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La calbombe céladone de Patrick CINTAS
Figure de l’écrivain et cancans

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 Article publié le 14 mai 2011.

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La figure de l’écrivain ne fait pas que des envieux ; elle fait aussi beaucoup jaser. Ces cancans suivent en général le schéma suivant :

— l’hypothèse, qu’on peut aussi qualifier de zone des intentions ;

— la démonstration, ou le texte lui-même ;

— la conclusion, reconnaissance ou son contraire.

Interrogez un écrivain sur son art, c’est selon ce chemin tout tracé qu’il s’exprime :

— il établit d’abord les détails de sa posture, du point de vue moral ou esthétique, ou des deux ; en principe, il est contre quelque chose, par exemple parce que ça fait du bruit et que lui, il est pour le silence ;

— il donne à lire son texte comme propriété privée à respecter moralement sous peine de poursuites judiciaires, rarement littéraires ;

— il étale les preuves de sa suffisance ou les réelles consécrations qui l’ont honoré.

Pourquoi s’étonner alors que le lecteur suive le même chemin pour donner son opinion de lecteur ?

— la posture initiale de l’écrivain ne lui convient pas, il en tire la conclusion que l’écrivain est mauvais ou en tout cas inutile ; un écrivain pornographique ne peut séduire un lecteur puritain que dans le secret de l’alcôve, sinon il y a maldonne.

Mais un autre écrivain emprunte aussi cette voix triangulaire :

— les intentions de l’écrivain qu’il juge sont immorales selon lui ? Il rejette cet intrus avant même de l’avoir laissé entrer. C’est contraire à son idée personnelle de la beauté ? Même rejet sans suite à donner.

Or, ce n’est évidemment pas au niveau des intentions qu’il faut arrêter son jugement et prononcer sa sentence.

Les questions morales n’appartiennent pas au domaine de la création qui ne se pose pas non plus des problèmes d’ordre esthétique.

On peut comprendre aisément que des poètes mineurs comme Jean Follain ou Eugène Guillevic aient mis toute leur énergie à rejetter les provocations surréalistes. Au lendemain de la Guerre, c’était le plus probable.

Il n’en reste pas moins que ces œuvrettes passagères paraissent bien pâlichonnes à côtés des ouvrages conçus et réalisés par Apollinaire, Proust, Breton, Reverdy, Jarry et quelques autres qui ont donné la mesure de la modernité sans chercher à imposer des principes de comportement et d’aspect.

Ce n’est pas penser que de juger que Jean Follain a tort de ne pas pratiquer « l’illusion lyrique », de « parler d’autre chose » que de lui et de confier sa langue aux trivialités ordinaires — posture claire qui lui appartient comme c’est son droit. Ce n’est pas penser non plus que le contraire est mieux ou carrément authentique. Ce n’est pas à ce moment là qu’il faut se mettre à penser, mais un peu plus loin, au moment où le texte de Jean Follain se donne non pas au jugement, mais justement à la pensée. Et là, l’esprit commence son travail pour apprécier l’ampleur du travail accompli par le poète.

Bien sûr qu’on n’est pas obligé de recueillir ces travaux dans un article ou dans un livre comme le fait si mal Eugène Guillevic à propos de Jean Follain. Mais avant de conclure, ce travail de la pensée doit être fait.

Encore que…

La littérature est-elle encore, n’a-t-elle jamais été d’ailleurs d’une telle importance ? Les pratiques magiques et religieuses survivent à la philosophie et par conséquent la littérature s’en trouve dénaturée. Mais à ces pratiques d’un autre temps il faut ajouter l’influence plus perverse encore de ce que la justice et les bonnes manières peuvent inspirer à la philosophie elle-même, faisant plus que la dénaturer. Mais enfin, il faut vivre et ce n’est pas en se nourrissant d’amour et d’eau claire, comme tout le monde le sait.

Les textes et autres babioles de l’activité intellectuelle se construisent toujours dans ce cercle vicieux au possible :

Je ne connais pas d’exemple, dans la littérature, d’ouvrages échappant clairement à ces vices de la pensée. Par contre, il me semble que Dada est le seul moment où ils apparaissent sans que l’ouvrage en pâtisse.

À l’opposé, ou ailleurs, la pensée est un espace à peupler ou à repeupler si jamais nous avons perdu quelque chose en route :

Soit. Mais il n’en reste pas moins probable que l’esprit du poète ou de n’importe quel genre d’artiste n’acceptera pas ÇA sans révolte. Si sa pensée l’a mené jusque-là, sous l’influence des philosophes et surtout de la philosophie, il reviendra tôt ou tard dans le Temps pour s’adonner à sa passion du style, des idées et autres instances qui lui manqueraient autrement.

Il propose donc des textes dont le contenu et la forme subissent plus ou moins lamentablement l’effet de son hypothèse, de ses intentions, de ses défauts de la pensée. Ce n’est donc pas sur ces critères qu’il convient de juger de l’opportunité et de la justesse de son ouvrage. Il faudra trouver autre chose, sous peine de ne plus penser.

Il y a de fortes chances, comme je l’ai fait plus haut, pour qu’on se mette à jaser au lieu de penser.

 

Patrick Cintas

Images de Daumier. Paroles de Patrick Cintas.

 

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