Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
D'un temps à l'autre
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 11 février 2013.

oOo

C’est le présent tout entier qui n’est qu’attente d’une présence qui ne vient pas, et c’est cette non-venue qui entretient le charme que l’on accorde au présent, d’où le rapport paradoxal que nous entretenons avec notre passé : quand nous nous y replongeons à l’aide d’un fétiche - une photographie, un objet, un parfum, une odeur - c’est la promesse d’une présence qui revient à la charge, une promesse encore à venir, d’où notre fascination pour certaines époques où il nous semble que quelque chose d’essentiel a été manqué par nous et par l’époque même, que nous l’ayons connue ou non.

Cette nostalgie au sein de laquelle brille l’horizon indéfini de l’avenir, on ne la ressent peut-être jamais aussi fort qu’en musique.

Tandis qu’un livre lu dans l’enthousiasme voici plus de vingt ou trente ans peut très bien nous laisser indifférent à la relecture, une musique qui s’est éloignée revient, elle, toute chargée de sens qu’elle n’avait que laisser entendre à l’époque où nous l’écoutions : d’elle à nous passait un parfum d’époque, un charme devenu suranné - on entend l’époque dans les moyens techniques d’enregistrement, on repère clairement les manies propre à la production musicale d’un temps donné, on entend aussi, en fait, d’autres musiques de la même époque - mais il y a un reste qui, lui, n’appartient pas au passé de notre perception enthousiaste ou amusée, agacée ou savante.

La musique - toutes les musiques - est d’abord l’impossible présence qui frappe l’espace en rythme, déroule le temps à travers tempo et mélodie, l’harmonie alliée au rythme faisant de l’espace musical en construction la doublure éphémère mais ô combien mémorable et marquante de l’espace physique dans laquelle elle s’inscrit, laissant entendre le sens donné, très exactement la correspondance entre l’espace physique et la musique qui émergea dans l’esprit de son créateur : ce faisant, elle fait entendre l’instant évanescent qui ne se répète pas, tout en donnant à entendre, au double sens de ce terme, que le temps revient, retour qui seul permet à un sens en construction de s’instituer.

C’est pour toutes ces raisons qu’une musique évoque toujours un lieu, le lieu de la première émotion qui refuse d’en rester là.

Il faut que le manquement à l’essentiel, pour ainsi dire la faute qui entache notre perception passée - nous avons laissé passer la chance d’une présence - se retourne en manque essentiel : c’est le manque de présence - l’impossible présence du présent dans le présent, c’est-à-dire sa retardation et sa procrastination palliée par la répétition - qui fait exister temps et espace, personne et musique.

Rien de fixe ni de figé, mais le mouvement de l’émotion qui étreint sans contraindre, donne à sentir le flux du temps, la pulsation euphonique et euphorique du présent couronné de succès : nous sommes émus, ici, maintenant, et ce n’est pas fini.

 

Jean-Michel Guyot

22 janvier 2013

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -