LE PROBLÈME
Tu as compris la forme et le fond du problème,
ce qui, théoriquement, devrait suffire pour le résoudre.
Mais le problème s’enracine en toi-même,
te désoriente, tisse de sinueux
labyrinthes qui t’égarent,
te lance d’extravagants syllogismes,
de délirants et sinistres vertiges,
de parfaites et insaisissables constructions,
des vendettas de la logique appliquées
avec rage à chacun de tes neurones.
Le problème s’aggrave, dure,
s’enkyste en dilemmes hypnotiques,
dans tes yeux, tes lèvres, tes oreilles,
manipule ta lucidité à coup de pièges
spatiaux, de géométries impossibles
qui s’ouvrent sur des fenêtres répétées
derrière d’autres fenêtres condamnées
à empêcher, effacer, obstruer.
A la racine du problème, il y a un orgueil,
un implacable mépris de tout,
comme s’il était inutile de décider,
d’avancer et de traverser tant de fourrés,
de trancher net le noeud.
Or le problème se connaît lui-même,
Il se sait adversaire puissant et cruel,
il a une armée qui surveille le vestibule
par lequel pourrait entrer la solution.
Contre le problème, il faut un antidote ;
non pas une simple potion de secours
mais tout un chaudron de mandragores,
des traités chinois sur l’art de la guerre,
des catapultes de feu, des kamikazes,
des Matahari rouées, des champignons
hallucinogènes, des conjurations,
des bandes d’oiseaux de proie et des cauchemars.
Si rien de cela ne donne de résultat, le problème
grandira comme un saule incalculable
jusqu’à atteindre la hauteur de la nuit,
son infâme condition d’arbre parfait.
Touchant alors de ses branches les nuages,
Il plongera ses racines dans ton astuce,
regardera vers le bas, vers l’abîme
où tout se perd avec une méthode
et de ta ruine il fera la solution.
EL PROBLEMA
Entiendes la forma y el fondo del problema.
Teóricamente, eso bastaría
para resolverlo. Pero el problema
se arraiga en ti, te desorienta, urde
sinuosos laberintos que te pierden,
te arroja pegajosos silogismos,
vértigos delirantes y siniestros,
construcciones perfectas, inasibles
vendettas de la lógica aplicadas
con saña en cada una de tus neuronas.
El problema se recrudece, dura,
se va enquistando en hipnóticos dilemas,
en tus ojos, tus labios, tus oídos,
manipula tu lucidez con trampas
espaciales, geometrías imposibles
que se abren a ventanas repetidas
detrás de otras ventanas condenadas
a impedir, a borrar, a ser obstáculos.
La raíz del problema es una soberbia,
un implacable desprecio por todo,
como si fuera inútil decidir,
avanzar y vencer tanta espesura,
cortar el nudo de un tajo certero.
Y es que el problema se conoce a sí mismo,
se sabe poderoso y cruel adversario
y tiene un ejército vigilando el zaguán
por el que podría entrar la solución.
Contra el problema es preciso un antídoto ;
pero no una simple pócima de botiquín,
sino todo un caldero de mandrágoras,
tratados chinos sobre la guerra,
catapultas de fuego, terroristas
suicidas, intrigantes Mataharis,
hongos alucinógenos, conjuros,
parvadas de aves de rapiña y pesadillas.
Si eso no da resultado, el problema
crecerá como un sauce incalculable
hasta alcanzar la altura de la noche,
su infame condición de árbol perfecto.
Y tocando las nubes con sus ramas,
hundirá sus raíces en tu cráneo,
mirará hacia abajo, hacia el abismo,
donde todo se pierde con un método preciso
y entre tus ruinas hallará la solución.
Traduit par Frédéric Illouz