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ROTONDA DE GATOS ILUSTRES I - Raspoutine, chat du monde Chant d'amour à Marilyn Monroe
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 Article publié le 25 juin 2005.

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Prendre à mon chat ses yeux profonds,
vert émeraude,
découvrir dans la nuit l’aura de son âme,
conquérir son corps,
sa peau
et la caresser.

Première nuit.

Le chat se prépare, il lèche son corps et ses moustaches blanches, respire un bon coup et saute sur les toits, c’est un expert pour ouvrir les portes et les fenêtres et pour frotter les allumettes. Fumeur acharné, lecteur infatigable et bohème.

Le ciel de la Havane est étoilé. El Vedado, vieux quartier, et la Rampa avec ses flamboyants en fleurs, c’est son domicile. Cette nuit-là, il traversa discrètement la Nécropolis de Colomb cap sur le café concert du Chat borgne, mais l’ambiance ne lui plut pas ; il alla au centre nocturne El Cortijo, ensuite à La renarde et au Jazz Club Corbeau, au Bowling, à la Macumba Havana, à la Salsa Caliente et au Salon Rose "Benny Moré". Il était impressionné à la fois par la barbe de la sculpture du Cavalier de Paris et par la Ruelle du Jet, où se répandirent les eaux de la Zanja qui dans le passé irriguaient la ville, il s’imaginait qu’à n’importe quel moment l’eau de ce vieil aqueduc lui tomberait dessus ou que le Guïje apparaîtrait, personnage imaginaire qui était un gnome dans les contes anciens.

Il restait encore la moitié de la nuit et il décida de fureter dans la Marée basse, le Parisien, le Salon rouge et la Peau cannelle. Il commençait à faire jour, le soleil tropical de l’île lançait ses premiers rayons sur la Place vieille et il eut encore le temps de jeter un oeil au Guanabo Club, à la Cecilia et à la Copa Room, il adorait écouter la guajira "La Guantanamera", de José Fernández et les boleros et les guarachas [1]. Il finissait toujours par "La petite cave du milieu", qui jouxte la Place de la cathédrale, dans le quartier historique de la ville, où les intellectuels et les artistes se donnaient rendez-vous ; les murs y sont remplis d’écritures, de photographies et d’objets. Ernest Hemingway, qui avait coutume de boire le célèbre cocktail "mojito", adora cet endroit. En en sortant, trois chiens errants le poursuivirent de la rue Saint-George à la Bourse du commerce avec l’intention de l’agresser, l’un était noir et d’aspect horrible, l’autre était un Dalmatien joyeux et le troisième était rouge. Tous avec de bons crocs et des museaux écumants.

Le félin était désespéré, il gonfla son corps, irisa sa queue ; les chiens le cernèrent, le Dalmatien voulait jouer avec lui, les autres lévriers avaient des intentions différentes. Un coup de chance : la clôture d’une maison abandonnée était toute proche, il sauta dans les airs comme une flèche, laissant ses poursuivants interloqués et il disparut comme une fusée bleue par-dessus les toits. Dans son refuge, angoissé, tremblant, il demeura plusieurs heures apeuré ; puis, un sommeil profond pour toute la journée, ivre de rhum jusqu’à l’impiété.

 

Deuxième nuit.

Le chat ne sortit pas, il avait la fièvre et mal au crâne.

 

Troisième nuit et beaucoup d’autres.

Le chat ne sortit pas, il passa son temps à fureter dans les étagères de la maison, pleines de livres ; il alluma un gros cigare et prit plusieurs livres de José Martí pour les lire ; la brise était agréable et fraîche. Un morceau de jambon rance fut tout ce qu’il mangea.

Chez Martí, il aimait passionnément surtout les lettres poétiques, la politique, l’art, la pédagogie et la philosophie ; il le considérait comme un héros, un maître, un Grand. Cette nuit-là, il lut son drame Adultère et sa pièce de théâtre L’amour se paie avec l’amour.

Les nuits précédentes, il avait eu la flême de sortir dans la rue et il avait lu En el teocalli de Cholula et El Niágara ; beau poème, celui-là, gravé sur une plaque du côté canadien des cataractes.

