Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Auteurs invités [Forum] [Contact e-mail]
AUTEURS INVITÉS
Depuis avril 2004,
date de la création
du premier numéro
de la RALM.
Propos sur mon livre <I><B>Rien du tout gascon</B></I>, ainsi que sur d'autres petites choses.
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 14 juin 2010.

oOo

Propos sur mon livre Rien du tout gascon, ainsi que sur d’autres petites choses.
Abel Bourguet

« C’est un vrai défi ce livre : un roman épistolaire quand plus personne n’écrit ! » m’e-mailait le journaliste de la Dépêche.

Evidemment, ce bouquin n’est pas main-stream. En guise de stream je ne connais que celui du golfe, le reste j’en ai rien à cirer. Je suis Français, et avant tout Gascon. Je préfère ma culture à celle amerloque. Pas le genre de type à suivre la mouvance branchouillarde artisto-intello qui passe dans les médias. J’aime ma Gascogne natale. Je suis très local voyez-vous.

 Ceci dit, ne vous y trompez pas, je n’ai rien contre les Américains. J’en ai plutôt contre les décervelés qui abandonnent leur culture pour épouser celle à la mode. Soi-disant qu’elle est plus super, plus cool, plus flash, plus glitter, plus trash ; plus trash-boum-boum, quoi ! M’ouais !...Moi, je ne bois pas de coca à table, je bois du vin. Je vois toujours les hamburgers comme une curiosité, et leur préfère un magret du Gers, une entrecôte à la bordelaise, un poulet jaune des Landes, un cassoulet toulousain, etc. Milo dioùs ! souy Gascoun !

Tout ça pour vous dire que ce bouquin est très local. Vous aviez deviné peut-être ? C’est un fait. Mais une chose qu’il faut que je dise, sans bomber le torse c’est entendu, il est aussi très universel. Je veux dire, dans le sens que les êtres humains, ici ou là, hier ou aujourd’hui, partagent les mêmes sentiments.

 

Or, une question vous brûle les lèvres : de quoi donc parle ce livre ?

Tout d’abord, laissez-moi vous applaudir à vous qui faites l’effort de lire ces lignes plutôt que de vous abrutir avec de la culture standardisée à la télé. C’est un choix qui mérite le respect. C’est même courageux dans le sens que plutôt de rouler tout confort sur les autoroutes du prêt-à-penser, vous vous aventurez en des chemins inconnus sur lesquels vous devez chercher par vous-même votre voie. Mais vous n’y pensez pas ! Et si un loup surgissait ?

Bien ! Ces considérations mises à part, venons-en au vrai sujet de cet opuscule : pourquoi ai-je écrit ce livre, et question subsidiaire, que raconte-t-il ? Tout d’abord, avant de commencer, maintenant qu’on met la psycho à toute les sauces, il vous faut mieux cerner ma personnalité afin de comprendre ce que j’ai voulu dire dans ce fichu bouquin. Encore deux mots sur moi alors.

 

Mes goûts littéraires.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu’ils sont français. Ce qui n’est pas tout à fait vrai car de temps en temps je fais quelques infidélités à notre belle langue. Misère de sort ! je dois l’avouer : je vais voir ailleurs ! Ce que c’est que de nous... Pour l’amant passionné que je suis, l’Amérique, la Russie, l’Afrique, l’Orient, l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie, etc., regorgent de belles chéries. Certaines ont le sens de la métaphore ; d’autres sentent bon le soleil ; on en trouve qui s’entourent de plein de fioritures ; il y en a au contraire qui sont dénudées à l’extême, qui ne s’embarrassent pas de circonvolutions, qui vont droit au but. Ha ! ça fait bien d’avoir des références world-culture ; ça classe son bonhomme !

Mais il faut que vous le sachiez, mes préférences datent toutes d’avant les années 70. Non, pas 1470 : 1970 ! Je ne suis pas si vieux jeu que ça quand même !

