

[18] Rappelons que Maupassant a effectué plusieurs séjours en Algérie pour le compte de journaux parisiens tells que Gil Blas (qui d’ailleurs le premier diffusa Bel-Ami en feuilleton) ou encore Le Gaulois.

[19] Offre Publique d’Achat

[20] C’était en réalité l’affaire de la Tunisie dans les années 1868. Le Bey de Tunis contracta une dette d’une banque française qu’il ne put honorer. S’en est suivi toute une série d’interventions politico-financières via une commission mixte qui conduisit dans les années 1881 à l’intervention militaire française pure et simple et à la pacification de la Tunisie. Des terres des environs de Sousse ont été achetées à vil prix, juste avant l’intervention armée où elles ne valaient pas grand’chose compte tenu de la menace qui pèse, pour être revendues après cette pacification au prix du double. Des politiciens et financiers de la place parisienne (le ministre Laroche-Michel dans le récit est impliqué ainsi que Walter le banquier) sont impliqués dans cette affaire de spéculation financière à ramifications internationales.

 

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