L’ancien maître du chat était mort ; c’était un vieux avec des idées tsaristes, il avait des ongles longs et de mauvaises habitudes. Il avait été directeur de la Bibliothèque nationale de Cuba. Il voyagea en Russie et il ramena dans ses valises un chaton, de race Russe bleu, qu’il appela Raspoutine, il l’avait trouvé seul et abandonné dans le palais de Saint-Pétersbourg.

Quand le responsable du palais remarqua qu’il le mettait discrètement dans sa valise, il lui dit :

- Vous emmenez un bijou, Monsieur, le père de ce petit est le chat gardien du Mausolée de Lénine ; la mère vit encore dans la maison du malveillant Staline.

À la mort du vieux réactionnaire rouspéteur, sa veuve ne trouva aucun intérêt à lui survivre, la maison était grande et solitaire, pleine de silences et d’ombres ; elle avait un regard tourmenté, vivait dans un abandon déplorable, elle était dévote de la Vierge de la Charité, elle entrait rarement dans une église, c’était alors dans celle de Sainte Rita de Casse. Dans l’intimité, elle disait toujours à Raspoutine : Supplice, elle disait que le Russe bleu était son supplice parce qu’il était vagabond et qu’il manquait de respect.

Raspoutine continua de lire des livres sur la vie de Martí et de sa relation avec Victor Hugo à Paris. Il apprit que quand il avait 24 ans, il tomba amoureux de la jeune María García Granados, qu’il immortalisa dans un de ses poèmes, L’enfant du Guatemala ; Il apprit aussi que Martí avait vécu 15 ans à New York, le "monstre résolu et brutal qui nous méprise", comme il disait. Ce qui lui plaisait le plus chez ce poète illuminé, c’était le vers qui disait : "J’ai deux patries, Cuba et la nuit."

Il lut aussi un autre voyageur infatigable, Emilio Gallagas, le poète de Camagüey, qui dit dans son Vent de la lumière de juin :

Emmène-moi où tu veux,
vent de la lumière de juin,
-tourbillon de l’éternel.

Il lut et relut d’autres poètes et écrivains, c’était un chat infatigable quand il s’agissait de littérature et de nuits blanches dans les bars. Après plusieurs jours et plusieurs nuits, il décida de sortir encore dans la rue, il arriva à la Place de la révolution, où tant de fois il avait écouté les discours de Fidel et du Che.

Il reprit ses mauvaise habitudes, hantant les bars et les cabarets, il se promenait tranquillement sur la Bahía, vers la sculpture de Neptune, le Grand théâtre et le Capitole, qui étaient ses endroits favoris. Des mois plus tard, il eut une surprise : un ambassadeur, ami du défunt, qui connaissait les errances de Raspoutine, le demanda en cadeau.

Le Russe bleu n’avait jamais ressenti une émotion comme celle qui enflamma tout son corps au moment de quitter la maison qui était entouré d’herbes folles et de murs blessés. Une dernière fois, il regarda la veuve solitaire du coin de l’oeil et disparut en compagnie du diplomate qui allait quitter l’île sous peu.

Le vapeur quitta la Baie du Massacre, à l’est de La Havanne, cap au Mexique, par une mer tranquille, Raspoutine contempla une dernière fois, dans le lointain, le Château de El Morro et sa sculpture préférée, qui étaient les deux symboles de la Bahía.

Il accostèrent au port de Veracruz, qu’on appelle "la porte de l’Espagne". Le plénipotentiaire s’installa dans la cité des aztèques, prit un mois de repos dans sa luxueuse résidence des Collines de Chapultepec et décida de changer le nom de Raspoutine, qu’il rebaptisa Jacquou en l’honneur du peintre muraliste Diego Rivera dont il possédait une bonne collection de tableaux. Pendant ce mois de tranquillité, Jacquou connut les meilleures demeures mexicaines. La nuit, il montait jusqu’au château de Chapultepec, visitait les salons et voyaient sur les murs les énormes portraits de l’empereur Maximilien de Habsbourg et de son épouse Charlotte, la femme qui devint folle quand le président légitime des Mexicains, Benito Juárez, ordonna l’exécution du prince européen qui avait rêvé gouverner une nation qui n’était pas la sienne.