Je n’arrive pas à accrocher aux romanciers actuels multi-starisés par le litterary-big-show système. Tous les journaux, tous les magazines, toutes les chaînes de télé ou de radio, bref tous les médias ont beau me présenter chaque semaine (pour ne pas dire chaque jour) le bouquin du siècle, celui dont l’auteur est la révélation littéraire de l’année, écrit dans un style tellement merveilleux, tellement précis et moderne, tellement ci, tellement ça... m’ouais ! je n’arrive pas à accrocher ! Pourtant la world-trade-culture me le dit et me le répète : « Achète ce bouquin. Il le faut. Vite, vite, achète. Achète ! Achète ! » Je ne peux pas. Malgré moi, je pense aux pauvres arbres qu’on abat pour imprimer ces niaiseries... Je dois être affreusement ringard, les amis ! C’est grave, docteur ?

Lorsqu’on me donne comme références certains scribouillards à la mode qu’on dit incontournables, gigantesques, géniaux même ; ceux que si on ne les a pas lu, on est nul ; ceux dont il faudrait presque connaître leurs goûts sexuels, savoir sur quelle île du Pacifique ils passent leurs vacances, combien ils ont d’actions chez Mac-dollar and Co, comment font leurs employées de maison pour détartrer sans rayer la robinetterie en métal précieux ou nettoyer les marbres, etc, etc, je réplique : « Avez-vous lu Villon ? Connaissez-vous Rabelais ? Le Cycle du Graal, ça vous dit quelque chose ? Chrestien de Troyes, inconnu ? Et le bel Homère ? Et Cervantès ? Quid des "Mille et une nuits" et de Shakespeare ? Et les romans de capes et d’épée ? Et Dumas, Hugo, Balzac ... ? »

Non , alors, écoutez-moi : j’ai trop à faire avec mes affreux "classiques".

 

J’aime Alphonse Daudet. Je trouve super ce qu’il a fait. Cet apport de régionalisme à la littérature française, c’est bien dosé, vraiment rien à dire. On voit l’artiste, quoi ! le grand type ! Aussi je peux l’avouer sans passer pour un fada, les "Lettres de mon moulin" font partie de mes romans de prédilection. Voyez-vous, j’ai un faible pour l’épistolaire. J’adore le courrier papier. Il y a quelque chose de sensuel. On reçoit la lettre. Qui a pu m’écrire ? On regarde l’enveloppe sous toutes ses coutures. Le style de l’écriture me rappelle quelqu’un... Mais qui ? On en caresse du regard les rondeurs, on en flatte les belles jambes. Le timbre est joli, où a-t-il été oblitéré ? Mais alors, et si c’était untel ? On ouvre fiévreusement (ou en douceur, avec égards) l’enveloppe. On déplie le papier à lettres qui fait un bruit familier, rassurant même. On a la correspondance entre les mains. Quelque chose passe par le toucher, par les pores des doigts. Ce papier était il y a peu entre les mains de untel, on sent encore sa présence. Où a-t-il écrit cette lettre : chez lui, à son bureau, sur son lit, sur son fauteuil ; ou dehors, attablé à un café, sur un banc au soleil... ? C’est un morceau de sa vie qu’on a entre les phalanges...

 Voilà, c’est tout ce que j’aime : savoir qu’à telle date, à tel moment, en tel lieu, telles choses ont été vécues. C’est un témoignage historique. C’est celui des petites gens. Ça peut être aussi celui des grands de ce monde, des importants, s’ils laissent parler leur cœur. C’est ce qu’il faut pour écrire une bonne lettre.

 

Si j’étais outrecuidant, ou que j’avais les chevilles qui enflent, je dirai ceci : « Ce livre est le pendant newlooké des Lettres de mon moulin. Si j’ai adoré le style et pour tout dire le génie de Daudet, je suis resté sur ma faim, trouvant la dernière partie (les aventures corses) dommageables pour l’unité du livre. Il fallait y remédier en écrivant un bouquin qui se tienne du début à la fin. Voilà qui est fait ! » Je ne suis ni si sûr de moi que ça ni enflé des chevilles, mais je n’ai rien à enlever à ce petit discours ! Alphonse, pourquoi me tires-tu les cheveux ?

