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Goruriennes (Patrick Cintas)
C’est têtu, les choses...

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 Article publié le 18 mars 2013.

oOo

Il avait envie d’me frapper au visage comme si je lui ressemblais.

*

Je réfléchissais pas vraiment. C’est douloureux et j’ai pas l’habitude. Je suis un adepte des solutions toutes faites. J’avais résolu le paradoxe de la figue dans mon enfance. Mais c’était bien le seul.

— De la figue ?

— Une figue joue avec un âne. La figue mange l’âne.

— Ah ! Ouais ?

— Parce que l’âne, c’est toi ! On peut faire la même chose avec une pomme et un cochon. À un détail près.

— … ?

— Le cochon, c’est moi !

*

Une réponse, une question. Ça changera pas le Monde, mais ça soulage.

*

J’arrivais au bout d’un effort, je mesurais mon impuissance à changer les faits, je n’avais rien à donner en échange d’un mensonge pieux. Il y avait trop de Réalité dans le champ du possible.

*

Je pouvais dire n’importe quoi pourvu que rien ne transparût de cette vérité ordinaire où le cul est la seule explication valable. « Ils » ont vite fait de tracer le graphe des relations et de vous impliquer dans la résolution de l’énigme. Quelquefois, « ils » vous font croire que vous avez de l’importance et que vous finirez par comprendre aussi bien qu’eux. « Ils » vous à-coq-pinent. Vous ressentez le soulagement recherché depuis toujours. Ça remonte à l’enfance. C’était déjà très compliqué. C’était souvent trop clair. Le Monde ne construisait pas avec des fragments, mais avec des essais. Plus rien ne pouvait changer. Et ça ne se compliquerait pas non plus. Ça deviendrait même plus facile à dire, avec le temps qui n’est pas du temps, mais de l’attente.

*

J’avais le choix, bien sûr. Mais si je m’exprimais, on me démontrerait comment et pourquoi je choisissais mal. En pleine maturité mentale, je subissais la pression cognitive qu’on applique à l’enfant pour lui faire croire que l’adolescence existe et qu’il va tirer profit de cette longue initiation pour devenir un individu et un citoyen. « Ils » recommençaient.

*

Y avait tellement de gosses illégitimes, dans cette Nouvelle Société de l’Homme Libre, qu’on s’en débarrassait quand ils posaient le problème de la filiation biologique. « Ils » faisaient deux lots : ceux dont le père était un minable étaient expédiés dans une Station Intermédiaire où on leur trouvait du boulot ; ils mouraient de maladies tellement courtes que des fois on se posait la question de l’assassinat ; d’où la présence du plus fin limier de la Police Nationale sur les lieux : Frank Chercos : : les autres avaient un père impliqué par filiation légitime dans les affaires du Monde ; ces gosses ne pouvaient exister ; on les expédiait avec un couple chargé de les éduquer jusqu’à ce qu’ils soient capables d’en faire autant ; personne ne revenait ; Fabrice et Constance de Vermort avaient été condamnés à la Peine d’Infini* et la sœur de Frankie figurait sur la liste de leur Voyage. Voilà toute mon histoire.

* Lire Dix mille milliards de cités pour rien – Editions Le chasseur abstrait.

*

…les canapés. Il y avait toujours un raisin sec au milieu. Je l’écartais avec le bout de mes dents et il fallait qu’il chût quelque part sous la table où les chats se le disputaient. On mangeait en rond. La table aussi était ronde. J’étais rond en principe. Onn’arrêtait pas de tourner.

*

Un ennemi est aussi un partenaire… C’est pas une partie d’échec avec des blancs et des noirs. Ce que tu gagnes, c’est dans l’action. Au passage ! Tu peux pas espérer vaincre l’inventeur de ce jeu, Gor Ur lui-même.

*

— Vous savez, les paranoïas dépressives, c’est pas bien grave. On vit très bien avec. Prenons un exemple, si vous le voulez bien…

— On peut poser des questions avant ?

*

Je me souvenais de ce lieu d’expérimentation. Un gros livre relié de cuir noir et usé s’ouvrait toujours à la même page. J’étais l’enfant qu’on retrouvait dans toutes les illustrations. Ça avait un charme fou, ces gravures au burin.

*

On se regardait ensemble dans le miroir pour comparer les différences. Tous les êtres humains devraient se livrer à cet exercice de la symétrie. Me dites pas que vous n’avez pas un ami qui accepterait volontiers la comparaison.

*

Il n’arrive rien tant qu’on ne vous expédie pas ad patres ou ad infinito. Ça n’expliquait pas pourquoi on me permettait de choisir à mon aise. On pouvait seulement voir comment. Et c’était le paradis, mec !

*

Il avait des dents en or. Il les garderait pas longtemps, même s’il en avait besoin.

*

J’allais nulle part et partout, comme un Dieu à qui on n’a pas demandé s’il a pas plutôt envie de mourir sur la Croix.

*

Ça fleurait le croissant chaud et le crème. Illusions Intermédiaires, je sais. Les fameuses ii. Iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

*

J’étais mouillé. C’est comme c’est qu’il rouillait, mon Métal. Des fois, on me met un tuyau dedans et j’fais plus attention.

*

Moi, l’homme seul, sans femme à ses côtés, l’homme du regard louche et des pratiques secrètes. Combiende temps avant de commettre l’irréparable ?

*

Tire sur la ficelle et le miroir tournoiera. Elles tombaient du ciel dans le silence qui précède le cri.

*

On regarde pas longtemps le vide. On le peuple pour ne pas épouser ses formes.

*

Le temps ne fait pas partie des perceptions humaines, Frank. Le temps est créé par l’esprit. Le temps n’a pas plus de Réalité que tous les autres concepts explicatifs que rien ne fonde intelligemment. Il n’y a plus de temps quand il n’en est plus question. Ou alors une fraction de cette seconde dont l’esprit veut conserver l’imaginaire symbolique. Fraction née du plus grand dénominateur commun. Il faut diviser Frank et non pas le multiplier.

*

Voilà à quoi on consacre une bonne partie de notre enfance : à se remplir les poches d’échantillons prélevés sur des momies d’autres victimes de l’Homme et de son ambition démesurée. L’Homme qui cède la place à la Nation et la Nation qui combat les autres nations dans un progrès que rien ne semble assez convaincant pour arrêter le massacre systématique entrepris par les Blancs au détriment des autres races qu’on nourrit d’illusions démographiques et spirituelles. Civilisations des pauvres, vous êtes mortelles. Vous combattez pour rien. Vos riches sont Blancs !

*

Il y a pire que la dissociation par affinité. C’est une espèce de recomposition de l’être initial avec les moyens du bord.

*

Une espèce de bonheur amusé remplaçait les apothéoses de mon enfance. Je n’éprouvais aucune fatigue. Aucun signe d’asthénie ni de phobophobie. J’injectaisles liquides à l’heure prévue. Ça s’emballait pas.

*

Je vivais LA minute d’une exploration qui devait à terme nous expédier dans l’Infini sans les moyens d’y repérer les points d’ancrage de notre destin commun.

*

Je guettais la fissure, la trace du joint. Il y avait une limite. L’architecture trahissait une différence, mais comment, par quelle apparence qui échappait à mes observations fébriles ?

*

Comment interroger ces grimaces de la mort ? Si je revenais, ce serait en momie. J’étais la momie supplémentaire. Ce qui expliquait l’état satisfaisant de la conservation et le nombre croissant des momies.

*

Scientifiquement. J’analysais les échantillons. Je croisais les données. J’ycroyais, les mecs !

*

Mais j’avais pas compris à temps que c’était ma condamnation. Je m’étais fait des illusions. Tant qu’on est pas lié au poteau, on n’y croit pas. Maintenant j’y croyais. Et je devenais rapidement une momie. J’allais revenir en momie et je repartirais avec des types destinés à la conservation. Ça pouvait pas s’arrêter ! […] C’est ce qu’on appelle le paradoxe de la momie. Ça s’arrête jamais, même si les conditions sont réunies pour que ça s’arrête.

*

C’est pas parce qu’on choisit qu’on change les choses. C’est têtu, les choses. On croit les reconnaître et on s’aperçoit trop tard qu’elles appartiennent aussi à quelqu’un d’autre.

 

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