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Salons du livre à Toulouse
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 Article publié le 2 décembre 2008.

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Salons du livre à Toulouse
...expression libre et critique
ou... autre chose...

Nous étions en fin de semaine, les 15 et 16 novembre dernier. À la Chapelle[1], 36 rue Daniel Casanova à Toulouse, se tenait le 4e salon du livre Anarphabète : animations, débats, expos, buvette, musique, on en parle comme LE salon du livre de Toulouse : un salon différent d’expression libre et critique. Nous avons apprécié.

Avec il est vrai une longueur de retard, le 3e salon du livre de Midi-Pyrénées s’est encore essayé à trouver un public… toulousain. Il serait, selon son organisateur, le Centre Régional des Lettres, venu plus nombreux cette année. Le slogan est une contrefaçon : « Vivre livre », marque déposée, devient « Vivons livres », ce qui ne veut pas dire grand-chose, voire rien. Une affiche palote, qui semble avoir subi les affres du soleil au derrière de quelques autobus, n’en dit d’ailleurs pas plus. La règle veut que la « com » ne va pas loin s’il n’y a rien à communiquer. Un manque de réflexion, ou de coordination, dû sans doute à des conflits de diverses natures, semble avoir présidé à cette manifestation pourtant vitale pour l’économie régionale du livre.

Ce salon encore très loin d’avoir trouvé sa voie s’est rapproché du centre ville. Il faut savoir qu’à Toulouse, il n’y a qu’un centre ville : le Capitole et sa place à l’espagnole. Même le Macdo a changé de couleurs pour se conformer aux clés pommetées de la croix que la ville et la région arborent chrétiennement. Il faut savoir, et cela n’est pas difficile à prouver craie en main, que plus le salon se rapprochera du centre et plus il pourra compter de visiteurs. Dans ce sens, le centre de congrès Baudis vaut en effet mieux que les salles prieurales de l’Hôtel-Dieu où les deux premières éditions ont eu lieu dans la plus totale indifférence du public et des médias.

Le centre Baudis est situé dans un quartier peu fréquenté par le badaud et le touriste. En semaine, un jardin est peuplé, à l’heure du déjeuner, par des employés qui y savourent leur casse-croûte. Sinon, les places sont désertes, parcourues de loin en loin par le frisson de l’emploi. On est à l’écart de Toulouse.

Entrons. L’architecture est une plaisanterie de mauvais goût, mais nous ne sommes pas venus pour ça. On descend par le biais d’un escalier mécanique. On tombe sur l’étalage modique de la librairie Ombres blanches[2], qui vaut pourtant beaucoup mieux que ça. Une nouvelle librairie s’est aussi implantée dans ce décor de pacotille. Et l’association des libraires indépendants, que nous avons vue l’année dernière munie de deux fortes caisses enregistreuses, se trouve dos au mur, conformément à la réalité.

En regardant bien, on aperçoit vaguement un « café », si l’on a bien compris que les paravents rouges sont le signe qu’un café se cache derrière. Comme par hasard, le distributeur de café à un euro est tombé en panne, ce qui laisse la place à un autre café et à un autre prix : un euro et demi.

Un espace « jeunesse » étale ses débris de plantes et de papier sur une table et par terre. Rien de jouasse. Des parents surveillent les rites ancestraux du découpage. Un enfant souffle dedans et il n’en sort rien. La mère s’approche en même temps que le moniteur d’éducation… comment appelez-vous ce genre d’éducation ?

Puis la salle. On croit entrer dans une fête patronale, avec des tables en rond, des pergolas sans plante grimpante… une atmosphère de dégustation de produits régionaux. La symétrie impeccable impose une vision de camp romain. Des hallebardes anachroniques sont d’ailleurs dressées au coin des tables, avec le nom de l’éditeur écrit dessus. Il manque les boucliers. Ou les échansons, selon que l’on a l’esprit militaire ou l’intention de goûter à tout.

 

Le CRL en chiffres.
Pas moins de 1287 partenaires !
Seulement 60 sont présents.
Étonnant !
On va passer pour des pistonnés !

La représentativité du CRL est modique : 60 éditeurs sur les 130 qui adhèrent à cette association ; deux libraires sur les 105 ; et pas un auteur ; ceux-ci, plus de 300, sont en effet condamnés à arpenter le salon ; ils constituent d’ailleurs l’essentiel de la fréquentation. Mais c’est ainsi : les auteurs, seuls véritables artisans du livre, sont marginalisés par un système qui d’ailleurs ne concerne pas plus l’éditeur indépendant et efficace que nous sommes.

