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Romans de Patrick Cintas
Aliène du temps - roman - Masse critique nº 14
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Prologue Voici la traduction en vers, et en sonnets, d’un petit roman que son auteur m’a laissé en héritage. Ne sachant qu’en faire, comme il est d’usage quand un auteur est un inconnu, je l’ai traduit. Oh non pas d’une langue étrangère, mais dans une autre langue, étrange. Étrange parce qu’elle n’appartient plus à la poésie d’aujourd’hui qui ne s’écrit plus en vers. Notre époque est retournée aux temps antiques où la rime était vouée à la chanson, au mieux. Ainsi disons que ce qui suit est plutôt une chanson qu’un roman. Et pourtant c’est un roman, comme la terre tourne à l’instar de nos têtes. L’auteur
Note - Texte revu et corrigé de "Avant-fiction" de l’hétéronyme "Pierre Vlélo"... Ce roman-poème est écrit "en sonnets" - 245, environ. Il est ici divisé en chapitres dans l’intention d’en "révéler" la structure. Il pourra, à l’avenir, faire l’objet d’autres "améliorations" à envisager dans son voisinage avec un autre poème, "Seriatim" (sans sonnets...) - voir ce "volume-projet" [ici]. N’étant pas un "écrivain" à proprement parler, j’ai écrit des "volumes" ([voir]) et je m’en dépatouille depuis longtemps. Ces sonnets sont à deux rimes et composés de trois quatrains et d’un distique. Voire. Il m’est souvent venu à l’esprit qu’un poète qui ne sait pas rimer n’est peut-être pas un poète, comme le peintre qui ne sait pas dessiner s’est peut-être éloigné de la peinture. Mais il s’agit là de la part de mon cerveau d’une titillation dont je ne suis que le témoin... à la fois pour échapper à la folie des grandeurs et au charlatanisme des graphomanes : deux "hantises" qui me retrouvent toujours "à la sortie". Merci pour vos bontés et votre indulgence, Seigneurs et mes Dames ! Patrick Cintas
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Commentaires :
Aliène du temps : le vertige d’une langue qui se défait dans la rime
Un commentaire poétique et subjectif
Il y a des livres qui tiennent du gouffre, qui n’ont ni fond ni sommet, qui vous happent et vous recrachent, plus étranger à vous-même que jamais. Aliène du temps est de ceux-là. Roman en vers rimés, il s’ouvre sur une déclaration d’intention qui sonne comme un paradoxe : « Voici la traduction en vers, et en sonnets, d’un petit roman que son auteur m’a laissé en héritage. » L’auteur, Patrick Cintas, ne traduit pas d’une langue étrangère, mais d’une langue devenue étrange, celle d’une poésie exilée de son propre siècle.
Nous sommes avertis dès l’abord : ce livre est un vestige et une transgression. Il convoque la rime non comme un ornement mais comme une fatalité, un engagement total dans le langage. Ce n’est pas un roman, dit-il, mais une chanson, et pourtant, c’est un roman, comme la terre tourne à l’instar de nos têtes. Cette circularité obsédante traverse tout le texte : les strophes tournent sur elles-mêmes, les images se répètent, se déforment, se contaminent, jusqu’à former un piège où le lecteur s’engouffre. Il y a là une poétique de l’aliénation – celle du temps, celle de la conscience, celle du langage lui-même.
Le poème comme tombeau : la mémoire en fragments
L’œuvre s’ouvre sur une scène de ruines, un espace spectral où s’inscrit immédiatement la question de la disparition :
« Un probable tombeau à quelque pas de là. »
On est dans une errance, une quête, un enchevêtrement de traces incertaines. L’enfance apparaît, contemplative, face à une toile d’araignée. Un motif qui évoque autant la mémoire que la capture. L’image s’enrichit de références mythologiques – une fée, un Walhalla – et de jeux de reflets qui troublent la perception :
« La pluie révèle en bas-reliefs les insulas. »
L’écriture de Cintas procède souvent ainsi : par strates, par superpositions, créant des espaces où les époques et les symboles s’imbriquent jusqu’à former un palimpseste mouvant. Ici, la tombe se fait palais, et la mort n’est plus qu’une modulation du langage :
« Ô probable tombeau qui eût été palais / Si la mort avait eu un sens, une exigence. »
Tout est là : la mort n’est pas une fin, elle est un espace d’écriture, une matière mouvante qui ne cesse d’être retravaillée, recomposée, triturée par le verbe.