Voilà dans quelle aventure se trouvait pris l’ancien Raspoutine, maintenant Jacquou, sans préjudice des aventures amoureuses quand l’occasion se présentait, ce qui lui laissa une demi-douzaine d’enfants.

Le diplomate, déjà très fatigué, amena son chat Jacquou chez le vétérinaire et une semaine après il visita le palais présidentiel, accompagné de son Russe bleu aux yeux vert émeraude. Il était sûr de pouvoir entrer dans le palais puisqu’il était ami du président.

Un délicieux déjeuner avec mole mexicain [2], enchiladas [3], chiles en nogada [4], haricots et tequila [5], beaucoup de tequila. Soudain, le président vit le chat en train de boire de la tequila et cela l’intrigua tant qu’il demanda au diplomate de le lui offrir. Comme le président était un ami, l’ambassadeur ne put pas refuser. Et tout de suite il le baptisèrent Pancho Villa qui, dès lors, habita sa nouvelle résidence où il profita pleinement de la vie. Les nuits les plus heureuses étaient celles qu’il passait sur la Place El Tenampa, toujours peuplée de mariachis [6]. Il buvait de la tequila jusqu’à l’aube et écoutait les chansons paysannes et les corridos [7] révolutionnaires. Les gardes présidentiels ne se rendaient compte de rien.

Puis, un peu las de cette agitation nocturne, il décida de s’enfermer quelques mois dans la bibliothèque, et ainsi il put lire, en compagnie de quelques bouteilles de tequila et de fromages fins, les vieux manuscrits colombiens peints à la main par les peuples préhispaniques ; il était étonné de voir comment les indigènes avaient fabriqué leurs livres avec de la fibre végétale du figuier et de l’agave ; avec des peaux tannées de cerfs et de jaguars et des toiles de coton. Ils avaient la forme de paravent ou d’accordéon, une seule feuille pliée à laquelle ils ajoutaient des couvertures de bois doublées de cuir.

Il lut aussi un livre du roi poète Nezahualcóyotl ; le Popol Vuh et le Chilam Balam, chefs-d’oeuvre de la littérature indigène de Méso-Amérique.

La photographie qu’il préférait était enfermée dans une armoire. C’était celle d’un homme au visage extraordinaire, avec des yeux brillants, profonds, et des moustaches finement taillées, un fusil à la main, cartouchières en bandoulière, un ruban présidentiel sur la poitrine et un grand chapeau, c’était Emiliano Zapata.

Pancho Villa s’amusait comme un fou, il était roi et seigneur chat dans son nouveau refuge politique de niveau un ; très curieux, il écoutait les rumeurs et les nouvelles, il apprit la célébration du VIIIe anniversaire de l’assaut de la caserne Moncada, à la Havanne, où le président Dortícos décora Youri Gagarine de l’Ordre de la Playa Girón.

L’ancien Jacquou apprit aussi que le président allait recevoir une visite très importante, celle du président des États-unis d’Amérique. L’Américain arriva en compagnie de son épouse Jacqueline.

Pendant le banquet, le président gringo dit à son collègue mexicain :

- Vous avez une belle montre, monsieur le Président !

Le Mexicain , sans plus de manières, la lui offrit.

Jacqueline, ni maladroite ni paresseuse, dit à l’épouse du président mexicain :

- Quel beau chat vous avez, Eva !

L’épouse du président lui répondit gentiment :

- Il est à vous, c’est un honneur de vous l’offrir, le seul problème c’est qu’il est alcoolo et vagabond nocturne, il a l’air d’un fantôme amoureux.

Les pensées du président gringo volèrent jusqu’au coeur de Marilyn Monroe.

Le chat arriva à la Maison-Blanche à Washington et "en moins de deux" , il s’habitua au whiskey. Entre-temps, pour rendre la visite, le président mexicain vint aux États-unis ; c’était un coureur et il avait bonne réputation de conquérant.

À l’heure du banquet, il regarda fixement Jacqueline et, dans un accès érotique, il dit au président gringo :

- Quelle belle épouse vous avez, monsieur le Président !