 

Le CRL a vu plusieurs pôles dans cette représentation éditoriale dominante, là où l’usage et l’intelligence savent que des pôles, il n’y en a jamais que deux — alors qu’il peut y avoir plusieurs centres. On a peut-être voulu dire « domaine », mais à des lieues du dictionnaire :

— En face de l’entrée, les pistonnés : jeunesse, bande dessinée, Occitanie. Avec ces trois « pôles », on a fait le tour des véritables intentions.

— À droite, les beaux livres et les sciences humaines : beaucoup de belles choses à voir en effet, côté photographie surtout. Elle est belle et riche, notre région !

— À gauche, la poésie « et » la littérature, comme si la poésie n’en était pas et que la littérature pouvait s’en passer.

— Au fond, dos au mur, le théâtre, l’auto-édition et le développement personnel.

— Tout à fait à gauche, dans le rideau et les feux de la rampe, l’installation du CRL dans un mobilier de carton prêté par l’école maternelle du coin.

Il y a même un programme de débats et de spectacles. Rien d’autre que les habituelles tournées subventionnées. Rien de véritablement midi pyrénéen. On a même invité des pauvres d’esprit qui s’en prennent à l’informatique et à ses troublantes conséquences sur l’imbécillité humaine, sur ce qu’elle finit par en faire.

 

Deux expressions culturelles high tech.

Et pour couronner le tout, un Café littéraire s’annonce sur des tableaux noirs, entre le style patronage et la manière restauration. Le Chasseur abstrait s’y rend d’ailleurs, à l’invitation de la chargée de l’économie du livre. Immédiatement, l’installation, dans l’espace « traiteur », sent l’amateurisme et l’improvisation. Cela n’a pas l’aspect d’un café littéraire. Nous nous avançons vers quelques chaises disposées devant une table, le tout en éventail comme les doigts de pied qui ont dû présider à cette mystification. Nous sommes dimanche matin ; il est dix heures — l’heure de la messe. Pas un chat. Pascal Leray et moi-même rions. Nous commandons alors un « café littéraire » au comptoir. Nous avons un mot de trop, du style : « Quelle foutaise ! » S’ensuit une altercation verbalement musclée qui détend l’atmosphère et provoque l’hystérie des deux maîtresses d’oeuvre qui ont apparemment cuisiné cette mascarade et à qui il faut bien dire qu’elles se sont foutues du monde et que la marque d’irrespect ne restera pas sans conséquence.

 

Pascal Leray : Organiser le chaos...

 

LES DISCOURS, LES IDÉES, ETC.

Côté pile

Côté face

Bon côté

Pas vraiment la foule, mais le buffet était digne.

Le samedi matin, les partenaires locaux ont inauguré le salon par des discours. Rien de bien fameux. Curieusement, le directeur du CRL ne s’est pas exprimé. On aurait pourtant aimé entendre cet intellectuel raffiné dont la pensée est tournée vers la meilleure poésie qui soit[3]. Le maire de Toulouse et le président de la région n’ont pas estimé que cette manifestation culturelle méritait, au moins par les efforts déployés, leur royale présence. Danielle Buys, qui cumule les trônes, dont la présidence du CRL, s’est emberlificotée dans des circonvolutions augurales dignes d’un loto. Le représentante de la mairie de Toulouse a parlé dans le vide qui est peut-être son métier. Le directeur de la DRAC nous a fait savoir que son rapport au livre était physique, mais sans preuve de turgescence. Madame Breton, qui s’exprimait pour la Région, dans un français certes approximatif, a émis quelques idées directrices bien préparées, ce qui laisse penser que les choses vont évoluer dans le bon sens si toutefois d’autres intérêts moins avouables ne viennent contredire les bonnes intentions.

À noter la parution d’un excellent numéro deux de Tire-Lignes, la revue du CRL qui, sur le terrain éditorial, témoigne d’un à propos et d’un savoir-faire nouveaux et incontestables, sans doute parce que les mauvais esprits n’y sont pas invités.

Se procurer Tire-Lignes sur la page du CRL Midi-Pyrénées

Patrick Cintas.


[1] atelierideal.lautre.net/

[2] ombres-blanches.fr/

[3] « Philippe Jaccottet, le pari de l’inactuel » chez Amazon.fr. 

 

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