Les militaires intelligents, les militaires de tout premier plan sont des hommes cultivés.

 Qui dépassent, de loin, l’homo politicus.

 Ils ont généralement tout vu, tout vécu. Leur espace mental, ainsi, s’apparente à une forteresse.

 Jules César possédait à la perfection le grec, et, bien sûr, le latin, sa langue maternelle. Par surcroît, il avait absorbé la culture hellénistique, plus précisément sa philosophie et sa dramaturgie, qui ne faisait qu’une avec sa sœur latine. Le premier des premiers gréco-romains possédait également l’art de la synthèse, ainsi qu’une capacité d’écoute clinique. Doté d’un grand sens de l’anticipation. « La guerre des Gaules », modèle d’investigation géographico-poétique et modèle de propagande, est également un modèle d’atticisme.

 Sa grande leçon est probablement la suivante : la guerre civile est-elle nécessaire à la transformation de la Cité ?

 Marc-Aurèle, premier de l’Empire - concept spéculé par César - , n’aura de cesse de défendre le limes contre les invasions barbares, notamment les Germains. Son règne long est synonyme ou synthèse de défense du vaste empire latin, grâce à la philosophie grecque puisque le dirigeant s’appuie constamment sur le stoïcisme afin de remplir son devoir et d’être reconnu garant de la Ville et de ses territoires. Ce grand personnage historique a poussé à leur paroxysme le concept d’humanité et sa texture, auxquels il a soustrait les moindres états d’âme. Son ouvrage «  Pensées pour moi-même  » en est le reflet.

 Choderlos de Laclos, militaire de garnison, possède du temps pour écrire, ainsi que spéculer sur l’avenir de la France. Dans un style d’orfèvre, il invente une sorte de roman épistolaire total qui préfigure la Révolution. L’officier, vivant les événements qu’il aura anticipés, œuvre ensuite pour Napoléon.

 Napoléon... le goût pour la rapidité et l’action. Le sens de la synthèse, aussi. Qu’elle soit politique ou cognitive.

 Il soigne sa sortie, par surcroît, en signant le Mémorial.

 Il a su donner une forme nouvelle au chaos français, l’orienter vers un seul but : sa grandeur. Avec des excès, certes. Il a créé une nouvelle architecture administrative, politique et commerciale pour ce vieux pays gallo-romain. Epris de la princesse polonaise, il a protégé son pays.

 Charles de Gaulle, lui, est d’abord une lumière dans l’obscurité. Sa force mystique est sans égale et lui permet de franchir les plus grands obstacles. La France est une grande idée abstraite qui ne peut disparaître. La plume court aisément sous la main du général. Qui aime la littérature. Alain Robbe-Grillet le soutiendra à sa façon, précisant sa grande qualité de chef d’Etat sur le plan international.

 Le paradoxe de la guerre, bien souvent, c’est qu’elle remet la substance humaine au cœur de tout...