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Jardins
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 Article publié le 12 mars 2023.

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Jardin d’Eden éclipse la création qui n’est rien que les mots pour la redire encore et encore, la maudire parfois. 

Jardins suspendus de Babylone, oh Amytis de Médie ! et babils de Babel, oh Babybel, dieu des fromages, soleil rouge de mon enfance !

Et tout s’entremêle, siècle sur siècle ! L’écheveau échevelé du temps suspendu n’est qu’un triste et joyeux méli-mélo ! Traurigfroh tout là-bas à Heidelberg, t’en souviens-tu ? 

La nuit, c’est la nuit depuis tes quatorze ans. Jeune encore aux yeux de tous mais si vieux déjà.

Aber das Saitenspiel tönt fern aus Gärten ; vieleicht, daß

Dort ein Liebendes spielt oder ein einsamer Mann

Ferner Freunde gedenkt und der Jugendzeit ;

Jardins à présent devenus ce dédale acrobatique, miroir de soi et du même en l’autre et de l’autre qui se balance de même en même, ne cesse dès lors de creuser le ciel et de croître, peut-être à l’infini, dans le peu d’espace de jeu qu’il lui reste, croit-il.

Croa, croa ! Un meurtre de corbeaux passe à l’instant, file en direction du Sud. J’y vois nettement les figures conjointes de Hugin et de Munin.

Ample et souple, le temps, quant à lui, ne manque de rien ; étrange créature verticale à tête de cheval et corps de paon, il s’ébroue et se pavane à même les falaises de craie qui surplombent le Lot en ses méandres paresseux.

Son manque de rien, c’est même tout ce qu’il a à offrir à qui s’y aventure, une pléthore d’évidences sombres et creuses, dolines dans le karst des jours que le grand nombre s’échine à creuser encore et encore à la recherche de l’or du temps, mais partout ce n’est que calcaire, pour notre bonheur.

Quelque part dans Saint-Cirq-Lapopie, tu déambules parmi les ruelles abruptes, porté par un flot incessant de touristes en goguette qui t’ignorent superbement, mon pauvre André. Tu y croises fréquemment la belle Catherine sans jamais reconnaître en elle la poétesse de tes rêves. Tu as le regard vide du vent une fois qu’il a commis ses méfaits.

Au cœur de l’évidence, il y a le vide, nous disait l’ami Jabès jamais avare de bons mots. J’abaisse la herse du temps, le temps que mes troupes adverses se replient en bon ordre dans le château-fort de ma meilleure ennemie, le château-fort dont l’esprit est le pont-levis, nous disait René il y a de cela fort longtemps. Je ne veille pas sur la plus haute tour, je passe mon tour.

Mais regarde ça ! En partie déjà creux, le tronc d’arbre échoué là sur la plage de galets roulés, quelle belle opportunité ! Sans plus tarder, tu l’évides avec tes mains d’acier trempé, tu en fais une pirogue douce capable de t’emmener flotter sur les flots hostiles, ils sont si nombreux !

Un hiver, un terrible hiver passera par là. C’est dans la froid que désormais tu écriras, que cela t’agrée ou non.

Aton corps défendant, tu devras en passer par la froidure des temps hostiles et stériles et la froideur des hommes, des femmes surtout, si tu veux espérer pouvoir quelque jour courber le destin, de surcroît faire mentir tes détracteurs de naguère et, comble du comble, faire un royal pied de nez à celles et ceux qui t’ont traité comme un moins que rien par le passé.

Les visages narquois de tous ces fâcheux défilent sous tes yeux amusés, maintenant que tu ne mets plus ta lumière sous le boisseau. Leurs visages de cire fondent doucement sous les rayons de ton petit musée Grévin. Imagine un peu ce qu’ils vont devenir !

Le ressentiment n’a jamais été ta tasse de thé ; tu laisses derrière toi un passé qui ne bouillonne plus en toi depuis bien longtemps. Ni essence ni quintessence ne te retiennent de ces lieux de geôle par où tu as enfermé le passé jeté aux oubliettes de l’histoire que tu n’écriras pas.

L’hiver t’a fait un cœur sec. Cassant comme du verre, et même tranchant comme une lame d’acier, si nécessaire, tu es. Rémouleur de tes haines, voilà que tu aiguises et polies tes armes ou, si tu préfères : te voilà qui aiguises et polies tes armes. Ton regard émerillonné de busard en chasse épouse le bleu du ciel.

Tu ignores la pitié pour toi-même ; tu te réjouis si peu du malheur d’autrui.

Redresseur de tort, toi ? Oui, à ta façon, seulement pour celles et ceux qui savent lire entre tes lignes ou te lire entre les lignes, comme tu voudras.

 

Jean-Michel Guyot

4 février 2023

 

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