A l’abri des silences
Le vent rature
Les silences
Et chasse l’obscurité.
Un morceau de lumière
Grignote les absences.
Les étoiles plient
Sous le poids des siècles,
Elles se coincent
Et s’abiment à l’infini ;
Les gorges se nouent
Aux dernières heures du jour.
…
Le temps reste en suspens
Et enveloppe la pénombre
Où les silences se meurent …
A l’ombre du cerisier
La terre pleure
Le souvenir de tes pas
Que tes semelles ont
Trop souvent foulé.
Le cerisier
Ne fleurit pas,
Il n’est plus là
Depuis tant d’années.
…
Le chapeau de paille
Accroché dans la grange
Se repose à jamais.
A vrai dire
A vrai dire,
Le temps s’essouffle
Au rythme des souvenirs
Qui glissent vers le néant.
Les traces du passé
Ecrasent le poids
Du jour, qui défile
En silence.
Un éboulis de mots
Ecorche nos cervelles
Vides de sens.
Non sens.
…
Le paysage dérive
Devant les yeux.
Le souffle se fait court
Le ciel est toujours bleu,
A jamais.
Aux frontières du réel
Le visage froissé par une nuit
Presque blanche :
Les rêves escaladaient
Des murs invisibles,
Et la lune avait pour emprise
Les étoiles.
Les façades crayeuses
Des habitations
Ressemblaient à des bouts
De polystyrène posés çà et là.
La vie était laiteuse,
A souhait.
Les herbes folles serpentaient la ville
Comme pour regagner
Leur liberté …
Tout était faux, juste un décor.
...
Enfin, c’est ce que je croyais …
« La Vieille »
Elle est ici « La Vieille »
Assise sur ce banc
Là, au fond du parc
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Des pigeons pour seuls amis
Lui font la conversation
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Elle est bien seule
« La Vieille »,
Personne ne pense à elle
« La Vieille ».
Elle pourrait bien
Mourir demain
Qui sera là pour lui tenir
La main ?
Elle est si seule
« La Vieille ».
…
Elle pense et repense
Au bon vieux temps
A l’insouciance, aux fleurs des champs
A son enfance,
Comme hier, comme toujours
Comme demain.
Le soleil s’est éteint
Les pigeons se sont fait la malle
Elle n’est plus là
« La Vieille »,
Elle n’a plus mal …
Le bruit du silence
Dans les bois
A la lune blanche
L’étang se reflète
En un profond miroir.
La plénitude
Semble bien trop lourde …
Des ombres dansent
Entre les feuilles
Et vagabondent sans bruit …
Le silence
Se fait sourd.
La lune blanchit
A l’abri des étoiles
Malhabiles.
A l’orée des bois
Le ciel étourdit
Le silence.
Lettre d’un soldat
Sur un sol nauséabond
Je t’écris ces quelques mots
Je vais bien, ne t’en fais pas
Il me tarde, le repos.
Le soleil toujours se lève
Mais jamais je ne le vois
Le noir habite mes rêves
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Les étoiles ne brillent plus
Elles ont filé au coin d’une rue,
Le vent qui était mon ami
Aujourd’hui, je le maudis.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Le sang coule sur ma joue
Une larme de nous
Il fait si froid sur ce sol
Je suis seul, je décolle.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Mes paupières se font lourdes
Le marchand de sable va passer
Et mes oreilles sont sourdes
Je tire un trait sur le passé.
Mais je vais bien, ne t’en fais pas …
Sur un sol nauséabond
J’ai écrit ces quelques mots
Je sais qu’ils te parviendront
Pour t’annoncer mon repos.
Je suis bien, ne t’en fais pas …
Rafistolage
Le filet de la nuit
Se déchire dans le ciel.
Maille après maille,
Les étoiles le rafistole.
Astre à astre
La lune se reflète
Et s’étire.
Chaque jour
Passe et repasse sans fin.
…
La toile de la nuit
Se noircit, pour n’être
Plus qu’un point,
Plus rien.
…
La nuit effiloche
Ses contours
Qui se raccommodent
Au fil du temps.
Sandrine DAVIN