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 Article publié le 4 février 2024.

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yolaine.blanchard21@gmail.com

 

À l’heure où le mythe de la poésie s’apprête à rejoindre les anciennes pratiques de l’expression, ses recueils continuent de nous interroger à la fois sur ce qu’on dit et sur la manière de le dire.

Ce fort recueil nouvellement imprimé (180 pages bien remplies) ne propose pas une leçon de choses, mais il est tellement bien construit, et construit pour qu’on y pense, que l’invitation à en suivre le cours ne saurait se refuser.

Certes le constat initial pourrait paraître au moins mélancolique : à savoir que « l’on est peu de chose au regard du destin. » Mais le secret de la « page blanche » n’en est pas un : Yolaine Blanchard y avance plus vite que nous, ce qui nous contraint à la rattraper pour ne pas la perdre de vue.

Et c’est facile. Pas seulement grâce au langage, qui est celui de la poésie dite traditionnelle, mais parce que la sincérité est au rendez-vous, tant au niveau du contenu, toujours à fleur de peau malgré la joie, que de ses vers soigneusement comptés, rimés selon nécessité et si proches du sens qu’ils contiennent que rien de ce que le poète dit ne nous échappe.

Ainsi, l’histoire qui nous est ici contée (car il s’agit bien de conter sous le sceau de la confidence) est celle que les êtres proches apportent en entrant ou en passant. Cette proximité, que nous connaissons tous en principe, est riche de révélations et de nuances. L’amour devient alors le fil conducteur. Et cette histoire qui a mal commencé avec ce destin qui nous rapetisse prend de l’ampleur, on tourne les pages avec intérêt, « gourmandise » dit le poète, non sans en avoir apprécié toutes les possibilités.

Souvenirs, nostalgies, énigmes, passages furtifs des uns ou présence têtue des autres, rien n’est abandonné en route, le flot recommence sans cesse, on finit par se laisser convaincre qu’on n’est pas venu pour rien ou pour des prunes.

Pourtant, l’autre réalité, celle qui nous éloigne de nos proximités, n’est en aucun cas négligée. Ce « monde d’excès où le trop nous détruit » ne construit pas des murs infranchissables : et si le poète profite savamment et avec art de ses brèches, c’est pour écrire ; écrire non pas ce qui lui passe par la tête, comme on serait tenté de le faire en pareil cas, mais ce qui s’offre à son intelligence, à son humilité et à sa connaissance de toute la poésie déjà passée par là.

On se laissera donc emmener en cette forêt digne des meilleurs moments de l’existence quand, malgré la sensation d’écrasement ou d’étouffement, on en vient à se dire que l’écriture est un merveilleux moyen d’aller au bout de ce qui nous a été donné.

Patrick Cintas.

 

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Commentaires :

  Remerciements par Stephen Blanchard

à Patrick,

Je te remercie Patrick d’avoir eu le temps pour lire les 188 pages le recueil de Yolaine et tu as bien compris toute la sincérité de l’auteur et l’amour que ce recueil contient aussi bien pour la famille que pour les amis (ies) de passage. Oui, la poésie se révolte bien souvent mais c’est toujours le cœur qui parle. Merci encore de cette critique qui permet en même temps d’analyser l’ensemble de nos émotions et de notre passion envers Dame poésie. Stephen.

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Prix Edition Dijon 2024


  Remerciements par Yolaine Blanchard

Merci à vous pour votre effort de lecture et votre générosité à me faire part de vos impressions ; il est vrai que mon recueil se veut accessible et ne contient aucun message crypté à déchiffrer.

Je suis très heureuse de constater que vous considérez ne pas avoir perdu votre temps pour rien et que la sincérité est au rendez-vous, malgré une écriture traditionnelle.

J’en suis d’autant plus touchée que, face au silence glaçant de certaines personnes proches, je finissais par penser que je n’aurais jamais dû tenter l’aventure de la publication... Je partage avec plaisir votre conclusion positive sur l’écriture, en renouvelant tous mes remerciements.


  L’impur donné par Jean-Michel Guyot

On se laissera donc emmener en cette forêt digne des meilleurs moments de l’existence quand, malgré la sensation d’écrasement ou d’étouffement, on en vient à se dire que l’écriture est un merveilleux moyen d’aller au bout de ce qui nous a été donné.

Patrick Cintas

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« Que l’écriture soit un merveilleux moyen d’aller au bout de ce qui nous a été donné », qui oserait le contester, hormis les hordes barbares étrangères à la beauté du monde (mais nullement à sa cruauté dont elles font profession) ?

Mais que faut-il entendre au juste par « aller au bout de ce qui nous a été donné » ?

Les voies pour y parvenir sont multiples, à commencer par la voie du silence obstiné, le refus de la confidence à prétention intimiste et universelle. Particulièrement lorsque la vie, « l’affirmation vitale » (Blanchot) a été brisée lors et à la suite d’un séjour en camp de concentration ou d’extermination. Du silence obstiné au témoignage tardif ou médité (Primo Levi, Jorge Semprun, Georges Anthelme), toutes les nuances furent en leur temps possibles.

Il faut une bonne dose de confiance en soi et un certain courage pour oser se lancer dans l’arène des écritures hostiles les unes envers autres en un temps où nombreux sont ceux qui, par réseaux sociaux interposés, y vont de leur petit commentaire ironique voire assassin, y lancent leurs tonitruants coups de gueule indigné à coloration woke, y déversent leur admiration éperdue pour des salauds de terroristes, des minables de la pop cuture ou de vulgaires assassins qui font la Une des journaux, quand ce ne sont pas des fiers à bras du showbiz ou du foot empêtrés dans des affaires de cul sordides.