Le démocrate saisit au vol l’intention, s’enleva la montre et dit avec ironie et cordialité :

- Je vous rends votre montre, monsieur le Président !

On n’avait jamais vu avec quelle vivacité quelqu’un récupère un objet personnel précieux, les rires des convives ne se firent pas attendre. L’arrogance du mexicain avait été surprenante et risquée. Pendant ce temps, l’épouse du Mexicain demandait à Jacqueline :

- Comment va le Russe cubain ?

- Quel Russe cubain ? demanda la belle gringa.

- Le chat, bien sûr, répondit affectueusement la Méxicaine.

- Oh ! Je ne savais pas qu’il était des Caraïbes ! Voilà qui explique ses chaleurs ! Maintenant, je l’appelle Ari. Il passe son temps dans le fauteuil du président, boit du whiskey et fume de la marihuana, "de la bonne", et la nuit il m’embrasse avec une passion grecque.

Le banquet s’acheva par une agréable harmonie protocolaire.

Ari, comme de coutume, dans le Salon ovale, passait le temps à écouter les enregistrements du Pentagone, de la C.I.A. et du F.B.I. ; invasions de pays, morts en masse et drogues chez les jeunes gringos. Quand les fonctionnaires de ces institutions venaient visiter le président, il les voyaient comme des francs-tireurs adroits, il semblait qu’ils auraient offert l’âme de la nation au diable pour que ce pays devienne le plus puissant du monde.

Une nuit, le président buvait la dernière goutte d’une bouteille de tequila qu’on lui avait offerte, le chat entre les jambes, et il se mit à invoquer les puissances obscures pour pouvoir enter dans la peau du chat et sortir discrètement pour rencontrer son amante mystérieuse, sans que personne n’en soit témoin.

Cette métamorphose lui permettrait de séduire sa star préférée et il en fut ainsi ; Marilyn le reçut dans son alcôve, nue et exotique, le président félin s’apprêtait à la posséder mais soudain il se rendit compte qu’il manquait de virilité, ce fut la pire nuit de sa vie, la plus impuissante, la plus amère, il ne savait pas que le chat aux yeux vert émeraude, le Russe bleu, Ari, avait été châtré par l’ambassadeur qui l’avait emmené chez le vétérinaire au Mexique.

Trois jours avant qu’on assassine le président, le chat du monde, le Russe bleu, mourut d’excès éthylique. La veille de sa mort, tandis que l’automne figeait le paysage et que les feuilles jaunes tombaient des branches des arbres, on remarqua qu’il était triste et solitaire, sa platée était intacte. Il passa une partie de la nuit dans la galerie de portraits des présidents. Son préféré était Abraham Lincoln. Il entra dans une petite bibliothèque, qui était sa favorite, il y avait là des documents comme Le Texas et les autres territoires mexicains conquis ; La tête de Pancho Villa et les analyses de son cerveau, on l’avait volé au tombeau de Parral, Chihuahua, et on l’avait emportée aux États-unis ; Les secrets militaires de la bombe atomique d’Hiroshima et de Nagasaki ; La crise des missiles de Cuba ; La guerre du Viet Nam, et tant d’autres. Il était presque jour et il constata qu’il n’y avait pas beaucoup de bons livres autour de lui.

Le jour se levait dans un ciel gris, encore silencieux, un vent froid soufflait. Il trouvèrent Raspoutine couché sur un livre, jaune et vieux, les yeux ouverts et perdus dans l’infini du temps, il dormait pour toujours, sa tête, encore chaude, posée sur l’oeuvre du poète Walt Whitman : "Feuilles d’herbes", où il lut sans doute, une dernière fois, le "Chant de moi-même" et se souvint de la Symphonie nº 3, Requiem pour Lénine, de Kabalevski, regrettant sa Russie natale. La cirrhose hépatique et la tristesse en avaient fini avec lui.

Ses restes furent inhumés dans le caveau familial du couple présidentiel, en honneur des services amoureux rendus à la nation et à Jacqueline.

Marilyn apprit sa mort et se rendit au cimetière avec une rose blanche sur laquelle elle laissa l’empreinte d’un rouge baiser.

