Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
La gratte
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 6 juillet 2014.

oOo

1

 

On part de la caisse on branle au manche

On ne joue plus que de souvenir

Rues terrasses Parvis le dimanche

On aura plus le rythme à tenir

 

Cours gares promenades ponts places

Rien rien presque rien dans le chapeau

Va va vaurien téter ta wallace

Le diantre se charge de ta peau

 

On en a dépiauté des partoches

De chic démêlé des écheveaux

Que de mémoire dans mes patoches

Plus que dans mon tenace cerveau

 

Je tourmente tes vieilles chevilles

Je roule au Byrrh plus que de raison

Je plaque des accords et des filles

Quand serai-je au bout de ma saison

 

Réveillons les pots de marjolaine

Et les mauvais coucheurs du quartier

N’en jetez plus les cours en sont pleines

Que prenions-nous à cœur le métier

 

Tu me l’auras fanée ta rosace

J’y suis accroc le jour et la nuit

Comme un gueux gueusant de sa besace

De sa négresse de chasse-ennui

 

Toutes mes chansons sont dans tes cordes

Dans la corne de mon médiator

J’en pince pour tes miséricordes

Je n’ai plus de travers plus de torts

 

On n’est pas du genre à chanter pouilles

A ces saints qui suent dans le harnois

Qui font deux morceaux d’une dépouille

Qui gueulent mais que personne n’oit

 

On se bricole des casse-tête

Pour faire nargue aux signes du temps

Et l’on s’enrôle dans des quintettes

Pour étouffer nos emportements

 

On tisse en vrac de la ritournelle

De la rengaine pour les badauds

Pour celles qui pimpent des prunelles

On tourne et retourne des rondeaux

 

Ma douce guimbarde ma turlure

Ma guiterne pour des revenants

On a encore une belle allure

Même avec nos refrains malsonnants

 

J’oublie les soupirs de mes sandales

J’ai de quoi me payer un canon

De Saint-Emilion un casse-dalle

A la mortadelle ou au banon.

 

Je me rappelle ô ma pauvre mère

Ton anchoïade ton aïoli

Ta confiture d’orange amère

Ton flacon d’huile de néroli

 

 

Turlure : tout instrument de musique des chanteurs nomades et des mendiants.

 

 

2

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Toutes les occasions que l’on rate

Nous les croyons bonnes forcément

On tourne et retourne nos tourments

Nous n’avons que des mauvais moments

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Je me foule et défoule la rate

Redresseur de torts jusqu’au trognon

Je donne des bourrades des gnons

Je n’ai pas les poings sur les rognons

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Je lanterne les aristocrates

Les banquiers les juges les malfrats

Et tous ces factotums d’apparat

Sous des Ah ça ira ça ira

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Sur une terre basse et ingrate

Je peine sur des chemins ronceux

Je sais que je ne suis pas de ceux

Qui sont certes des plus malchanceux

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Je bois dans le guindal de Socrate

J’y lis les pensées de son démon

J’en effeuille au bas du double Mont

Au lupanar au stade au sermon

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Ma sœur s’occupe de la baratte

Mène l’âne au moulin chauffe un four

Moi je sue de l’encre aux carrefours

Au Lapin Agile au Grand Véfour

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Ma nourrice est une vieille rate

Qui cherche des trous où se cacher

Elle n’aura vu que son clocher

Et parlé qu’à des cœurs de rocher

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Dans mes ballades que de pirates

Que de poètes de cabinet

Que de bons faiseurs de moulinets

En branle dès le patron-minet

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Lorsque je me prends pour Erostrate

Que je brandis mon flambeau de poing

Je dis à ce monde mal-en-point

Ses vérités à brûle-pourpoint

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Les jours sans je carbure au picrate

Et je ne crois plus ce que je vois

Les jours avec je tette un pivois

Si gouleyant qu’il enjoue ma voix

 

Ma gratte ma gratte ma gratte

Je passe le Pactole l’Euphraste

La Seine le Styx le Rubicon

Je me grimpe au haut de l’Hélicon

Sans trop m’éloigner de mon cocon

 

 

3

 

Je te porte comme une croix

Pour ainsi dire je golgothe

Sur les escaliers montmartrois

 

Je vais de gargote en gargote

J’y bois bourru j’y baffre froid

Je m’y ravi m’y ravigote

 

Nous étions deux nous sommes trois

Nous et ma muse parigote

Dans une mansarde à l’étroit

 

Chapeau à claque et redingote

Ois ois ma vieille guitare ois

Les bouts-rimés que je gringotte

 

Et cette herbe noire qui croît

A Saint-Ger où ma gueuse argote

En attendant d’autres charrois

 

Avec ces chants que l’on fagote

Nous sommes bien de notre endroit

D’un pays qui toujours ergote

 

Que la fève me fasse roi

De cette faune qui mégote

Sur le fantasque et sur l’arroi

 

On nous muselle on nous ligote

On passe des caps des détroits

Et voilà que l’on mendigote

 

Tous les diables sont aux beffrois

Les places et les ponts ragotent

Les cloches s’envolent d’effroi

 

Ma guiterne la rue tangote

Je me suis levé du pied droit

Que veux-tu que je te dégote

 

 

4

 

Ne jouons plus ma turlurette

Ne jouons plus que pour les rats

Que pour les rats landerirète

Que pour les rats landerira

 

Les petits rats ma turlurette

Les petits rats de l’Opéra

De l’Opéra landerirette

De l’Opéra landerira

 

Les rats des champs ma turlurette

Les rats des champs maigres ni gras

Maigres ni gras landerirette

Maigres ni gras landerira

 

Les rats d’égout ma turlurette

Les rats d’égout dans l’embarras

Dans l’embarras landerirette

Dans l’embarras landerira

 

Les rats crevés ma turlurette

Les rats crevés de nos fatras

De nos fatras landerirette

De nos fatras landerira

 

Les rataplan ma turlurette

Les rataplan les fla les ra

les fla les ra landerirette

les fla les ra landerira

 

Nous serinons ma turlurette

Nous serinons nos Ça ira

Nos Ça ira landerirette

Nos Ça ira landerira

 

Nous nous fourrons ma turlurette

Nous nous fourrons dans de beaux draps

Dans de beaux draps landerirète

Dans de beaux draps landerira

 

Que l’on soit sot ma turlurette

Que l’on soit sot à cent carats

A cent carats landerirette

A cent carats landerira

 

Bonne pâte ma turlurette

Bonne pâte ou sale malfrat

Sale malfrat landerirette

Sale malfrat landerira

 

On a tous des ma turlurette

On a tous des Hip ! Hip ! Hourra !

Hip ! Hip ! Hourra ! landerirette

Hip ! Hip ! Hourra ! landerira

 

Des Monsieur gros ma turlurette

Des Monsieur gros comme le bras

Comme le bras landerirette

Comme le bras landerira

 

J’ai dans mon sac ma turlurette

J’ai dans mon sac un vin d’extra

Un vin d’extra landerirette

Un vin d’extra landerira

 

A la ronde ma turlurette

A la ronde qui en aura

Qui en aura landerirette

Qui en aura landerira

 

Nos madrigaux ma turlurette

Nos madrigaux qui les ira

Qui les ira landerirette

Qui les ira landerira

 

Chanter à Lyon ma turlurette

Chanter à Lyon à Carpentras

A Carpentras landerirette

A Carpentras landerira

 

A Lille à Niort ma turlurette

A Lille à Niort et caetera

Et caetera landerirette

Et caetera landerira

 

Turlurette : espèce de guitare en usage au quatorzième siècle.

 

Robert VITTON, 2014

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -