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 Article publié le 3 décembre 2004.

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Je l’ai frôlé d’une aile : un petit pauvret pour lequel même un duvet a le poids d’une parure. Quand l’enfant-duvet se pose par terre avec un bruit fracassant, voici que les quatre grands éléments demandent asile au cinquième : quelques détails de la colone vertébrale s’attachant l’un à l’autre quand tout autour tombe déjà en ruine. Bien sûr qu’il est atteint d’une bronchite des ailes, il pouvait les casser à la retraite (dans du Feu), ou les prendre en charge (sur la Terre), les jeter dans la poubelle ( ou dans l’Air) ou les noyer ... Mais non, sa famille maternelle n’acceptait ni de sacrifices, ni de lézardes dans le marbre fendu de toutes les résidences inscrites en dot. Lui, quand sa colonne vértébrale commençait à lui faire trop mal, il s’allongait sur le plancher de marbre et absorbait toute la froideur du sol que sa mère a su lui inculquer, n’ayant jamais embrassé son enfant chéri. Et pourtant, sa mère, amoureuse des doctrines dissolvantes, organisait des soirées de futilités, fière d’avoir retravaillé les grands thèmes des salons littéraires de la fin du XVIII siècle. La salle à manger, aussi ambitieuse que sa propriétaire se paraît de gerboises made in China, des nattes en tissu recroquevillé, de minatures de limonaires pour étouffer les conversations chic des invités en retard. Le Pauvret se cachait derrière les étoffes, creusait et recreusait dans cette coquille afin de s’en arracher quelques instants avant l’arrivée des invités.Lui, Pauvret aurait toujours preféré qu’on le retrouve sur l’escalier d’un orphelinat roumain ou auprès de la grille prinicipale d’un couvent dans un pays peu profane.
Mais il est né avec tous les autres Pauvrets de toutes les autres familles.L’accouchement s’accomplît si vite qu’il a poussé juste un cri qu’elle a pris pour un cri de joie, son cri à elle.
Quel goinfre, fi- donc ! - elle trembla, allongée sur son canapé victorieux. - Comment vais-je le montrer aux invités ? Il ne sait ni dire bonjour, ni se présenter.
Maldonne à refaire ! -dit Gérard - voici mon tour.
Mais cette fois, encore une fois elle a déplacé son chapeau pointu afin de couvrir les cartes, au moment où le nez petit à petit commençait à se coller contre le menton, formant une anse, ce qui explique pourquoi la mère n’arrivait jamais à embrasser son fils, même en s’approchant de lui de plus près possible. Le soir Pauvret montait sur le grenier ou il pouvait faire semblant de fermer la porte devant ceux qui cognait sans cesse, mais la porte fut arrachée il y a un mois et le vide à l’étage pretendait être nommé escalier, une échelle lui paraissait longer un vide oblong caché dans la toiture.
Se faire adopter, c’est fonder une famille d’après le terme préscrit par la loi -l’avait-il lu quelque part ?- Et si je m’adoptais moi-même..?. - chuchota Pauvret, en joignant les mains comme si l’on pouvait grimper sur elles au grenier.
La mère partit dans un magasin d’étoffes.Pauvret enfermé dans son bureau en guise de berceau, s’adressait à la justice. Eh- m’entends, tu ?Ecoute-moi, je soussigné Paul Vrai, le jour de mon huitième anniversaire, demeurant au grenier en construction, titulaire d’un compte de 4 roublei et de quelques pièces ( de théâtre) étrangères, dans lesquelles j’aurais bien aimé jouer.S’adopter soi-même, est-ce qu’il y faut un papier officiel ? Et surtout ne le dites pas à ma mère.Vous en remerciant d’avance, je vous prie d’accepter mon secret.Paul vrai -fils, Paul Vrai père, Amen.
Et la porte en bas a claqué.
Cette lettre n’avait ni rime, ni raison, ni timbre et à qui l’adresser ?Si toutes les boîtes postales du quartier sont toujours surveillées par le même ombre en casquette, celui-ci sera tenté de retourner sa lettre à la mère.
Mon pauvret - répètait souvent sa grand-mère en faisant les bagages, au moins trois fois par jour pour les emmener au cimetière.Que vas tu devenir après mon départ ?
Mais, lui, se souciait déjà comment Mammy va emporter tous ces fardeaux au cimetière sans appeller un taxi.Pauvert a pris un chariot et y a mis toutes les bagages. Mais la fille de Mammy éclata en tempête en hurlant qu’elle en a marre et qu’elle va les envoyer touts les deux ,la mammy et le petit-fils dans la Maison d’Automne Heureux. Quelques éternités après Pauvret a rayé tous les automnes du calendrier acheté pour l’anne prochaine. Toutes les menaces hurlantes de sa mère l’ont séparé definitivement de la bonne dame aux valises entassées aujourd’hui sur une armoire à trois portes aussi petites que l’annonce des funerailles auxquelles la mère n’a pas même osé de lui parler.Et puis ces quelques pétales de jonquilles,dispercées au dessus la table poussiéreuse, le gémissemnt d’un Pierrot jamais acheté, le frôlement d’un chale brusquement envolé d’un coffre, un baiser oublié, exposé à l’humidité dans mille greniers de maisons écrasées par la bombe le premier jour de la guerre.Des pigeons en ont fait un cimetière,et la terre duvetueuse et anonyme s’envole sur les ailes d’un ange qui n’a jamais appris à pleurer.

 

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