 

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Un gato de mundo llamado Rasputín

Canto de amor a Marilyn Monroe

Tomar de mi gato sus ojos profundos,
verde esmeralda,
descubrir en la noche el aura de su alma,
conquistar su cuerpo,
su piel
y acariciarla.

 

Primera noche.

El gato se prepara lamiéndose los bigotes blancos y parte del cuerpo, toma aliento y salta a los tejados, es experto en abrir puertas y ventanas y en encender fósforos. Fumador empedernido, lector incansable y bohemio.

El cielo de la Habana está estrellado, El Vedado, barrio viejo y la Rampa con sus flamboyanes en flor, son su residencia. Esa noche cruzó sigiloso la Necrópolis de Colón rumbo a Gato Tuerto Café Concert, no le gustó el ambiente ; se fue al centro nocturno El Cortijo, luego a La Zorra y al Cuervo Jazz Club, aLas Bulerías, a la Macumba Habana, a la Salsa Caliente y al Salón Rosado “Benny Moré”. Le impresionaban la barba de la escultura en la calle del Caballero de París y el Callejón del Chorro, por donde derramó la Zanja el agua que surtía en la antigüedad a la ciudad, se imaginaba que en cualquier momento se le vendría encima el agua por ese viejo acueducto o que se le aparecería el Güije, de los cuentos antiguos, un personaje imaginario que era como un hombrecito.

Todavía le quedaba media noche y decidió escudriñar Marea Baja, el Parisién, el Salón Rojo y Piel Canela. Estaba amaneciendo, el sol tropical de la isla lanzaba sus primeros destellos sobre La Plaza Vieja y aún le alcanzó el tiempo para echar una miradita en el Guanabo Club, en la Cecilia y en el Copa Room, le encantaba escuchar la guajira "La Guantanamera", de Joseíto Fernández y boleros y guarachas. Siempre terminaba en “La Bodeguita del Medio”, que está a un costado de La Plaza de la Catedral, en el casco histórico de la ciudad, lugar donde se daban cita intelectuales y artistas ; allí las paredes están llenas de escritos, fotografías y objetos. Fue un lugar muy querido por Ernest Heminway, quien bebía el conocido cóctel “mojito”. Al salir de este último lugar, tres perros callejeros lo persiguieron por la calle San Jorge hasta la Lonja del Comercio con la intención de atacarlo, uno era negro y de horrible aspecto, otro dálmata y alegre y el tercero tinto. Todos de largos colmillos y hocico espumoso.

El felino estaba desesperado, esponjó todo su cuerpo, irisó su cola ; los perros lo rodearon, el dálmata quería jugar con él, los otros galgos tenían diferentes intenciones. Un golpe de suerte : la barda de una casa abandonada estaba cerca, como una estela surcó los aires, dejando asombrados a sus perseguidores cuando desapareció como un cohete azul por los tejados. En su refugio, angustiado, temblando, estuvo unas horas asustado ; después un sueño profundo todo el día, borracho de ron hasta la impiedad.

Segunda noche.

 

El gato no salió, tenía fiebre y dolor de cabeza.

 

Tercera noche y muchas más.

 

El gato no salió, se dedicó a curiosear las estanterías de la casa, llenas de libros ; encendió un puro grande y tomó varios libros de José Martí para leerlos ; la brisa era agradable y fresca. Un trozo de jamón rancio fue todo su alimento.

De Martí le apasionaba todo, sus letras poéticas, la política, el arte, la pedagogía y la filosofía ; lo consideraba un héroe, un maestro, un prócer. Esa noche leyó su drama Adúltera y su obra de teatro Amor con amor se paga.

En noches anteriores, cuando tenía pereza de salir a la calle, había leído de Heredia En el teocalli de Cholula y El Niágara ;bello poema éste, inscrito en una placa en las cataratas del lado de Canadá.

El antiguo dueño del gato había muerto ; era un viejo de ideas zaristas, de largas uñas y malos hábitos. Fue director de la Biblioteca Nacional de Cuba. En sus mejores años viajó a Rusia y se trajo en la maleta un pequeño cachorro felino, de la raza ruso azul, al que llamó Rasputín, que encontró abandonado y desprotegido en el Palacio de San Petersburgo.

Cuando el encargado del palacio observó que lo metía discretamente en su maleta, le dijo :

- Se está usted llevando una joya señor, el padre de este cachorro es el gato guardián del Mausoleo de Lénin ; la madre todavía vive en la casa del malévolo Stalin.

A la muerte del anciano reaccionario y gruñón, la viuda ya no tenía interés por la vida, la casa era grande y solitaria, llena de silencios y de sombras ; ella tenía una mirada atormentada, vivía en un abandono deplorable, era devota de la Virgen de la Caridad, las pocas veces que entraba a una iglesia lo hacía a la de Santa Rita de Casia. En la intimidad siempre le decía a Rasputín : Suplicio, decía que el ruso azul era su suplicio por vagabundo y desconsiderado.

Rasputín siguió leyendo sobre la vida de Martí y de su relación con Víctor Hugo en París. Supo que cuando tenía 24 años de edad, se enamoró de la joven María García Granados, a quien inmortalizó en uno de sus poemas La niña de Guatemala ; descubrió también que Martí había vivido 15 años en Nueva York, el “monstruo resuelto y brutal que nos desprecia”, como decía. Lo que más le gustaba de su poeta iluminado era el verso que decía : “Dos patrias tengo yo, Cuba y la noche”.

También leyó a otro viajero incansable, Emilio Gallagas, el poeta de Camagüey, que dice en suViento de la luz de junio :

Llévame por donde quieras,
viento de la luz de junio,
 - remolino de lo eterno.
...

 Leyó y releyó a otros poetas y escritores, era un gato incansable cuando se trataba de literatura y de nocturnar en los bares.

Después de varios días y varias noches decidió salir a la calle nuevamente, llegó a la Plaza de la Revolución, donde tantas veces había escuchado discursos de Fidel y del Che.

Volvió a sus andadas visitando bares y cabarets, se paseaba tranquilamente por la Bahía, por la escultura de Neptuno, por el Gran Teatro y por el Capitolio, que era su favorito. Varios meses después encontró una sorpresa en la casona ; un embajador, amigo del difunto de la viuda, que veía con frecuencia a Rasputín, en un estado de abandono, se lo pidió de regalo.

El ruso azul nunca había sentido tanta emoción como la que le inflamaba todo el cuerpo al despedirse de esa casa, rodeada de hierba crecida y paredes heridas. Vio de reojo, por última vez, a la viuda solitaria y desapareció en compañía del diplomático que dejaría en unos días la isla cubana.

El vapor salió de la Bahía de Matanzas, al este de la Habana, rumbo a México, en un mar tranquilo, Rasputín contempló, por última vez, en la lejanía, el Castillo de El Morro y su escultura favorita, que eran dos símbolos de la Bahía.

Llegaron al Puerto de Veracruz, conocido como “la puerta hacia España”. El plenipotenciario se trasladó a la ciudad de los aztecas, tomó un mes de descanso en su lujosa residencia de las Lomas de Chapultepec y decidió ponerle al ruso azul, un nuevo nombre Dieguito, en honor al muralista Diego Rivera, del que el diplomático conservaba una buena colección de sus pinturas. Durante ese mes detranquilidad,Dieguito conociólasmejores mansiones mexicanas de la gente rica. Por las noches trepabahastaelCastillo de Chapultepec,visitaba los salones y veía colgados en las paredes cuadros con enormes pinturasdel emperador Maximiliano I de Habsburgo y de su esposa Carlota, la mujer que enloqueció cuando el presidente legítimo de los mexicanos, Benito Juárez, ordenó el fusilamiento del príncipe europeo, por el atrevimiento de soñar en gobernar una naciónque no era la suya.

En esas andanzasse encontraba el antiguo Rasputín, ahoraDieguito,sinolvidarsu pasión de conquistar a cuanta gata coqueta se le atravesara, con las que dejó más de media docena de hijos.

El diplomático, ya más descansado, llevó a su gato Dieguito al veterinario y una semana después visitó el palacio de la presidencia, acompañado de su ruso azul de ojos verde esmeralda. Tenía confianza de entrar al palacio, pues era amigo personal del mandatario.

