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Grosse lessive
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 Article publié le 26 janvier 2010.

oOo

Grosse lessive,

 

Dans ce quartier minier de la vallée de l’Orne, le soleil ne perce pas les nuages de poussière.

Les maisons sont identiques, fenêtres étroites, pas de jardin, tout est couleur « gris », gris de la vie.

Les hommes travaillent dur, ne vivent pas vieux, les accidents sont fréquents, sont peu payés et les jours de paie, pour laisser éclater leurs, misère et colère, vont se saoûler au café « le pauvre diable ».

Pourtant à bien y réfléchir, ils ont de la chance ! Un logement, du travail ? Ce sont des émigrés polonais, italiens, ils ont tout laissé au pays, sont venus les mains jeunes, blanches et vides.

Dans ces familles, les petits arrivent « plus vite que le million « dit le dicton, on compte 1 2 3 4, ainsi de suite jusqu’à ……. ?

Les femmes sont à la maison et élèvent leur progéniture dans deux pièces .Deux pièces ?

Oui, mais il y a la buanderie, où on fait cuire le blanc, on brosse des heures l’habit sale du père, si sale qu’il tient debout tout seul.

Cette pièce chaude et humide sent le gros savon de Marseille, et les murs blanchis par la chaux, sont imprégnés du film de cette histoire.

Chaque samedi, c’est la même chose, sur le poêle à bois, les énormes casseroles chauffent (sans linge cette fois), au milieu, on installe le grand baquet gris « la baignoire du pauvre «  !

 

Le père, la mère, il faut bien ça, s’occupent à donner « le bain de la semaine »

Les petits sont déshabillés, les grands se déshabillent seul,

Place aux petits,

Trempage, décrassage, la mère savonne, lustre, inspecte les oreilles, frotte les cheveux, aie, ça pique !

Le père attend avec la serviette et les ciseaux ..

Allons pas de comédie, la même eau pour tous !

Les grands s’éclaboussent, font des bulles, pétent dans l’eau, se découvrent, et tout le monde rit !

Ça y est, ils sont tous propres ?

Non, les parents attendront le calme pour eux aussi faire trempette et partager ensemble, dans le brouillard, quelques instants mérités !

Et les six lutins, brillants comme des sous neufs, larges pyjamas à carreaux, joues rouges (de l’eau chaude), et coiffés la raie du même côté, un derrière l’autre, s’en retournent à la maison.

 A ma tante,

 

 

 

 

Les copines,

 

 

 

Trois beautés fanées, ont décidé, comme chaque semaine, de se retrouver pour le thé .Ca fait bien longtemps qu’elles se connaissent, se supportent en bémol, , avec comme seul soucis , un peu de réconfort ,

Et c’est quoi ce réconfort, allez-vous me demander ?

C’est tout simple !

Observer les amies, pour voir, combien de rides elles ont pris dans la semaine, et si le fameux régime entamé, le mois passé, a déjà fait effet !

 -oh oui, j’ te jure, ça se voit que tu as maigri, combien de kilos déjà ?demande Claudette ,

-trois et demi, répond Marina,

les deux invitées,

-ouah, c’est génial,

-Et alors tu prends de la tisane de pissenlit , rajoute « la « Claudette, c’est diurétique, le pissenlit !

Danièle,

- et tu te lèves, toute la nuit pour uriner, c’est bien !

Bon, les filles, vous voulez boire  ? ha ! j’ai plus de thé vert, du thé normal, avec ou sans sucre ?

EN ACCORD , toutes les trois,

-SANS , le régime !

Et Marina, se dirige seule dans la cuisine, et les deux autres commères se rapprochent,

Claudette, sourire en coin,

- Tu trouves vraiment qu’elle a maigri ?

elle réajuste sa ceinture qui la boudine , si on fait le compte des kilos qu’elle a perdu depuis qu’on la connaît, elle a perdu dix fois son poids !

 (rires)

Marina dans sa cuisine, qui hume le thé au jasmin,

-pourquoi riez-vous les filles ?

-pour rien !!répondent les deux .

 

Marina,

 -J’arrive , c’est prêt ,puis, juste pour elle, (je suis sûre qu’elle se moque de moi, Danièle est plus gentille que l ‘autre ! L’autre, dingue ce qu’elle est grosse ,elle se voit pas ! si je ne me retiens pas, lui mets de la poudre pour la diarrhée ) !

les deux encore,

 

-ne te presses pas !prends ton temps, alors on disait quoi ?

Claudette,

- au fait, tu es au courant, elle a rompu avec Jean-Marc,

Danièle la belle,

-oui, je sais, elle l’aimait bien, off, ces deux là ne savent pas ce qu’ils veulent !

Claudette, vilaine,

-Et toi, tu en es où avec Marcel,

Danièle,

-il vient me voir deux fois par semaine, lorsque sa femme est à la piscine !

Rires de Claudette

-pourquoi ris-tu ? demande Danièle ,c’est nerveux ? et toi, toujours en quête du grand amour ?

Claudette ravale sa salive,

(Rires)

Marina arrive, pose le plateau sur la table du salon,

 

-Et les filles » ça casse » ! Arrêtez un peu avec vos hommes, ils ne valent rien et vous le savez bien !

les deux blondes,

-oui, mais on les aime quand même !

Marina,

-Je vous ai fait une tarte à la mirabelle !

les deux,

-et, le régime ?

Marina, lasse de toujours entendre , parler de régime,

-demain ! La pâte est toute légère !

Danièle,

-c’est toi, qui a fait la pâte, elle est super bonne ,tu me donneras la recette ?

Marina, brève,

-tu mets la farine, le beurre, etc.

 

Un morceau, deux morceaux, trois ……. il ne reste qu’une miette sur le plateau jaune peint main ! Et les copines échangent les recettes de cuisine, j’ai fait un civet de lièvre, avec des pommes au four, etc.…………………

 L’après midi passe !

-Ah au fait, je vous ai pas dit, j’ai trouvé une super crème pour les rides !déclare Danièle

-et tu ne l’as pas mise !ricane Claudette,

Danièle,

-tu es méchante Claudette !

Claudette, encore,

- regarde- toi Danièle, ta peau ressemble à un vieux papier froissé, as-tu songé à faire quelque chose ? et elle lui tire la peau des joues ! Une opération ,c’est çà qu’il te faut !

 Danièle vire au rouge,

-tu t’es regardée ? Bientôt, tu auras la moustache de Salvatore Dali ! remarque , ça ne gêne personne puisque tu embrassses personne !

Le ton monte, Danièle à la larme à l’œil, Claudette savoure  ! (mais bléssée, c’est vrai, personne à embrasser !)

 

Marina, énervée ,

-bande de vieilles peaux, vous avez fini de vous incendier ? VOUS ETES VIEILLES ET LAIDES TOUTES LES DEUX ,

-Danièle, tu l’as entendue la jeune pisseuse ?

-oui, Claudette !!!!

 

Et les revoilà, amies !

 

Les deux ,

 

- et la semaine prochaine, c’est chez qui le quatre heures ?

 

Marina, réfléchit un peu, pas chez Claudette, c’est plein de fleurs en soie, je déteste les fleurs en soie, on se croit au cimetière, chez Danièle, c’est trop p’tit , 

heu, heu,

-Et ben chez moi comme d’habitude !

 

Les trois ex-miss beautés se lèvent du canapé, Danièle aide Claudette, mortel ce canapé,un, deux, trois étirements ,craquent les articulations ! Les bisous claquent sur les joues couperosées ,

 

- à la semaine prochaine , seize heures.

 

 

 

 

 

Pour sûr,

 

 

Quoique ! quoi penser de cette aventure , quand , comment, pourquoi, rien voir, rien entendre, rien supposer, ni devant, ni derrière, sous , en dessous, rien, personne rien à voir !

Pendant tout ce temps, neuf mois à grossir, madame attendre « bébé », enfant roi, riche héritier d’une famille bourgeoise, comment appeler le petit garçon ? Et bien laisser deviner, comme son père, son grand père, son oncle.Si !les enchères, lancer les paris, mais, depuis quand le prénom d’un bébé être objet à suspense ?

Arthur, ou Edouard, comme le roi de Doué la fontaine !

 

Donc pas d’indice, venir le jour de la délivrance, dans la grande maison , médecin, sages femmes, s’occuper de madame, linges propres, à côté du berceau , eau chaude dans la cuvette de cuivre , sortir tous les ustensiles, ciseaux, pinces, fer, à prévoir , etc

Après douze heures de travail, madame accoucher, donc un petit garçon, blond comme les blés,

-sages femmes, médecin, déclarer, « de l’or dans les cheveux « 

Si, si, voici le prénom, déclarer, la mère en extase devant tant de merveilles : « Orni » !

« Orni », rire, sourire, plaire à tout le monde !

 

le personnel de maison activer le feu dans la cheminée, madame crier, crier, madame, hurler, et voici, le médecin, entre ses cuisses , la délivrance, voici la délivrance , depuis quand, la délivrance bouger ? DEPUIS ? Quand délivrance, pleurer comme un bébé ? Après « Orni », et pour ne pas s’ennuyer, si, si, si, voici ?

 

 

Répondre les parents, répondre les parents, quel prénom donner ?

 

Le père, la mère, stupéfaits, rien supposer, personne rien à voir, déclarer : » de l’or dans les cheveux « la mère en extase devant cette autre merveille, appeler « Caror » !

 

Deux petits hommes biens nés, à vivre, longue vie à

 

 

Orni, Caror DE LA CONJONCTION DE BOURGEUIL LANGEAIS

 

 

 

 

 

 

 

 

Vue sur cour,

 

 

 

-Comment t’appelles-tu petite ? demande le passant,

Pati, je réponds,

 

Et quel âge as-tu ?