Je connais peu d’écrivains qui sont « allés au bout du donné », qui plus est avec constance, avec acharnement. Je songe à Georges Bataille, le mal aimé qui effrayait le prude Breton. Il y en a d’autres. Pas de panthéon pour eux. 

« La belle écriture » n’est pas un crime ; la mimésis est chose difficile. On ne répond pas au chaos par un surplus de chaos, sauf à mettre sa vie en danger, ce qui n’est pas interdit mais fort peu conseillé.

Le procès intenté aux excès en tous genres, voilà ce qui me répugne foncièrement, même si je suis prêt à admettre qu’un excès n’en vaut pas un autre, et que des excès de violence en tous genres sont choses exécrables, pour peu que l’on aime la vie, et la vie, c’est d’abord - se doit être d’abord - celle d’autrui. Le donné qu’est la violence, qu’elle soit « gratuite » ou d’Etat, constitue « le terreau » d’un nombre considérable de nouvelles et de romans dans lesquels tout le pire dont l’humain est capable s’étale à longueur de pages. Et, par le passé, quoi de plus sanglant qu’un drame shakespearien, qu’un mythe grec, qu’une tragédie grecque, pour n’en rester qu’à l’espace culturel européen ?

Le doute me vient, soit dit en passant, qu’une violence puisse être « purement » gratuite, motivée qu’elle est toujours par la frustration, l’envie, la jalousie ou bien encore par la volonté de dominer autrui pour se rassurer quant à l’échéance de sa propre mort.

La volonté de domination reste peut-être, pour la Littérature, la plus grande énigme, même si l’on tend à en faire une fatalité historique et la norme des rapports internationaux.

Il semble que traverser des épreuves puis en rendre compte par l’écriture soit devenu la norme de nos jours, d’où tous ces livres de témoignage - bien ou mal écrits, peu m’importe - censés remuer les consciences. Je fais allusion ici à tous ces livres qui nous racontent des histoires sordides d’inceste, de manipulation, de harcèlements sexuels et de viols, en d’autres termes des épreuves subies mais nullement consenties par des personnes vulnérables qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

A cette tendance éditoriale encline à la facilité - rentabilité oblige - je préférerai toujours la mise en danger de soi dans et par l’écriture, le donné, l’impur donné n’étant jamais alors une affaire entendue, un quasi-stock de souvenirs plus ou moins heureux, plus ou moins douloureux mais une matière instable, fort incertaine et sujette à d’étranges éclipses de sens.

Le donné peut être vu comme une gangue qu’il faut faire éclater afin d’en dégager la gemme. D’autres, préféreront évoquer une sorte de transfiguration alchimique par fusion de matériaux dégagés de leurs impuretés par une opération quintessentielle. Travail fort délicat en tous cas : un ordre d’exposition s’impose, quoi qu’il en soit, à ce qui se présente comme un chaos existentiel, faute de quoi la transmutation n’a pas lieu. Donner forme au chaos tout en en préservant le fond, voilà qui n’est pas rien. Forme et fond pris dans une dialectique infinie, autant dire inachevable : la forme relève le fond qui se rebelle, ne se plie que momentanément à la mise en forme, le récit étant alors dans son développement même le lieu d’un conflit entre le trop à dire qui coupe le souffle et laisse interdit et la nécessaire et salutaire prise de parole qui libère du poids écrasant d’un vécu passivement subi dans l’horreur, la fascination ou l’exaltation. Expérience d’écriture qui tend à transformer le témoin en un véritable écrivain.

L’aventurier amateur de sensations fortes existe encore qui, revenu de voyages éprouvants, nous narre ses aventures à l’autre bout du monde. Il y a aussi des correspondants de guerre qui nous racontent les conflits au plus près de la ligne de front. Journalistes et aventuriers se mettent assurément en danger pour témoigner, rendre compte de ce qu’ils ont vu, entendu, perçu d’un conflit armé, d’une traversée ou d’une ascension périlleuse. Toutes mises en danger de soi qui équivalent à une traversée des périls, c’est-à-dire une expérience censée profiter, par le truchement de l’écriture, à toutes celles et ceux qui ne l’ont pas subie. Rien de méprisable là-dedans.

On le voit : les voies sont multiples.

Le « primum vivere, deinde scribere » propre à notre temps incline au récit d’aventure, à l’article de presse détaillée, fouillé et parfaitement sourcé-documenté mais pas à la « grande Littérature », à cette nuance près qu’il arrive qu’un écrivain estimé - copieusement haï aussi - rende compte avec art d’un voyage d’étude, tel André Gide avec son « Retour d’URSS ». Un Soljenitsyne ou un Vassili Grossmann, en leur temps, ont eux aussi fait œuvre de littérature, après avoir été plongé dans l’horreur stalinienne.

« malgré la sensation d’écrasement ou d’étouffement », nous dit Patrick Cintas, et je crois bien que tout se joue là, en effet, dans ce « malgré tout » qui affirme ce très net refus de la fatalité qu’est une œuvre littéraire digne de ce nom, assez humble pour en soutenir la charge parfois démente, assez puissante pour en faire des raisons de ne pas courber l’échine.

Un écrivain qui n’a pas la nuque raide face au réel ne me parait pas digne de confiance.

 

Jean-Michel Guyot - 4 février 2024

 


 

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