 

Donc, voici ce que vous attendez tous : l’histoire.

Le narrateur, Parisien d’adoption, mais Gascon de naissance, revient par le hasard d’un héritage dans sa Gascogne natale pour y tenir une épicerie. (Ça se passe dans le Gers, mais je crois que ce pourrait être n’importe où ailleurs dans cette ancienne province.) Il relate son quotidien à un ami à lui, Anglais, resté à Paris dans des lettres pleines d’humour. Il y raconte des personnages réels : les clients de son commerce magnifiés pour la cause romanesque ; ainsi que d’autres, gentils, moins gentils, bizarres, intrigants... mais dans tous les cas hauts en couleurs. Dans sa correspondance se mêlent des aventures cocasses, des descriptions de paysages, des considérations philosophiques, des dialogues théâtraux, ainsi qu’une histoire d’A... Que peut vouloir signifier cette initiale ? A vous de le découvrir !

Pour vous aider dans votre longue quête, voici quelques extraits.

Bonne lecture, et comme le dit le narrateur : see-you later... alligator. (Un peu usé, j’en conviens, mais toujours aussi plaisant.)

 

1°lettre

 Là, elle fit une pause et me regarda droit dans les yeux. Ses pupilles dilatées luisaient comme des billes métalliques. Elle avait quelque chose d’une sorcière. Je te prie de croire, my dear Oly, que je ne faisais pas le fier ! Si tu avais pu voir mon visage à ce moment-là, blanc, blême, livide même, nul doute que comme Hamlet voyant le spectre, tu te serais écrié : « Anges et ministres de la grâce, secourez-nous ! ».

 Elle reprit : « Non, ce n’était pas un accident, c’était un meurtre. Un assassinat. C’est le Jeannot Quecaupana qui me l’a tué mon Pierrot. Il était promoteur. Un envieux... Il voulait nous forcer à lui vendre notre maison. Il faut dire qu’elle est bien placée, face à la halle, et contiguë à notre cathédrale. Il voulait en faire un hôtel. C’est ce qu’il disait... Il est vrai que le marché, et surtout la grande foire d’automne attirent beaucoup de monde. Pour certains, marchands ou acheteurs, c’est plus pratique de dormir sur place. Aussi était-il prêt à nous en offrir un bon prix. Mon Pierrot n’a jamais voulu céder. « Des spéculateurs dans les murs de mes ancêtres ! qu’il lui a dit une fois, Milo dioùs ! non ! pas de place chez moi pour des voleurs de maisons et des coquins pareils ! » Et comme il lui avait jeté ça devant plusieurs oreilles, l’autre lui en a toujours gardé une rancune terrible. Mais, praoubé gouyat dé praoubé gouyat ! tout ça c’est de l’histoire ancienne ! Or, mon Pierrot est mort d’une décharge de chevrotine curieusement tirée par le fusil de ce bandit de Quecaupana. Mais il avait la justice pour lui, et tant pis pour nous. Té ! Pitchou, tu dois te dire : « cette vieille, elle blague, elle blague comme une sorcière ! Mais maynatge dé moun maynatge, si je te dis tout ça, c’est parce que plus tard il sera trop tard : je vais mourir au lendemain de mon 96e anniversaire, autrement dit dans trois mois. »

 A enfoncer son regard dans mes yeux comme elle le faisait, je te prie de croire mon cher Oly-ghost que je tremblais de toutes les fibres de mon être. On n’était plus chez Hamlet, mais chez Macbeth quand les trois sorcières lui apparurent.