-j’ai 4 ans,

Le passant encore, (c’est un ami de la famille, sinon j’aurais pas répondu, maman m’a mise en garde envers les messieurs qui sont gentils et qui donnent des bonbons aux petites filles !)

-où habites-tu ?

-et ben, j’habite au 6 rue de la Taye ?

 

6 rue de la Taye, j’aurais pu ajouté dans deux pièces sordides, sans commodités, un lavabo à eau froide, mais à quatre ans, je n’ai pas la notion du grand, du beau et du petit, puisque pour avoir une notion, il faut avoir la comparaison ! Et ce que je vois autour de moi, c’est que pauvreté, misère, mais amour, important à souligner, l’amour dans ses maisons sans lumière !

 

Je n’ai que quatre ans, je vais jamais faire pipi sur le pallier, comme les grands, je fais pipi dans un pot de chambre, en plein milieu de la cuisine, les jours ou je suis constipée, je fais l’attraction des voisins, tout le monde vient voir « la gosse » qui est constipée, tout le monde avec ses remèdes !

Quatre ans, je connais l’usine et son gueulard, les ouvriers qui sortent par le portier, je vais chercher mon papa toute seule, une petite fille seule dans les rues !

-papa, papa, chui là, tu viens papa,

Un sourire, un échange de regards, le père fier de sa petite qui l’attend, il franchit le portail, les journées sont rudes, soudain, une main le saisit,

-toi, toi, dis le méchant, met- toi de côté et ouvre ton veston !

Le père qui change de couleur, ouvre le veston, sur sa poitrine il a caché trois morceaux de briquette, le gardien les a vus, je comprends le malaise, dois- je dire quelque chose ?

-monsieur, monsieur, mon papa a volé, mais c’est pour que nous ayons chaud, la mère et moi, et c’est aussi pour faire entrer la lumière, le feu synonyme de lumière, parce que dans la grande maison encastrée, jamais le soleil n’entre par les fenêtres !je peux rajouter que….. mais j’ai pas besoin, rien besoin de dire, le méchant me regarde, regarde mon père et se transforme en « gentil », et laisse passer !!!!

nous sommes des pauvres, je joue dans une pièce noire sans fenêtre, je ne regarde jamais la rue, pourtant elle s’active, tous les commerces que l’on peut espérer, boulangerie, mercerie, primeur, laiterie, boucherie, café, recafé, et un troisième, trois cafés , sur dix mètres. Le soir, lorsque les hommes sont ivres, je les entends gueuler

-maman, maman, c’est quoi, ces bruits ?

-rien, répond elle, dort mon coeucoeur .

 

Jamais, jamais, je ne regarde jamais par la fenêtre, c’est trop haut, et à bien y réfléchir, peut-être que ça fait longtemps qu’elle ne s’ouvre plus !!!!!!!

D’un côté la rue, de l’autre côté, en haut du vieil escalier de pierre, les jardins !!!!!!!!!!

Les jardins ?mais attention, interdiction d’aller y jouer, interdiction formelle, vitale presque !tout cela je le comprends maintenant, jardin, synonyme de légumes, carottes, patates, poireaux, synonyme de « manger » !

 

Alors moi petite Pati, je joue avec Gaston et son chien, (Gaston le fils des marchands de légumes), dans la cour haute, humide, pleine de mousse, qui sent le vieux.Le soleil c’est pour les légumes, pas pour les enfants !

 

C’est quoi le soleil ? Quatre, cinq, six jusqu’à 10 ans, je ne connais toujours pas !

 

Je joue toujours dans la pièce noire, ai une grosse caisse en bois pour mes jouets, à quatre heures, je prends le goûter du pain avec un morceau de chocolat Loriot !!!!!!!!!Me manque rien ?

 

Si, me manque la lumière, les rayons qui jouent dans les cheveux roux, des autres petites filles, la chaleur qui colore les joues des enfants qui jouent dans les près !

 

Mon teint est pâle, blanche comme neige !!!

 

Et l’histoire va durer encore combien de temps, combien de temps, cette petite fille va-t-elle encore étouffer, personne pour lui ouvrir la fenêtre ?qu’elle respire ?

 

On ne peut pas la laisser ainsi, et c’est ainsi que les parents déménagent !

 

Appartement de type F4, au troisième étage dans un bloc, cuisine, salle de bain et wc, et , et , en plus, miracle ………le soleil qui entre dans la salle à manger, lumière, lumière inoubliable ,

 

-regarde la gosse, dit mon père à son oncle, elle a même des couleurs !!!!!!!!!!!!!!!

il a fallu que j’attende dix ans , pour quitter le centre de l’usine, à quelques mètres de la poussière, de la grisaille, juste une belle côte à monter, et là, il y a le soleil ! enfin ,je vais pouvoir, vivre , courir , et regarder par la fenêtre , comme les enfants de mon âge !

 

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