Un delicioso almuerzo con mole mexicano, enchiladas, chiles en nogada, frijoles y tequila, mucho tequila. De pronto, el mandatario vio al gato bebiendo tequila y le llamó la atención, tanto que se lo pidió de regalo al diplomático. Por tratarse del presidente amigo, el embajador no se pudo negar. Ahí mismo lo bautizaron con el nombre de Pancho Villaque, a partir de ese momento, se quedó en su nueva residencia, donde disfrutó a plenitud su nueva vida. Las noches en que se sintió más feliz fueron aquellas cuando se escapaba a la Plaza El Tenampa, siempre llena de mariachis. Bebía tequila hasta el amanecer y escuchaba canciones rancheras y corridos de la revolución. Los guardias presidenciales no se enteraban cuando salía ni cuándo llegaba.

Ya un poco cansado de este ajetreo nocturno, decidió encerrarse un par de meses en la biblioteca, ahí pudo leer, acompañado de varias botellas de tequila y de quesos finos, los códices precolombinos, manuscritos pintados por los pueblos prehispánicos ; se quedaba muy sorprendido al ver cómo los indígenas habían hecho sus libros en papeles con fibras vegetales del amate y el maguey ; en pieles curtidas de ciervo y de jaguar y en lienzos de algodón. El acabado era el de biombo o acordeón, una larga tira que se doblaba y plegaba y a los que añadían tapas de madera forradas de piel.

Leyó también un libro del rey poeta Nezahualcóyotl ; el Popol Vuh y el Chilam Balam, obras cumbres de la literatura indígena de Mesoamérica.

La fotografía que más le gustaba ver, estaba guardada en un armario. Era la de un hombre con un rostro extraordinario, de ojos brillantes, profundos y afilados bigotes, un fusil en la mano, cananas cruzadas al hombro, una banda presidencial en el pecho y un gran sombrero, era Emiliano Zapata.

Pancho Villa se la pasaba de maravilla, era rey y gato señor en su nuevo refugio político de primer nivel ; muy curioso escuchaba rumores y noticias, se enteró de la celebración del VIII Aniversario del Asalto al Cuartel Moncada, en la Habana, donde el presidente Dorticós le impuso la Orden Playa Girón al cosmonauta Yuri Gagarin.

El antiguoDieguitosupo también que el mandatario recibió una visita presidencial muy importante, se trataba del presidente de los Estados Unidos. El estadounidense llegó acompañado de su esposa Jacqueline.

A la hora del banquete el mandatario gringo le dijo al mexicano :

¡Qué bello reloj lleva usted, señor presidente !

El mexicano se quitó el reloj sin pensarlo dos veces y se lo obsequió al demócrata.

Jacqueline ‘ni lerda ni perezosa’ le dijo a la señora del mandatario mexicano :

- ¡Qué hermoso gato tiene usted Eva !

La esposa del presidente le respondió con amabilidad :

- Considérelo suyo, es un honor obsequiárselo, el único problema que tiene es que es tequilero y vagabundo nocturno, parece un fantasma enamorado.

Los pensamientos del mandatario gringo volaron a la distancia, al corazón de Marilyn Moroe.

El gato llegó a la Casa Blanca en Washington y muy pronto, ‘en menos de que canta un gallo’ se aficionó al wisky. Entre tanto, para corresponder, el presidente mexicano llegó de visita a los Estados Unidos ; era todo un galán y tenía fama de conquistador.

A la hora del banquete se le quedó viendo fijamente a Jacqueline, en un ánimo de seducción y le dijo al mandatario gringo :

¡Que bella esposa tiene usted señor presidente !

El demócrata captó al vuelo las intenciones, se quitó el reloj y dijo con un aire de ironía y cordialidad :

Aquí tiene su reloj señor presidente.

Nunca antes se había visto con qué rapidez, alguien recuperaba un apreciado objeto personal, las risas de los comensales no se dejaron esperar. El desplante del mexicano había sido sorprendente y atrevido. Mientras tanto, la esposa del mexicano le preguntó a Jaquelyne :

- ¿Cómo se porta el ruso-cubano ?

- ¿Cuál ruso-cubano ? - interrogó la bella gringa.