 

 

3°lettre

« Voilà, vous avez compris, reprit-elle l’air satisfaite (style 1-0, je mène). Donc, je regarde par cette fenêtre, et mille dieux ! je ne vois rien ! Je me dis : soit, je suis victime d’hallucinations auditives, soit j’ai pris un bruit pour un autre. Alors, je reviens m’asseoir à la table pour le petit-déjeuner. Peu de temps après, j’entends une porte claquer, et quelqu’un rire comme un bossu. Milo dioùs ! que je me dis, c’est ce dioù biban de drôle qui m’aura fait un mauvais coup ! Il aura dû entrer chez moi. Je vais de nouveau à la fenêtre. Je l’ouvre. Or, comme elle fait un pétard de tous les diables, vous pensez si le drôle s’est enfui. Mais c’était bien lui. Je le voyais courrir comme un dératé en bas de la rue. Il riait pire qu’un démon. « Petit chenapan, que je mets à lui crier, si tu m’as joué un mauvais tour, toi, je t’envoie les gendarmes ! » Alors, je commence à descendre les escaliers. Une odeur, mon pauvre monsieur, mais une odeur ! Qué hé-raco ! Milo dioùs ! qué blairat pas le arroso ! Vous comprenez le gascon ?

- Heu !… certains mots.

 - Ça sentait mauvais. Ça fleurait pas la rose, non. Mille dieux ! que je me dis, il m’a mis une bêtecrevée quelque part ou quoi ? J’étais dans une colère, mais dans une colère ! Ha ! Caytioué de caytioué ! si je l’avais eu sous la main ce drôle, sûr que je lui tordais le coup ! Et puis, pour comble de malheur, la lumière dans l’escalier qui ne marchait pas, et j’avais oublié de m’acheter une pile pour la lampe de poche. Milo dioùs dé gran dioù biban ! Je descends doucement en me tenant à la rampe parce que vous savez à mon âge, on est vite tombé. Je me dis : je vais aller ouvrir la porte d’entrée, comme ça avec la lumière du dehors, j’y verrai bien quelque chose. Mais une odeur là-dedans, une odeur, qué blairat pas le arroso, noun ! Dans les escaliers : rien d’anormal. Mais, mille dieux ! que je me dis, où m’a-t-il mis cette bête crevée ? Et au dernier pas, comme j’arrivai devant la porte, splatch ! je marche dans quelque chose de mou, mais de mou, de très mou même ! Très-très mou. Ha ! je compris tout d’un seul coup : aquel hilla dou diablou de drôle était venu me caguer dans les escaliers ! Mais un étron, un étron ! J’en avais partout sur les chaussures. Et ça puait, ça puait. Ha ! je vous prie de croire que si je l’avais eu sous la main, je … »

 

 

4°lettre

Ha ! je la sentais bien la Manéflo ! Le verbe suraigu, un peu hystérique, le visage défait. Aussi, je jubilai en lui lachant d’un ton froid, très sec : « Se promener nu devant les femmes. » Sa réaction ne se fit pas attendre, elle devint blême, et bredouilla d’une voix presque éteinte : « Un exhibitionniste ! Jésus, Marie, Joseph ! Et où ça, un exhibitionniste ? » Je n’y avais pas pensé à celle-là, où ça ? Vite, il fallait que j’inventasse un lieu. « Eh bien ! sur le chemin de St.-Jacques, après Lecoutrac ! Dès qu’une femme arrive, vlam ! il lui montre tout son bazar !