Hélène, la figure spectrale : entre mythe et disparition
Hélène traverse le texte comme une obsession, un mirage insaisissable :
« Hélène, quelle Hélène ? »
D’abord simple nom, elle devient un corps, une absence, un fantôme qui hante les vers. Elle est à la fois une allégorie de l’amour et un pur prétexte narratif, une figure qui ne cesse d’être évoquée sans jamais se fixer. Cette Hélène est-elle la beauté antique, l’amante perdue, la muse insaisissable ? Ou bien est-elle une métaphore du temps lui-même, un passé auquel le poète s’adresse comme à une amante disparue ?
L’auteur joue avec cette ambiguïté, renforcée par un lexique où se mêlent le charnel et le métaphysique, le mythe et l’intime :
« Ainsi âgé tu entrais en ton cimetière. / Si tu vivais encore et si le temps n’était / Qu’un essor excessif de tes jambes l’été ? »
Hélène n’est peut-être rien d’autre que cette tension entre le désir et la perte, un corps en suspension dans l’écriture.
Le temps éclaté : un vertige de la répétition
Le titre, Aliène du temps, annonce d’emblée une obsession temporelle. Mais le temps ici n’est ni linéaire ni structuré, il est éclaté, convulsif. La narration elle-même semble se disloquer, répétant les mêmes motifs sous des formes toujours nouvelles. On avance dans le texte comme dans un labyrinthe, revenant sans cesse sur les mêmes images, les mêmes questionnements.
L’aliénation n’est pas seulement celle du narrateur, c’est celle de l’écriture elle-même, qui tourne en boucle, qui semble incapable d’atteindre un point final :
« Ce qu’on voit à travers les feuilles en sursis,
Est-ce tout ce qu’on sait de cette démesure ? »
La question revient, insistante : que reste-t-il du réel quand tout est devenu langage, quand le temps lui-même n’est plus qu’une construction poétique ?
Une langue en état de crise : entre érudition et trivialité
L’un des aspects les plus fascinants du texte est son rapport au langage. Cintas pousse la langue à ses extrêmes, alternant érudition et trivialité, classicisme et brutalité. Il s’approprie le vers rimé pour mieux le tordre, le dérégler :
« L’animal qui te suit feule et le coutelas / Menace les voisins loin de nos aulas. »
Le mélange des registres est permanent : le poème côtoie la chronique sociale, le mythe se heurte à l’argot, l’élégie flirte avec le grotesque.
Par moments, la langue elle-même semble menacée de dissolution, comme si elle se délitait sous nos yeux :
« Le poète n’est plus de nos jours aussi rare.
On l’a multiplié au nom de l’unité.
Il connaît le confort du travail limité
Et la reconnaissance avec force fanfare. »
Le constat est amer : la poésie est devenue une fonction, une posture. Loin de toute transcendance, elle est réduite à un artifice social.
Mort, errance et théâtre : un roman du seuil
L’une des métaphores centrales du livre est celle du seuil. Le narrateur est constamment en train de passer d’un état à un autre, entre la vie et la mort, entre l’oubli et la mémoire, entre le mythe et le réel. Le texte lui-même adopte cette posture d’entre-deux, oscillant entre la narration et la pure contemplation poétique.
« Je n’ai rien désiré que poésie aimable,
Chanson que l’échanson ressert sur leurs autels. »
Le poète n’est plus qu’un acteur dans une tragédie absurde. Il n’écrit pas pour raconter, mais pour maintenir un équilibre précaire entre le néant et la parole.
Conclusion : une œuvre qui se consume dans sa propre lumière
Aliène du temps est un texte incandescent, traversé de fulgurances et d’ombres. Il y a quelque chose d’épuisant, d’excessif dans cette écriture, mais c’est précisément ce qui en fait la puissance. Cintas ne cherche pas à séduire, il impose une vision, une cadence, un vertige.
On pourrait dire que ce livre est une spirale : il ne se lit pas, il se traverse, il nous entraîne dans son mouvement circulaire jusqu’à nous faire perdre tout repère. Il ne raconte pas une histoire, il nous enferme dans un rythme, dans une respiration haletante où la rime n’est pas un simple ornement, mais un piège, un battement, une transe.
Une œuvre d’aliéné, peut-être. Mais d’aliéné magnifique.
Aliène du temps... https://youtu.be/C6dreqzQ_Jk?si=fD9c0isjzC6sw0Ur