- El gato, por supuesto - repuso con afecto la mexicana.

¡Oh !, no sabía que era caribeño, ¡con razón es tan ardiente ! Ahora lo llamo Ari. Sólo le gusta pasar sentado en el sillón del presidente, toma whisky todo el tiempo y fuma marihuana ‘de la buena’ y en las noches me besa con una pasión griega.

El banquete terminó en una agradable armonía protocolar.

Ari, estaba como de costumbre, en el Salón Oval, pasaba las horas escuchando grabaciones del Pentágono, de la CIA y del FBI ; invasiones de países, muertes masivas y drogadicción de la juventud gringa. Cuando los funcionarios de estas instituciones venían a visitar al presidente, veía en todos ellos a francotiradores adiestrados, pareciera que le hubieran ofrecido el alma de la nación al diablo, para que convirtiera a ese país en el más poderoso del mundo.

Una noche en que el mandatario se bebía la última gota de una de las botellas de tequila que le regalaron, con el gato en las piernas, invocó a todas las fuerzas oscuras de la naturaleza para que le permitieran tomar posesión del cuerpo del felino y salir sigilosamente a buscar a su amada misteriosa, sin que nadie lo viera.

Esa metamorfosis le permitiría seducir a su estrella adorada y así sucedió ; la Marylin lo recibió en su alcoba, exótica y desnuda, el felino presidente se aprestaba a poseerla y de pronto se dio cuenta que no sentía nada viril, fue la peor noche de su vida, la más impotente, la más amarga, él no sabía que el gato de ojos verde esmeralda, el ruso azul, el Ari, había sido emasculado por el embajador que lo llevó al veterinario en México.

Tres días antes de que asesinaran al mandatario, el gato de mundo, el ruso azul, murió de exceso etílico. La víspera de su muerte, cuando el otoño anclaba el paisaje con su presencia y las hojas amarillas caían de las ramas de los árboles, se le notaba muy triste y solitario, su plato de comida estaba intacto. Parte de la noche paseó por la galería con grandes pinturas de los presidentes. Su favorito era Abraham Lincoln. Entró a una pequeña biblioteca, que era de su preferencia, allí había varios documentos como el de Texas y otros territorios mexicanos cautivos ; el de la cabeza de Pancho Villa y los análisis de su cerebro, se la habían robado del panteón de Parral, Chihuahua y se la llevaron a los EstadosUnidos ; el de los secretos militares de la bomba atómica de Hiroshima y Nagasaki ; el de la crisis cubana de los mísiles ; el de la guerra de Vietnam, entre otros. Ya casi en la madrugada vio que en su entorno había realmente muy pocos libros de su agrado.

Estaba amaneciendo en un cielo gris, silencioso todavía, soplaba un viento frío. Encontraron a Rasputín recostado sobre un libro, amarillo y viejo con los ojos abiertos perdidos en el infinito del tiempo, dormía para siempre, su cabeza, aún tibia, sobre las obras del poeta Walt Whitman : “Hojas de Hierba”, donde seguramente leyó, por última vez, “Canto a mí mismo” y recordó con nostalgia la sinfonía nº. 3, Réquiem por Lénin, de Kabalevski, añorando su Rusia natal. La cirrosis hepática y la tristeza acabaron con él.

Sus restos fueron enterrados en la cripta familiar de la pareja presidencial, en honor a los servicios amorosos prestados a la nación americana y a Jacqueline.

Marilyn se enteró de su muerte y fue al cementerio para llevarle una rosa blanca, en la que estampó un beso carmesí.


[1Rythmes de musique populaire.

[2Sauce à base de chocolat qui accompagne le poulet.

[3Crêpes au poulet et au porc ; plat populaire mexicain.

[4Piments verts fourrés de viande hachée et d’amandes, servis avec une sauce blanche aux noix garnie de pépins rouges de grenade : vert, blanc et rouge, les couleurs du drapeau national !

[5Alcool d’agave. En espagnol, on dit "du" tequila.

[6Musiciens, auteurs et interprètes de la musique nationale populaire : les corridos, etc.

[7Chansons populaires. Ceux sur Pancho Villa et Emiliano Zapata sont célèbres.

 

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