Sainte-Vierge ! un vicieux ! Mais, canaille ! je m’en souviens bien de ce type ! L’autre matin, là, c’était vers les 10 heures, j’avais fini les dortoirs et la cuisine, et j’allais faire les douches. A côté des douches, il y a les lavabos, mais c’est un autre local. J’entendis un clapotis. Je pensai que quelqu’un avait laissé un robinet couler. Aussi, moi, tout bonnement j’ouvris la porte des lavabos… Ha ! canaille de canaille ! » Manéflo s’arrêta pour déglutir et pour reprendre sa respiration. Elle continua la suite de sa narration de sa voix suraiguë. Ses mots tremblaient en sortant de sa bouche. « Je vois un type entièrement nu, juste le slip baissé à mi-cuisse. J’étais là, je ne pouvais plus bouger. Il était en train de se trafiquoter les choses dans le lavabo. Ha ! canaille ! Il a dû se douter de ma présence car il s’est retourné. J’ai vu tout son devant. Je suis restée bête comme une ânesse, une vraie statue. Il m’a baragouiné je ne sais pas quoi dans je ne sais quelle langue. Alors, j’ai crié, j’ai crié ! J’ai tout balancé, le seau, le balai, la pelle, la serpillière. Je suis partie chez moi en courant, en courant, et en criant. Enfin, je ne sais plus si j’ai crié tout le long du chemin. Il me semble. Peut-être pas tout le long. Je ne sais plus. Je me suis enfermée à double tour. J’ai fermé les volets, les fenêtres, j’ai tout éteint. Je me suis affalée sur mon canapé, dans le noir. J’avais le cœur qui tapait, tapait. Des sueurs de partout. Je croyais devenir pègue. Alors, j’ai pris des calmants, une double dose. Ca m’a assommé total...

Puis le téléphone a sonné. C’était le secrétaire de la mairie. Il était trois heures de l’après-midi. Il voulait savoir ce qui se passait. Pourquoi je n’étais pas au travail. J’ai dit que j’avais eu un malaise mais que maintenant tout allait mieux, et que j’allais revenir au gîte. Mais j’avais un mal de tête, un mal de tête affreux. J’étais au radar. Canaille de canaille ! » Et la voila qui éclate en sanglots…

 

 

 8°lettre

 Je le regardai d’un air perplexe. « Pardon ?, lui fis-je.

- Des extraterrestres, vous en avez déjà vu ? » D’un seul coup, je doutais de moi. Etais-je vraiment sur Terre ? Avais-je le cerveau à l’endroit ? M’avait-on caché quelque chose sur mon psychisme ? N’étais-je pas tombé d’une échelle étant petit ?

« Pourquoi avez-vous dit que les Martiens débarquaient ? » me demanda-t-il en posant son regard dans le mien, un regard froid, d’une fixité qui me rendit mal à l’aise. C’était un grand type brun, les cheveux en bataille, pas rasé, habillé de vêtements froissés. « J’ai dit ça pour plaisanter, je...

- On ne plaisante pas avec ces choses-là. Avez-vous déjà fait des rencontres du 1er ou du 2e type ?

- Mais de quoi me parlez-vous là ? Fis-je reprenant mon aplomb.

- Je suis chercheur en biologie moléculaire, et je m’intéresse de très très près aux OVNI, et aux phénomènes inexpliqués. » Il me dit cela presqu’en chuchotant, comme s’il s’agissait d’une confidence. Papi-Tournesol était revenu dans le magasin. Il ne comprenait toujours rien à ce qui se disait, mais évidemment ce n’était pas pour autant qu’il devait se taire. « Vous avez raison de le sermonner, dit-il au chercheur. Il faut qu’il s’explique. » Pour faire taire l’ancêtre, je lui montrai l’afficheur de la caisse afin qu’il payât, et que n’ayant plus rien à faire dans le magasin, il sortît. C’eût été trop simple !

« Les extraterrestres sont parmis nous, repartit le client. Il ne faut plus les appeler, à tort, des Martiens...

-Vous aussi ? inrtervint Papi-Tournesol arrêté dans le comptage de son argent. Décidément, jeune-homme, vous croyez que tout le monde est Alsacien ou quoi ? » Pour toute réponse, je lui montrai à nouveau l’afficheur que je tapotai nerveusement.

 

 

12° lettre

Un jour, quelqu’un entra dans le magasin, et inspecta toute la marchandise. « Vous n’avez plus de petites pendulettes ? Me demanda-t-il au bout d’un certain temps.

