Arrivé au sommet, il ne resterait plus qu’à en redescendre ? et si, par le plus grand des hasards, nous n’étions pas parvenus au sommet, même après y être arrivé avec force coups de reins, que se passerait-il ?

Ce qui advient à chaque fois que nous avons achevé une œuvre : il nous faut recommencer à gravir de nouveaux sommets, pas nécessairement plus hauts ni plus escarpés que les précédents, mais à côté, tout proches, les sommets formant selon toute vraisemblance une chaîne de montagnes aux dimensions inconnues. Il faut pour cela avoir le pied marin, car cette houle rocheuse exige de nous que nous sachions bondir d’un sommet sur l’autre, tout en ayant la délicieuse sensation de les gravir tous successivement, ce qui ne fait pas de nous des Sisyphe aux petits pieds ni des géants capables de déplacer des montagnes mais de sulfureux et furieux surfeurs.

La foi qui déplace les montagnes bute sur une matière infiniment plus dure et plus durable qu’elle : notre existence et tout ce qui s’en suit, à commencer par l’énigme que constitue l’existence d’autrui. Il nous faut bien admettre que nous ne sommes pas les seuls à exister entre lacs et forêts, mers et terres émergées, faune et flore, tout cela au beau milieu d’autres humains.

L’énigme s’épaissit à mesure que s’amenuise la distance entre les autres et nous. Tes seins, cette merveille, amie, me restent heureusement étrangers dans la paume de ma main, et j’ignorerai toujours ce que tu ressens au juste au contact de ma peau. 

Comme le dit un ami fort sagace : L’existence est le seul poème.

Jean-Michel Guyot

18 février 2023