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Rythme et silence (5)
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 Article publié le 4 mars 2013.

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Au début il semble que le fils réponde à l'interpellation du blanc. Le blanc se comporte vis-à-vis du fils comme un buvard assoiffé de lui, tandis que le fils, à force de répondre au blanc, entre en état de dépendance. Il attend son appel pour étancher son désir. C'est l'amour fou entre le blanc et le fils.

Qui derrière pousse à une telle attraction réciproque ? Le vide du support des futures "Laisses de vie du dire" ? Il y a probablement de cette énergie du vide pour que puissent s'organiser des couplets dans l'espace blanc. Une force mystérieuse attirerait-elle des caractères sur un ruban adhésif transparent qui viendrait se coller sur le vide ?

Les couplets pleuvent, tel s'écoule du sable dans un sablier.

Le fils vit alors une forme d'attente amoureuse. Il regarde la clepsydre, le cadran solaire. Il serait suspendu au temps qui passe :

Avec le vide le temps intervient.

Peut-être est-il la projection dans l'espace d'une figure géométrique, celle de la constellation du « Grand métronome » ?

Peut-être, très loin, le fils s'est-il trouvé en rapport avec une partition musicale, quelque part dans les dédales antérieurs de sa conception par la lumière et le silence.

Alors, tout n'est qu'absence, étendue d'une rare pureté, si rare qu'elle rappelle, dans le bleu froid, le cri d'un oiseau de cristal dont l'éclat, lumineux et sonore, est d'une telle dureté qu'il serait capable de soutenir, d'arc-bouter l'espace.

Peur-être le fils, lors de sa conception, dans la contemplation qui précède la vue, regarde-t-il cette scène de l'incréé. Il se sent transporté face au jour, – celui que peut rechercher dans l'angle de sa fenêtre une modeste couturière, seulement parce qu'elle en a besoin pour bâtir son ouvrage – un rai du dehors s'insinue par ce jour, qui éclaire plus haut, en face, un feuillet musical sur un pupitre. Le parchemin l'attire. Le fils fasciné s'approche. Il s'approche et un témoin, qui regarde aussi la partition, le remarque. Sans doute le témoin fixe-t-il la partition depuis déjà longtemps avant lui.

 

 

 

Sa concentration est telle que le fils à son tour éprouve une attraction pour ce spectacle inédit des noirs et des blancs sur la page. Ainsi le fils entre-t-il directement, sans rien connaître de ses règles, dans ce jeu étrange des noirs avec les blancs.

Le blanc est si omnipotent.

Il a même le pouvoir de permettre à des blancs d'exister : ceux de ce blanc à remplir, que viendront ponctuer des blancs entre les mots.

Sa puissance attractive pourrait tenir d'une énergie blanche ? en être une manifestation  ? Elle aspire, pour l'évacuer, toute manifestation, vers un point de siphonnage, une bonde qui absorberait tout quelque part dans le cosmos.

Cette énergie serait tourbillonnaire, tel un œil dont le diaphragme se rétracte et avale en son centre toute image.

Cette énergie blanche aurait le pourvoir de faire tout revenir à un palimpseste, obligeant ainsi à écrire en permanence, comme si une fois la page écrite, un écran blanc se substituait à elle, passage obligée par une vacuité suggérant de recommencer l'exercice.

La page blanche se dévoile, montre sa vraie nature, ses intentions les plus secrètes.

Puis elle reprend sa face blanche apparente, celle où le poète s'engage dans l'ignorance de sa face cachée.

Le fils se sent appartenir au temps, il ne peut s'en abstraire. Le temps l'entoure comme l'atmosphère enveloppe la terre. Le fils est embarqué dans le ballon dirigeable du temps, la toile du ballon s'étire plus ou moins, se déforme tout comme le langage distend aussi à discrétion la toile du récit.

Il a conscience que le temps omniprésent fait partie de la trame du récit quelle que soit la forme que le récit emprunte et quel que soit le niveau de temps mis en jeu.

 

Le fils entend le tic tac, le battement du pendule, le goutte à goutte du temps.

Ce temps-là le talonne, manifeste sa présence a chaque détour de la phrase.

Il est un personnage du récit à part entière, un maître despotique.

Voilà le fils devenu un laboureur qui trace patiemment les sillons du temps dans le récit. Il passe, il repasse et les vers des « laisses de vie du dire » s'inscrivent.

 

Le fils est pris dans le balancement de ce train de fer. Il est sous l'emprise de ce despote qui va et qui revient tel un geôlier devant les cellules noires des mots. Le fils autoritairement bercé par ses allers et retours finit par baisser sa garde. Dans ce carcan du temps qui se balance il va enfin s'assoupir, se mettre à rêver, et à ressentir un autre temps, auquel il ne résiste plus dans sa toile gonflée de ballon dirigeable plein d'air, plein du vent qui va où il veut avec son pochon de graines prêtes à prendre leur envol.

 

Ailleurs aussi, « Les laisses de vie du dire » se succèdent sous l'effet « berceuse » du Grand balancier au cœur de la constellation du Grand métronome très loin au-dessus du fils.

Là-haut, le temps du Grand métronome, comme s'il jouait sur deux tableaux, paraît être aussi en rapport avec des nombreux paramètres dans le cosmos, où il semble, à distance, baigner par télépathie, et où semble s'intriquer sa métrique, si bien que, apparemment, ce temps du Grand métronome serait une Loi mais qui présente la particularité de changer sa forme selon qu'elle paraît s'éloigner du cosmos ou au contraire s'en rapprocher.

On pourrait l'exprimer autrement, en disant que ce temps serait à la fois dans la constellation du Grand métronome la Loi, et dans le cosmos une simili branche collatérale autant que descendante de cette Loi ascendante. Il y a là une souplesse de la Loi dont on dira qu'elle engendre, de façon contradictoire ou illogique en apparence, un autre temps qui a une variabilité tout comme le temps dans le récit que le fils entreprend.

On pourrait l'exprimer autrement encore en tentant de résumer les deux expressions précédentes et de s'essayer à une synthèse : cette Loi du Grand métronome semble, passé un certain seuil de rapprochement ou d'éloignement du cosmos, modifier sa propre forme sans pour autant se transformer en tant que Loi du Grand métronome.

Elle demeure partout la Loi du Grand métronome, une Loi qui semble emprunter différents masques

qui pourraient mettre, chacun, en scène un récit.

 

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