- De quelles pendulettes voulez-vous parler ?

- Je vous en avais acheté une il y a une vingtaine d’années. Elle était très bien, vraiment. Elle m’a duré jusqu’à ces jours-ci. Elles étaient au fond du magasin. » C’était quelqu’un que je n’avais jamais vu, et que sans doute je ne reverrai plus jamais. Je cherchais ce que je pouvais bien lui répondre. « J’ai été obligé de m’en séparer, monsieur, fis-je.

- Quel malheur !Et pour quelle raison, s’il vous plaît ?

 - Elles retardaient de 20 ans ! »

 

 

19° lettre

 Lecoutrac, le 28 juillet 2008

 

My dear Oly,

 

J’aurais pu faire comme Arthur Rimbaud.

Alors qu’il avait tout juste écrit le "Bateau ivre", long poème envoûtant sur l’univers marin, et qu’il venait de le réciter devant un cercle de poètes, il se serait écrié : « Je n’ai jamais vu la mer ! » 

Comme lui, je ne pouvais que l’imaginer…

 

C’est sûr, la mer est un autre monde. Toutes les villes ou zones côtières me paraissent être un point de départ vers l’ailleurs ; et toutes ne me semblent exister que pour attendre le voyageur en partance.

Saint-Jean-de-Luz, la mer… Je pensais aux vagues, aux embruns, aux effluves d’ambre, aux pinèdes, aux corps presqu’entièrement dénudés sur le sable ou dans les flots, aux rires des gens heureux, à l’insouciance… Je voyais aussi les bateaux de pêche aux couleurs vives, aux noms étranges, presque sauvages, partant ou revenant de "là-bas"...

Tout cet univers pré-marin est dans ma pensée situé en équilibre entre deux mondes : celui réel de la société des hommes, dur avec ses lois terribles, impitoyables parfois ; et celui de l’imaginaire, du rêve… Béhémot, les abysses insondés. De ces deux univers en découlent deux autres : celui des vacances, du voyage ; et celui du premier et du dernier refuge de la pensée poétique.

Départ vers un monde neuf.

Tout comme toi, Oly, pour qui les eaux de l’English chanel une fois traversées te firent découvrir un pays nouveau, j’allais moi aussi, avec la proximité des flots océaniques, découvrir une contrée qui jusqu’à lors m’était inconnue.

 

 

22° lettre

J’ai hésité avant de rajouter ceci, mais tu es mon ami, n’est-ce-pas, alors pourquoi garder plus longtemps cachées des choses que je peux te confier ?

 

Je me suis réveillé dans la nuit. Je ne me suis pas demandé longtemps où j’étais. Tout de suite, j’ai réalisé. Sa présence. Nos jambes étaient encore emmêlées…

Son corps tendre, son corp aimé, son corps parfumé d’amour, son beau corps était là, près du mien. Sa beauté nue était presque lovée contre moi. Ce n’était pas un rêve ! Pas un rêve ! Son visage était tourné vers moi dans son sommeil. Son souffle passait délicatement sur ses lèvres qu’un rayon de lune éclairait. Je la regardais. J’avais envie de l’embrasser, de la serrer fort contre moi. Je n’en fis rien pourtant, moi le spectateur de son sommeil, ô moi amoureux d’elle ! Je ne voulais pas la réveiller. Elle était là, c’était mon luxe, mon bonheur. J’ai quand même un peu soulevé la couverture pour m’enivrer encore de ses charmes. J’avais le sentiment de voir plus que je ne devais. Certes, elle aurait rendu la vue à un aveugle.

 

 

Alors les amis, ça vous a plu ?

Si vous souhaitez en savoir un peu plus long sur ce drôle de roman, il n’y a qu’une chose à faire : achetez-le !

 

Sur ce, je vous dis : à bientôt.

 

Abel BOURGUET

 

LA DÉPÊCHE DU MIDI

Cliquer pour agrandir

Edition du Gers, lundi 29 mars 2010.

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -