Il faut imaginer ce poète — appelons-le poète par esprit de déduction — parfaitement vivant — goûtant à tous les plaisirs peut-être sans compter — connaissant tout de la douleur — celle qu’on partage et celle qui doit demeurer secrète sous peine de réduction de l’enjeu — imaginer ce poète tout entier dévoué au langage — et ne comprenant que lui — ayant hérité de lui — et pensant le donner à sa mort — car ce poète n’imagine rien de durable — il vit son segment et le crée — intervalle de croissance — jouant son rôle comme le boulanger ou le maître d’école. — À lui ne se posent pas les questions de savoir où trouver les moyens de vivre — il les possède par nature — et non pas par privilège — n’importe quel homme pouvant l’interpréter — puisque dans cette optique ce n’est pas le degré d’intelligence qui importe — c’est l’homme — peut-être choisi au hasard — ou selon un rite qui favorise un hasard encore plus grand. — Personne ne le lit — il n’a pas besoin qu’on l’imprime — il ne sert à rien — il est assis le plus souvent — il semble rêvasser — il se nourrit d’attente et d’impatience à la fois — il ne choisit pas son heure — il invente celle des autres — tout se passe comme si aucune explication ne pouvait tout expliquer — qu’expliquer est utile au voyage — pratique pour garantir les résultats des calculs — la matrice cosmique prévoit des rencontres entropiques — incertitudes mises à plat — messages convergents — ce poète n’en est pas un — mais cette appellation finit par avoir du sens. — Ainsi Mescal revoyait sa leçon — il revenait seul — non pas abandonné — mais devenu seul — par habitude — le monde s’infantilisait — il jouait lui aussi — mais seulement avec les autres — jamais avec lui-même — erreur à ne pas commettre quand on est seul — et qu’on le reste. — Il but un verre pour s’embrouiller — fuma pour s’aggraver — ne dormit pas pour connaître la douleur et en parler en connaissance de cause — la nuit passa vite — au matin il était mort — overdose — mais personne ne le savait.